Characters
On works of the spirit [literature, writing, etc.]
Des Ouvrages des esprits
1
(I) Everything has been said, and one comes into the world too late after seven thousand years in which there have been thinking men. The most beautiful and best mores have shown themselves; one can only glean from the ancients and the clever among the moderns.
(I) Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et meilleur est enlevé; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes.
2
(I) It is only necessary to think and speak justly, without wanting to lead others to our taste and feelings; that is too great an undertaking.
(I) Il faut chercher seulement à penser et à parler juste, sans vouloir amener les autres à notre goût et à nos sentiments; c'est une trop grande entreprise.
3
(I) It is a craft to make a book, like to make a watch: more than intelligence is needed to be an author. A judge was shown the highest honors because of his merit; he was nimble and practical in his affairs, and he published a work on morals, which was ridiculous in a way that was rare.
(I) C'est un métier que de faire un livre, comme de faire une pendule: il faut plus que de l'esprit pour être auteur. Un magistrat allait par son mérite à la première dignité, il était homme délié et pratique dans les affaires: il a fait imprimer un ouvrage moral, qui est rare par le ridicule.
4
(I) It is more difficult to make a reputation with something perfect than to be praised for a mediocre work when your reputation is made.
(I) Il n'est pas si aisé de se faire un nom par un ouvrage parfait, que d'en faire valoir un médiocre par le nom qu'on s'est déjà acquis.
5
(I) If a satire or a work that contains anecdotes, that must be handed out and received secretly, is mediocre, it passes for marvelous; possessing it makes it striking.
(I) Un ouvrage satirique ou qui contient des faits, qui est donné en feuilles sous le manteau aux conditions d'être rendu de même, s'il est médiocre, passe pour merveilleux; l'impression est l'écueil.
6
(I) If a person takes away the exhortation to the reader, the dedicatory letter, the preface, the table of contents, and the endorsements from very many moral works, there are hardly enough pages left to merit the name of a book.
(I) Si l’on ôte de beaucoup d’ouvrages de morale l’avertissement au lecteur, l’épitre dédicatoire, la préface, la table, les approbations, il reste à peine assez de pages pour mériter le nom de livre.
7
(I) There are certain things in which mediocrity is unbearable: poetry, music, painting, public speaking. What torture to hear someone pompously declaim a frigid speech, or pronounce mediocre verses with all the emphasis of a bad poet!
(I) Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable : la poésie, la musique, la peinture, le discours public. Quel supplice que celui d’entendre déclamer pompeusement un froid discours, ou prononcer de médiocres vers avec toute l’emphase d’un mauvais poète!
8
(V) In their plays, certain poets are subject to long sequences of pompous verses which seem to be strong, elevated, and full of great feeling. The people listen avidly, their eyes raised and their mouths open, thinking that it pleases them, and the less they understand it, the more they admire it; they don’t have the time to breathe, hardly can they recover to exclaim and applaud. In my first youth I used to think that these sequences were clear and intelligible to the actors, to the balconies and the amphitheater, that the authors understood what they had written and that despite all the attention I was giving to their recital, I was wrong not to understand them: I was mistaken.
(V) Certain poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments. Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins, l’admire davantage ; il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. J’ai cru autrefois, et dans ma première jeunesse, que ces endroits étaient clairs et intelligibles pour les acteurs, pour le parterre et l’amphithéâtre, que leurs auteurs s’entendaient eux-mêmes, et qu’avec toute l’attention que je donnais à leur récit, j’avais tort de n’y rien entendre : je suis détrompé.
9
(I) A masterpiece that was made by many people has hardly ever yet been seen: Homer wrote the Iliad, Virgil the Aeneid, Livy his Ab Urbe Condita, and Cicero his Orations.
(I) L’on n’a guère vu jusques à présent un chef-d'œuvre d’esprit qui soit l’ouvrage de plusieurs : Homère a fait l’Iliade, Virgile l’Énéide, Tite-Live ses Décades, et l’Orateur romain ses Oraisons.
10
(I) There is a point of perfection in art, just as there is health or maturity in nature. Those who sense and love it have good taste; those who don't sense it and like either before it or after have a defective taste. There is therefore a good and a bad taste, and we dispute tastes with reason.
(I) Il y a dans l’art un point de perfection, comme de bonté ou de maturité dans la nature. Celui qui le sent et qui l’aime a le goût parfait ; celui qui ne le sent pas, et qui aime en deçà ou au delà, a le goût défectueux. Il y a donc un bon et un mauvais goût, et l’on dispute des goûts avec fondement.
11
(I) There is much more acuteness than taste in men; or to be clearer, there are few men whose intelligence comes with sound taste and judicious criticism.
(I) Il y a beaucoup plus de vivacité que de goût parmi les hommes; ou pour mieux dire, il y a peu d'hommes dont l'esprit soit accompagné d'un goût sûr et d'une critique judicieuse.
12
(I) The lives of heroes have enriched history, and history has embellished the actions of heroes: thus, I don't know which is more indebted: the people who have written history to the ones who have given them such noble events, or these great men to their historians.
(I) La vie des héros a enrichi l'histoire, et l'histoire a embelli les actions des héros: ainsi je ne sais qui sont plus redevables, ou ceux qui ont écrit l'histoire à ceux qui leur en ont fourni une si noble matière, ou ces grands hommes à leurs historiens.
13
(I) Heaps of epithets are bad praises: it is his deeds that praise a man, and ones manner of recounting them.
(I) Amas d'épithètes, mauvaises louanges: ce sont les faits qui louent, et la manière de les raconter.
14
(I) All the esprit of an author consists in defining and portraying things well. Moses, Homer, Plato, Virgil, and Horace are only superior to other authors because of their manner of expression and the images they used: a person must express the truth in order to write naturally, strongly, and tactfully.
(I) Tout l'esprit d'un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. Moïse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images: il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement.
15
(V) One must do with style in writing as has been done with architecture. One has entirely abandoned the gothic order, which barbarism introduced for palaces and temples; one has called back the Doric, Ionic, and Corinthian: that which was no longer seen except in the ruins of ancient Rome and Greece, become modern, shining in our porticos and peristyles. In the same way, a person would not meet with what is perfect in writing, nor would, if possible, surpass the ancients except by imitating them.
How many centuries have passed before men, in the sciences and arts, have been able to come back to the taste of the ancients and finally regain what is simple and natural!
(IV) A person nourishes himself on the ancients and on the clever among the moderns, he presses them, he gleans everything that he can, he swells with things taken from them; and when he is at last an author and is able to walk on his own, he rises against them and maltreats them, like a child who has grown strong and healthy on the milk that he sucked, and who then hits his nurse.
(IV) A modern author usually uses two things to show that the ancients are inferior to us, reasoning and examples: he bases his reasoning on his own taste and his examples are his own works.
(IV) Such a person admits that the ancients, as unsustained and incorrect as they are, do have beautiful passages; he quotes them and they are beautiful enough to make people read his critique.
(IV) Some clever people decide in favor of the ancients against the moderns; but they are suspected of judging in their own favor, so much do their works conform to the taste of antiquity: they are dismissed.
(V) On a dû faire du style ce qu'on fait de l'architecture. On a entièrement abandonné l'ordre gothique, que la barbarie avait introduit pour les palais et pour les temples; on a rappelé le dorique, l'ionique et le corinthien: ce qu'on ne voyait plus que dans les ruines de l'ancienne Rome et de la vieille Grèce, devenu moderne, éclate dans no portiques et dans nos péristyles. De même, on ne saurait en écrivant rencontrer le parfait, et s'il se peut, surpasser les anciens que par leur imitation.
(I) Combien de siècles se sont écoulés avant que les hommes, dans les sciences et dans les arts, aient pu revenir au goût des anciens et reprendre enfin le simple et le naturel!
(IV) On se nourrit des anciens et des habiles modernes, on les presse, on en tire le plus que l'on peut, on en renfle ses ouvrages; et quand enfin l'on est auteur, et que l'on croit marcher tout seul, on s'élève contre eux, on les maltraite, semblable à ces enfants drus et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé, qui battent leur nourrice.
(IV) Un auteur moderne prouve ordinairement que les anciens nous sont inférieurs en deux manières, par raison et par exemple: il tire la raison de son goût particulier, et l'exemple de ses ouvrages.
(IV) Il avoue que les anciens, quelque inégaux et peu corrects qu'ils soient, ont de beaux traits; il les cite, et ils sont si beaux qu'ils font lire sa critique.
(IV) Quelques habiles prononcent en faveur des anciens contre les modernes; mais ils sont suspects et semblent juger en leur propre cause, tant leurs ouvrages sont faits sur le goût de l'antiquité: on le récuse.
16
(I) A person must learn to read his works to people who know enough to correct and evaluate them.
(IV) Not wanting to be either counseled or corrected on one's work is pedantry.
(IV) An author must receive with an equal modesty the praises and the critiques directed at what he wrote.
(I) L'on devrait aimer à lire ses ouvrages à ceux qui en savent assez pour les corriger et les estimer.
(IV) Ne vouloir être ni conseillé ni corrigé sur son ouvrage est un pédantisme.
(IV) Il faut qu'un auteur reçoive avec une égale modestie les éloges et la critique que l'on fait de ses ouvrages.
17
(I) Between all the different expressions that can present one of our thoughts, there is one that is the best. A person doesn't always find it when he is speaking or writing; nonetheless, it is true that it exists, and that the others are weak and would not satisfy a person who has esprit and wants to be understood.
A good author, who writes with care, often feels that the expression he was looking for for a long time without recognizing it, and which he has finally found, is the one that is simplest, most natural, which seems to have presented itself from the first and without effort.
People who let themselves be led by their mood when they write are subject to alter what they have written: since their mood is not fixed, but varies with time, they soon find that their favorite expressions and words become frigid.
(I) Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. On ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant; il est vrai néanmoins qu'elle existe, que tout ce qui ne l'est point est faible, et ne satisfait point un homme d'esprit qui veut se faire entendre. Un bon auteur, et qui écrit avec soin, éprouve souvent que l'expression qu'il cherchait depuis longtemps sans la connaître, et qu'il a enfin trouvée, est celle qui était la plus simple, la plus naturelle, qui semblait devoir se présenter d'abord et sans effort.
Ceux qui écrivent par humeur sont sujets à retoucher à leurs ouvrages: comme elle n'est pas toujours fixe, et qu'elle varie en eux selon les occasions, ils se refroidissent bientôt pour les expressions et les termes qu'ils ont le plus aimés.
18
(I) The same justice of spirit that makes us write good things makes us stop and suspect that they are not good enough to merit being praised.
A medioce spirit tries to write divinely; a good one tries to write reasonably.
(I) La même justesse d'esprit qui nous fait écrire de bonnes choses nous fait appréhender qu'elles ne le soient pas assez pour mériter d'être lues.
Un esprit médiocre croit écrire divinement; un bon esprit croit écrire raisonnablement.
19
(I) "Someone asked me", said Ariste, "to read my work to Zoïle: I did so. He was seized by it at first, before he had the leisure to decide that it was bad; he modestly praised it in my presence, and since then has not praised it in front of anyone. I forgive him, and more can't be expected from another author; I am even sorry that he had listen to beautiful things that he didn't write."
People who say that because of their rank, they are exempt from being jealous of other authors, have either passions or needs that distract them and make them cold to other peoples creations: despite his intelligence, his heart or his fortune, nearly no one is able to completely give in to the perfection of a work.
(I) « L'on m'a engagé, dit Ariste, à lire mes ouvrages à Zoïle: je l'ai fait. Ils l'ont saisi d'abord et avant qu'il ait eu le loisir de les trouver mauvais; il les a loués modestement en ma présence, et il ne les a pas loués depuis devant personne. Je l'excuse, et je n'en demande pas davantage à un auteur; je le plains même d'avoir écouté de belles choses qu'il n'a point faites. »
Ceux qui par leur condition se trouvent exempts de la jalousie d'auteur, ont ou des passions ou des besoins qui les distraient et les rendent froids sur les conceptions d'autrui: personne presque, par la disposition de son esprit, de son cœur et de sa fortune, n'est en état de se livrer au plaisir que donne la perfection d'un ouvrage.
20
(I) The pleasure of critiquing takes away from us that of being touched by some very beautiful things.
(I) Le plaisir de la critique nous ôte celui d'être vivement touchés de très belles choses.
21
(I) Many people sense the merit of a manuscipt that you read to them, but cannot say that they approve of it until they know how it will be received by society or by people who are clever: they do not risk their opinion, and they want to be supported by a throng and encircled by the multitude. Then they say that they were the first ones to approve of the work, and that the public is of their opinion. (VI) Such people lose the precious opportunity to show that they have capacity and insight, that they are able to judge, find good what is good and better what is better. A beautiful work falls into their hands, it is a first work, the author has not yet made a great name, there is nothing to prejudice them in his favor, it's not a question of courting or flattering someone who is powerful by praising what he has written; you are not being asked, Zélotes, to cry: it's a masterpiece of the human spirit; humanity cannot go further; it's the highest point to which the human word can be elevated; people in the future will only judge taste in comparison with this; exaggerated, distasteful phrases that remind people of a pension or an abbay that is being received, noxious even for something that is praiseworthy and deserves praise. Why can't you simply say: "This is a good book"? You say it, it is true, with all of France, with foreigners as well as your compatriots, once it has been printed everywhere in Europe and has been translated into many languages: but by then the time has passed.
(I) Bien des gens vont jusques à sentir le mérite d'un manuscrit qu'on leur lit, qui ne peuvent se déclarer en sa faveur, jusques à ce qu'ils aient vu le cours qu'il aura dans le monde par l'impression, ou quel sera son sort parmi les habiles: ils ne hasardent point leurs suffrages, et ils veulent être porté par la foule et entraînés par la multitude. Ils disent alors qu'ils ont les premiers approuvé cet ouvrage, et que le public est de leur avis. (VI) Ces gens laissent échapper les plus belles occasions de nous convaincre qu'ils ont de la capacité et des lumières, qu'ils savent juger, trouver bon ce qui est bon et meilleur ce qui est meilleur. Un bel ouvrage tombe entre leurs mains, c'est un premier ouvrage, l'auteur ne s'est pas encore fait un grand nom, il n'a rien qui prévienne en sa faveur, il ne s'agit point de faire sa cour ou de flatter les grands en applaudissant à ses écrits; on ne vous demande pas, Zélotes, de vous récrier: C'est un chef-d'œuvre de l'esprit; l'humanité ne va pas plus loin; c'est jusqu'où la parole humaine peut s'élever; on ne jugera à l'avenir du goût de quelqu'un qu'à proportion qu'il en aura pour cette pièce; phrases outrées, dégoûtantes, qui sentent la pension ou l'abbaye, nuisibles à cela même qui est louable et qu'on veut louer. Que ne disiez-vous seulement: « Voilà un bon livre »? Vous le dites, il est vrai, avec toute la France, avec les étrangers comme avec vos compatriotes, quand il est imprimé par toute l'Europe et qu'il est traduit en plusieurs langues: il n'est plus temps.
22
(IV) Some people who read a work go back and summarize certain passages that they did not understand, and which they alter with their interpretation; and the passages that are thus corrupted and disfigured, which are nothing other than their own thoughts and expressions, they censure; they maintain that they are bad and everyone agrees that they are bad; but the part of the work that people thought they were citing, and which in fact they did not cite at all, is no worse because of their criticism.
(IV) Quelques-uns de ceux qui ont lu un ouvrage en rapportent certains traits dont ils n'on pas compris le sens, et qu'ils altèrent encore par tout ce qu'ils y mettent du leur; et ces traits ainsi corrompus et défigurés, qui ne sont autre chose que leurs propres pensées et leurs expressions, ils les exposent à la censure, soutiennent qu'ils sont mauvais, et tout le monde convient qu'ils sont mauvais; mais l'endroit de l'ouvrage que ces critiques croient citer, et qu'en effet ils ne citent point, n'en est pas pire.
23
(IV) "What do you think of Hermodore's book?" - "That it is bad", responds Anthime. - "That it is bad?" - "Yes", he continues, "that it doesn't deserve the name of a book, or at least that people should talk about it." - "But have you read it?" - "No", says Anthime. Why doesn't he add that Fuvlie and Mélanie condemned it without reading it, and that he is friends with Fulvie and Mélanie?
(IV) « Que dites-vous du livre d'Hermodore? -- Qu'il est mauvais, répond Anthime. -- Qu'il est mauvais? -- Qu'il est tel, continue-t-il, que ce n'est pas un livre, ou qui mérite du moins que le monde en parle. -- Mais l'avez-vous lu? -- Non », dit Anthime. Que n'ajoute-t-il que Fulvie et Mélanie l'ont condamné sans l'avoir lu, et qu'il est ami de Fulvie et de Mélanie?
24
(IV) Arsène, from the height of his esprit, contemplates men; and from such a great distance, he is fightened by their littleness; having been praised, exalted, and carried into the heavens by certain people who admire him in return for his admiration, he thinks that he has all the merit that it is possible for man to have, and that he will never have; occupied and filled with sublime ideas, he hardly has the time to pronounce a few prophesies; lifted by his character above human discernment, he leaves it to common souls to have a regulated and uniform life; he only has to account for his fickleness to the circle of friends that idolize him: only they are able to judge, to think, to write, and they are the only ones who should write; there is no work of literature in the world that has been so well received and so universally enjoyed by honest men, that he will, not approve of it, but deign to read it: he is incapable of being corrected by this portrait, which he will never see.
(IV) Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l'éloignement d'où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse; loué, exalté, et porté jusqu'aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s'admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu'il a, posséder tout celui qu'on peut avoir, et qu'il n'aura jamais; occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles; élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d'une vie suivie et uniforme, et il n'est responsable de ses inconstances qu'à ce cercle d'amis qui les idolâtrent: eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire; il n'y a point d'autre ouvrage d'esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu'il veuille approuver, mais qu'il daigne lire: incapable d'être corrigé par cette peinture, qu'il ne lira point.
25
(VI) Théocrine knows things that are very useless; his feelings are always singular; he is less profound than methodical; he only exercises his memory; he is abstract, disdainful, and he always seems to be laughing inside himself at people who he thinks are not worth enough to be laughed at. By chance, I read my work to him, and he listened. Once I was done, he talked to me about his. "And what did he think about yours?" you ask me. -- I already told you, he talked to me about his.
(VI) Théocrine sait des choses assez inutiles; il a des sentiments toujours singulier; il est moins profond que méthodique; il n'exerce que sa mémoire; il est abstrait, dédaigneux, et il semble toujours rire en lui-même de ceux qu'il croit ne le valoir pas. Le hasard fait que je lui lis on ouvrage, il l'écoute. Est-il lu, il me parle du sien. « Et du vôtre, me direz-vous, qu'en pense-t-il? » -- Je vous l'ai déjà dit, il me parle du sien.
26
(IV) No work is so accomplished that it wouldn't be completely destroyed by criticism if its author believed all of the people critiquing it, and removed each part that they liked the least.
(IV) Il n'y a point d'ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier au milieu de la critique, si son auteur voulait en croire tous les censeurs qui ôtent chacun l'endroit qui leur plaît le moins.
27
(IV) It is a demonstrated experience that if someone finds ten people who would erase an expression or a feeling from a book, he could easily find a similar number who would reclaim it. These latter cry: "Why suppress this thought? It is new, it is beautiful, and it is expressed admirably"; and the former affirm, on the contrary, either that they would have left it out, or that they would have expressed it differently. "There is a word", say some, "in your work that was pleasant to see, and that portrayed the thing truthfully"; "There is a term", say others, "that wasn't used carefully, and that moreover may not give the exact impression that you want to be understood"; and it is about the same phrase and the same word that all these people are speaking about, and all of them are connoisseurs, and pass for as much. What else can an author do, but dare to share the opinion of the people who approve of it?
(IV) C'est une expérience faite que, s'il se trouve dix personnes qui effacent d'un livre une expression ou un sentiment, l'on en fournit aisément un pareil nombre qui les réclame. Ceux-ci s'écrient: « Pourquoi supprimer cette pensée? elle est neuve, elle est belle, et le tour en est admirable »; et ceux-là affirment, au contraire, ou qu'ils auraient négligé cette pensée, ou qu'ils auraient donné un autre tour. « Il y a un terme, disent les uns, dans votre ouvrage, qui est rencontré et qui peint la chose au naturel; il y a un mot, disent les autres, qui est hasardé, et qui d'ailleurs ne signifie pas assez ce que vous voulez peut-être faire entendre »; et c'est du même trait et du même mot que tous ces gens s'expliquent ainsi, et tous sont connaisseurs et passent pour tels. Quel autre parti pour un auteur, que d'oser pour lors être de l'avis de ceux qui l'approuvent?
28
(IV) An earnest author is not obliged to fill his soul with all the extravagance, meanness, and bad names that people give his work, nor with all the inept interpretations that people attribute to certain parts, still less suppress them. He is convinced that whatever scrupulous precision that a person has in his manner of writing, the tasteless mockery of jokers is an inevitable evil, and that the best things often only give them an opportunity to find something foolish.
(IV) Un auteur sérieux n'est pas obligé de remplir son esprit de toutes les extravagances, de toutes les saletés, de tous les mauvais mots que l'on peut dire, et de toutes les ineptes applications que l'on peut faire au sujet de quelques endroits de son ouvrage, et encore moins de les supprimer. Il est convaincu que quelque scrupuleuse exactitude que l'on ait dans sa manière d'écrire, la raillerie froide de mauvais plaisants est un mal inévitable, et que les meilleures choses ne leur servent souvent qu'à leur faire rencontrer une sottise.
29
(VIII) If certain keen and decided people were believed, words would be too verbose to express feelings: you would have to communicate with them in signs, or make yourself understood without speaking. Whatever care you take to be compact and concise, and whatever reputation you have for being so, they will find you diffuse. You must leave it to them to supply everything, and write for nobody else. They understand a phrase from the word that begins it, and a whole chapter from a phrase: if you have read them a single part of your work, that is enough, they have experienced it and understand everything. A web of enigmas would be a pleasure for them to read; and it's unfortunate for them that this maimed style is so rare, and that few writers work toward it. Comparisons of a flood whose course, though rapid, is smooth and uniform, or of a fire that, driven by the wind, spreads far over a forest and consumes oaks and pines, give them no idea of eloquence. Give them a surprising greek fire, or a dazzling bolt of lightening, and they will leave you what is good and beautiful.
[Note: for 'greek fire', see http://en.wikipedia.org/wiki/Greek_fire ]
(VIII) Si certains esprits vifs et décisifs étaient crus, ce serait encore trop que les termes pour exprimer les sentiments: il faudrait leur parler par signes, ou sans parler se faire entendre. Quelque soin qu'on apporte à être serré et concis, et quelque réputation qu'on ait d'être tel, ils vous trouvent diffus. Il faut leur laisser tout à suppléer, et n'écrire que pour eux seuls. Ils conçoivent un période par le mot qui la commence, et par une période tout un chapitre: leur avez-vous lu un seul endroit de l'ouvrage, c'est assez, ils sont dans le fait et entendent l'ouvrage. Un tissu d'énigmes leur serait une lecture divertissante; et c'est une perte pour eux que ce style estropié qui les enlève soit rare, et que peu d'écrivains s'en accommodent. Les comparaisons tirées d'un fleuve dont le cours, quoique rapide, est égal et uniforme, ou d'un embrasement qui, poussé par les vents, s'épand au loin dans un forêt où il consume les chênes et les pins, ne leur fournissent aucune idée de l'éloquence. Montrez-leur un feu grégeois qui les surprenne, ou un éclair qui les éblouisse, ils vous quittent du bon et du beau.
30
(IV) What a great distance between a beautiful work and a perfect or sustained one! I don't know if this last type can still be found. It is perhaps less difficult for rare geniuses to create something grand and sublime than to avoid every fault. Everyone spoke with one voice about The Cid when it was first produced, which was one of admiration; it found itself stronger than authority and politics, which tried to destroy it in vain; it united spirits in its favor whose opinions and feelings are always divided, the nobility and the people: everyone committed it to memory and mouthed along with the actors at the theatre. In the end, The Cid is one of the most beautiful poems that have been made; and yet some of the best critiques that have been made on any subject have been on the Cid.
(IV) Quelle prodigieuse distance entre un bel ouvrage et un ouvrage parfait ou régulier! Je ne sais s'il s'en est encore trouvé de ce dernier genre. Il est peut-être moins difficile aux rares génies de rencontrer le grand et le sublime, que d'éviter toute sorte de fautes. Le Cid n'a eu qu'une voix pour lui à sa naissance, qui a été celle de l'admiration; il s'est vu plus fort que l'autorité et la politique, qui ont tenté vainement de le détruire; il a réuni en sa faveur des esprits toujours partagés d'opinions et de sentiments, les grands et le peuple: ils s'accordent tous à le savoir de mémoire, et à prévenir au théâtre les acteurs qui le récitent. Le Cid enfin est l'un des plus beaux poèmes que l'on puisse faire; et l'une des meilleures critiques qui aient été faites sur aucun sujet est celle du Cid.
31
(VIII) When a piece of writing elevates your spirit, and inspires you with noble and courageous feelings, don't look for another rule whereby to judge it; it is good, and shake the hand of the writer.
(VIII) Quand une lecture vous élève l'esprit, et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger l'ouvrage; il est bon, et fait de main d'ouvrier.
32
(IV) Capys, who sets himself up as a judge of beautiful style and who thinks he writes like Bouhours and Rabutin, contradicts the taste of the people, and alone says that Damis is not a good author. Damis cedes to the multitude and ingenuously says with the public that Capys is a frigid one.
(IV) Capys, qui s'érige en juge du beau style et qui croit écrire comme Bouhours et Rabutin, résiste à la voix du peuple, et dit tout seul que Damis n'est pas un bon auteur. Damis cède à la multitude, et dit ingénument avec le public que Capys est froid écrivain.
33
(IV) A novelist is forced to speak about his work in the following way: "There is a certain book being published by Cramoisy and is worthy of that name, it is well-bound, on beautiful paper, and is very expensive"; he proceeds to give directions to a bookstore that sells it: his only folly is thinking that the person listening will publish a critique of it.
A novelist thinks he is being sublime when his reasoning is based on a hollow politic.
A novelist tranquilly falls asleep in the evening reading a novel that wastes his night, and that he is obliged to forget when he wakes up in the morning.
(IV) Le devoir du nouvelliste est de dire: « Il y a un tel livre qui court, est qui est imprimé chez Cramoisy en tel caractère, il est bien relié et en beau papier, il se vend tant »; il doit savoir jusques à l'enseigne du libraire qui le débite: sa folie est d'en vouloir faire la critique.
Le sublime du nouvelliste est le raisonnement creux sur la politique.
Le nouvelliste se couche le soir tranquillement sur une nouvelle qui se corrompt la nuit, et qu'il est obligé d'abandonner le matin à son réveil.
34
(IV) A philosopher consumes his life in observing men, and he uses his esprit to unravel and ridicule their vices; if he gives some expression to his thoughts, it is less for the vanity of being an author than to make a truth he has seen clearly serve his design. Some readers nevertheless think that they are repaying him with interest if they majestically say that they have read his book, and found esprit; but he leaves all of their praises alone, which he didn't look for with his work and nightly vigils. He carries his project higher and works toward a nobler end: he asks from men a greater and rarer success than praises, and even than any reward, which is to make them better.
(IV) Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule; s'il donne quelque tour à ses pensées, c'est moins par une vanité d'auteur, que pour mettre une vérité qu'il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l'impression qui doit servir à son dessein. Quelques lecteurs croient néanmoins le payer avec usure, s'ils disent magistralement qu'ils ont lu son livre, et qu'il y a de l'esprit; mais il leur renvoie tous leurs éloges, qu'il n'a pas cherchés par son travail et par ses veilles. Il porte plus haut ses projets et agit pour un fin plus relevée: il demande des hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges, et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs.
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(IV) Fools read a book and don't understand anything; people with mediocre esprit think they understand everything perfectly; people with great esprit sometimes don't completely understand it: they find what is obscure to be obscure and what is clear to be clear; wits want to find things obscure that aren't so at all, and misunderstand others that are very intelligible.
(IV) Les sots lisent un livre, et ne l'entendent point; les esprits médiocres croient l'entendre parfaitement; les grands esprits ne l'entendent quelquefois pas tout entier: ils trouvent obscur ce qui est obscur, comme ils trouvent clair ce qui est clair; les beaux esprits veulent trouver obscur ce qui ne l'est point, et ne pas entendre ce qui est fort intelligible.
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(IV) An author looks in vain to make himself admired with his work. Fools sometimes admire authors, but they are fools. People with esprit have stored the beginnings of every truth and feeling in themselves, nothing is new to them; they seldom admire, they approve.
(IV) Un auteur cherche vainement à se faire admirer par son ouvrage. Les sots admirent quelquefois, mais ce sont des sots. Les personnes d'esprit ont en eux les semences de toutes les vérités et de tous les sentiments, rien ne leur est nouveau; ils admirent peu, ils approuvent.
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(IV) I don't know if a person can give more esprit, pleasantness and style, or better expression to their thoughts than is seen in the letters of Balzac and Voiture; though they are void of the feelings that have reigned since their time, and that were produced by women. This sex goes farther than ours in letter writing. They effortlessly find turns of phrase and expressions that in us are often only the result of long work and painful effort; they are happy in their choice of words, which they place so appropriately that, as commonplace as these words are, they have the charm of novelty, and seem to be made expressly for the use to which they have been put; only women can make a whole feeling be understood by a single word, or delicately express a thought that is delicate; they have an inimitable flow of speech, which follows itself so naturally, and that is only tied down to its collective meaning. If they were always reasonable, I would dare say that the letters of some women are perhaps the best things that have been written in our language.
(IV) Je ne sais si l'on pourra jamais mettre dans des lettres plus d'esprit, plus de tour, plus d'agrément et plus de style que l'on en voit dans celles de Balzac et de Voiture; elles sont vides de sentiments qui n'ont régné que depuis leur temps, et qui doivent aux femmes leur naissance. Ce sexe va plus loin que le nôtre dans ce genre d'écrire. Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont l'effet que d'un long travail et d'une pénible recherche; elles sont heureuses dans le choix des termes, qu'elles placent si justes, que tout connus qu'ils sont, ils ont le charme de la nouveauté, semblent être faits seulement pour l'usage où elles les mettent; il n'appartient qu'à elles de faire lire dans un seul mot tout un sentiment, et de rendre délicatement une pensée qui est délicate; elles ont un enchaînement de discours inimitable, qui se suit naturellement, et qui n'est lié que par le sens. Si les femmes étaient toujours correctes, j'oserais dire que les lettres de quelques-unes d'entre elles seraient peut-être ce que nous avons dans notre langue de mieux écrit.
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(IV) If only Terence had been less cold: what purety, what precision, what politesse, what elegance, what characters! If only Molière had avoided using jargon and barbarous phrases, and wrote purely: what fire, what naïvety, what tasteful pleasantry, what close imitation of mores, what images, and what a scourge of things that are laughable! However, what a man could be made from these two writers of comedy!
(IV) Il n'a manqué à Térence que d'être moins froid: quelle pureté, quelle exactitude, quelle politesse, quelle élégance, quels caractères! Il n'a manqué à Molière que d'éviter le jargon et le barbarisme, et d'écrire purement: quel feu, quelle naïveté, quelle source de la bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule! Mais quel homme on aurait pu faire de ces deux comiques!
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(V) I've read Malherbe and Théophile. They both knew nature, with the difference that the first, with a full and uniform style, shows all at once what is most beautiful and noble, most naive and simple, as if it were painting or history. The other, without discernment, without precision, with a free and unequal pen, just after charging his descriptions, gets weighed down in details; he makes an anatomy; he feigns, exaggerates, and passes the truth in nature: he makes a novel.
(V) J'ai lu Malherbe et Théophile. Ils ont tous deux connu la nature, avec cette différence que le premier, d'un style plein et uniforme, montre tout à la fois ce qu'elle a de plus beau et de plus noble, de plus naïf et de plus simple; in en fait la peinture ou l'histoire. L'autre, sans choix, sans exactitude, d'une plume libre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s'appesantit sur les détails: il fait une anatomie; tantôt il feint, il exagère, il pass le vrai dans la nature: il en fait le roman.
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(V) Ronsard and Balzac each in their genre had enough good and bad qualities to form very great men after them in verse and in prose.
(V) Ronsard et Balzac ont eu, chacun dans leur genre, assez de bon et de mauvais pour former après eux de très grands hommes en vers et en prose.
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(V) Marot, with his manner of expression and style, seems to have written since the time of Ronsard: between him and us there is hardly the difference of a few words.
(V) Marot, par son tour et par son style, semble avoir écrit depuis Ronsard: il n'y a guère, entre ce premier et nous, que la différence de quelques mots.
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(V) Ronsard and his contemporaries harmed style more than they developed it: they slowed it on its way to perfection; they exposed it to the possibility of never reaching perfection, and of never again trying to. It is surprising that the works of Marot, which are so natural and effortless, were not able to make Ronsard, who was fuller of vivacity and enthousiasm, a greater poet than either he or Marot became; and, on the contrary, that Racan and Malherbe came so soon after Belleau, Jodelle, and Bartas, and that our language, nearly corrupted, was repaired.
(V) Ronsard et les auteurs ses contemporains ont plus nui au style qu'ils ne lui ont servi: ils l'ont retardé dans le chemin de la perfection; ils l'ont exposé à la manquer pour toujours et à n'y plus revenir. Il est étonnant que les ouvrages de Marot, si naturels et si faciles, n'aient su faire de Ronsard, d'ailleurs plein de verve et d'enthousiasme, un plus grand poète que Ronsard et que Marot; et au contraire, que Belleau, Jodelle, et du Bartas, aient été sitôt suivis d'un Racan et d'un Malherbe, et que notre langue, à peine corrompue, se soit vue réparée.
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(V) Marot and Rabelais are inexcusable for having mixed trash into their works: both had enough genius and natural power to be able to do without it, even among readers who look more to laugh at than admire an author. Rabelais above all is incomprehensible: his book is an enigma, whatever people say, it is inexplicable; it's a chimera, it's the face of a beautiful woman with the feet and tail of a serpent, or of some other misshapen beast; it's a monstrous assemblage of subtle and ingenious morality and of foul corruption. When it is bad, it passes far beyond the worst things, it's the charm of the canaille; when it is good, it is exquisite and excellent, it can be enjoyed by the most delicate tastes.
(V) Marot et Rabelais sont inexcusables d'avoir semé l'ordure dans leurs écrits: tous deux avaient assez de génie et de naturel pour pouvoir s'en passer, même à l'égard de ceux qui cherchent moins à admirer qu'à rire dans un auteur. Rabelais surtout est incompréhensible: son livre est une énigme, quoi qu'on veuille dire, inexplicable; c'est une chimère, c'est le visage d'une belle femme avec des pieds et une queue de serpent, ou de quelque autre bête plus difforme; c'est un monstrueux assemblage d'une morale fine et ingénieuse, et d'une sale corruption. Où il est mauvais, il passe bien loin au delà du pire, c'est le charme de la canaille; où il est bon, il va jusques à l'exquis et à l'excellent, il peut être le mets des plus délicats.
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(V) Two writers criticized Montaigne in their works, and I also don't find him free from every fault: however, it seems that these two didn't esteem him in any way. The one didn't think enough to enjoy an author who thought very much; the other thought too subtly to accustom himself to thoughts that are natural.
(V) Deux écrivains dans leurs ouvrages ont blâmé Montaigne, que je ne crois pas, aussi bien qu'eux, exempt de toute sorte de blâme: il paraît que tous deux ne l'ont estimé en nulle manière. L'un ne pensait pas assez pour goûter un auteur qui pense beaucoup; l'autre pense trop subtilement pour s'accommoder de pensées qui sont naturelles.
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(V) A severe, earnest, and scrupulous style goes very far: people still read Amyot and Coeffeteau; which of their contemporaries are still read? Balzac, in his turns of phrase and expressions, is less dated than Voiture, but if this latter is not modern in his turns of phrase, in his esprit, and in his naturalness, and doesn't resemble our writers at all, it is because these have found it easier to neglect him than to imitate him, and because the small number of people who followed him couldn't attain what he did.
(V) Un style grave, sérieux, scrupuleux, va fort loin: on lit Amyot et Coeffeteau; lequel lit-on de leurs contemporains? Balzac, pour les termes et pour l'expression, est moins vieux que Voiture, mais si ce dernier, pour le tour, pour l'esprit et pour le naturel, n'est pas moderne, et ne ressemble en rien à nos écrivains, c'est qu'il leur a été plus facile de le négliger que de l'imiter, et que le petit nombre de ceux qui courent après lui ne peut l'atteindre.
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(I) The H** G** is immediately below nothing. There are many works like it. It takes as much fabrication to become rich by a foolish book as it takes stupidity to buy it: a person ignores the taste of the people if he doesn't risk writing extreme nonsense.
[Note: the H** G** stands for the Mercure Galant, H stood for Hermes, mercure = Mercury in french. It was a publication edited by Fontenelle.]
(I) Le H** G** est immédiatement au-dessous de rien. Il y a bien d'autres ouvrages qui lui ressemblent. Il y a autant d'invention à s'enrichir par un sot livre qu'il y a de sottise à l'acheter: c'est ignorer le goût du peuple que de ne pas hasarder quelquefois de grandes fadaises.
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(I) A person sees very well that the Opera is a sketch of a great spectacle; it gives the idea of one.
(I) I don't know how the Opera, with such perfect music and such royal expenses, is able to be boring.
(I) Many scenes of an Opera leave a spectator wanting others; this sometimes prevents him from wanting the opera to end: it is because of the theater, the action, and everything demanding his interest.
(IV) To this day an Opera is not a poem, but only verses; nor is it a spectacle since the machines have disappeared because of Amphion and his race: it is a concert, no more than voices accompanied by instruments. It is to be deceived and to cultivate bad taste to say, as people have, that machines are only amusements for children, like marionnettes; it augments and embellishes the fiction, and maintains the spectators in that sweet illusion that is the whole pleasure of the theater, which it makes them marvel at. No flying cars, floating chariots, or scenery changes are needed for plays like Bérénice or Pénélope: but they are needed for operas, whose task is to hold the spirits, eyes and ears of the spectators in equal enchantment.
[Amphion stands for Lully; his race for his family and supporters]
(I) L'on voit bien que l'Opéra est l'ébauche d'un grand spectacle; il en donne l'idée.
(I) Je ne sais pas commen l'Opéra, avec une musique si parfaite et une dépense toute royale, a pu réussir à m'ennuyer.
(I) Il y a des endroits de l'Opéra qui laissent en désirer d'autres; il échappe quelquefois de souhaiter la fin de tout le spectacle: c'est faute de théâtre, d'action, et de choses qui intéressent.
(IV) L'Opéra jusqu'à ce jour n'est pas un poème, ce sont des vers; ni un spectacle, depuis que les machines ont disparu par le bon ménage d'Amphion et de sa race: c'est un concert, ou ce sont des voix soutenues par des instruments. C'est prendre le change, et cultiver un mauvais goût, que de dire, comme l'on fait, que la machine n'est qu'un amusement d'enfants, et qui ne convient qu'aux Marionnettes; elle augmente et embellit la fiction, soutient dans les spectateurs cette douce illusion qui est tout le plaisir du théâtre, où elle jette encore le merveilleux. Il ne faut point de vols, ni de chars, ni de changements, aux Bérénices et à Pénélope: il en faut aux Opéras, et le propre de ce spectacle est de tenir les esprits, les yeux et les oreilles dans un égal enchantement.
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(IV) They made a theater, these zealots, as well as machines, ballets, verses, music, the whole spectacle, even the room where the spectacle was given, I mean the cieling, the four walls and their foundation. Who doubts that the hunt on the water, the enchantment of the Table, the marvel of the Labyrinth is also of their invention? I judge so by the movement they went into at the time and the happy air with which they congratulated each other on the success of these things. If I am mistaken, and they haven't contributed anything to this celebration, which was so magnificent, so galant and planned for so long, and for which only one person was needed to plan and pay for it, I admire two things: the tranquility and flegme of the person who did everything, and the involvement and action of those who did nothing at all.
(IV) Ils ont fait le théâtre, ces empressés, les machines, les ballets, les vers, la musique, tout le spectacle, jusqu'à la salle où s'est donné le spectacle, j'entends le toit et les quatre murs dès leurs fondements. Qui doute que la chasse sur l'eau, l'enchantement de la Table, la merveille du Labyrinthe ne soient encore de leur invention? J'en juge par le mouvement qu'ils se donnent, et par l'air content dont ils s'applaudissent sur tout le succès. Se je me trompe, et qu'ils n'aient contribué en rien à cette fête si superbe, si galante, si longtemps soutenue, et où un seul a suffi pour le projet et pour la dépense, j'admire deux choses: la tranquillité et le flegme de celui qui a tout remué, comme l'embarras et l'action de ceux qui n'ont rien fait.
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(IV) Connoisseurs, or people who believe that they are, give a deliberate and decisive view on spectacles, group together and divide themselves into opposed parties, each of which, with concerns neither for the public nor for justice, admires a certain poem or a certain piece of music, and scorns every other one. They are equally harmful because of how heated they are in defense of their prejudices as well as in their opposition to the opposed faction and their cabal; they discourage poets and musicians with a thousand contradictions, and slow the progress of sciences and arts by taking away opportunities for fruitful emulation and by narrowing the number of excellent masters for each person, according to his genre and genius, to model very good works on.
(IV) Les connaisseurs, ou ceux qui se croient tels, se donnent voix délibérative et décisive sur les spectacles, se cantonnent aussi, et se divisent en des partis contraires, dont chacun, poussé par un tout autre intérêt que par celui du public ou de l'équité, admire un certain poème ou une certaine musique, et siffle tout autre. Ils nuisent également, par cette chaleur à défendre leurs préventions, et à la faction opposée et à leur cabale; ils découragent par mille contradictions les poètes et les musiciens, retardent les progrès des sciences et des arts, en leur ôtant le fruit qu'ils pourraient tirer de l'émulation et de la liberté qu'auraient plusieurs excellents maîtres de faire, chacun dans leur genre et selon leur génie, de très bons ouvrages.
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(IV) How does it happen that people laugh so freely at the theatre, but are ashamed to cry there? Is it less natural to show tenderness for something pitiable than to break into laughter at something ridiculous? Is it the thought of how our features will change that holds us back? The change is greater during immoderate laughter than in the bitterest sadness, and people turn their faces away when they laugh just as when they cry in the presence of the nobility and of everyone they respect. Is it because it is painful to let people see that we are tender, that we have some weakness, especially for a play that isn't real, making us seem like a dupe? However, without citing the grave people or free-thinkers who find as much weakness in excessive laughter as in tears, and who guard themselves equally against both of them, what do people expect from a tragic scene? That it makes them laugh? Moreover, isn't the truth as vividly represented through images as in comedy? Doesn't it take something true in both genres to move someones soul? Is it that easy to satisfy someone? Isn't the appearance of reality still necessary? Since it is not rare to hear universal laughter raise itself above an entire amphitheater at some scene of a comedy, which presupposes that it was pleasant and very naively executed, the extreme violence that it takes people to hold back their tears, and the false laughter with which they try to hide it, clearly show that the natural effect of a great tragedy is to make someone cry in all frankness and along with other people, without any embarrassment in shedding tears, except to agree afterwards to abandon them, and to show that there is less reason to fear crying at the theatre than moping when you are not there.
(IV) D'où vient que l'on rit si librement au théâtre, et que l'on a honte d'y pleurer? Est-il moins dans la nature de s'attendrir sur le pitoyable que d'éclater sur le ridicule? Est-ce l'altération des traits qui nous retient? Elle est plus grande dans un ris immodéré que dans la plus amère douleur, et l'on détourne son visage pour rire comme pour pleurer en la présence des grands et de tous ceux que l'on respecte. Est-ce une peine que l'on sent à laisser voire que l'on est tendre, et à marquer quelque faiblesse, surtout en un sujet faux, et dont il semble que l'on soit la dupe? Mais sans citer les personnes grave ou les esprits forts qui trouvent du faible dans un ris excessif comme dans les pleurs, et qui se les défendent également, qu'attend-on d'une scène tragique? qu'elle fasse rire? Et d'ailleurs la vérité n'y règne-t-elle pas aussi vivement par ses images que dans le comique? l'âme ne va-t-elle pas jusqu'au vrai dans l'un et l'autre genre avant que de s'émouvoir? est-elle même si aisée à contenter? ne lui faut-il pas encore le vraisemblable? Comme donc ce n'est point une chose bizarre d'entendre s'élever de tout un amphithéâtre un ris universel sur quelque endroit d'une comédie, et que cela suppose au contraire qu'il est plaisant et très naïvement exécuté, aussi l'extrême violence que chacun se fait à contraindre ses larmes, et le mauvais ris dont on veut les couvrir prouvent clairement que l'effet naturel du grand tragique serait de pleurer tous franchement et de concert à la vue l'un de l'autre, et sans autre embarras que d'essuyer ses larmes, outre qu'après être convenu de s'y abandonner, on éprouverait encore qu'il y a souvent moins lieu de craindre de pleurer au théâtre que de s'y morfondre.
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(VI) A tragic poem wrings your heart as soon as it begins, it hardly leaves you the freedom to breathe or the time to compose yourself during the whole play, or if it gives you some respite, it is to plunge you into new abysses and new alarms. It gives you to terror through pity, or to pity through something terrible; it leads you through tears, through sobbing, through uncertainty, through hope, through fear, through surprises and through horror all the way to the final catastrophe. It is therefore not a weave of pretty feelings, of tender declarations, of galant scenes, of agreeable portraits, of sweet words, or sometimes even of amusing enough phrases to make people laugh, followed by a final scene where everyone loses their reason and goes into mutiny, and where, because it is customary, some blood is finally spilt, and some unhappy person loses his life.
(VI) Le poème tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer et le temps de vous remettre, ou s'il vous donne quelque relâche, c'est pour vous replonger dans de nouveaux abîmes et dans de nouvelles alarmes. Il vous conduit à la terreur par la pitié, ou réciproquement à la pitié par le terrible, vous mène par les larmes, par les sanglots, par l'incertitude, par l'espérance, par la crainte, par les surprises et par l'horreur jusqu'à la catastrophe. Ce n'est donc pas un tissu de jolis sentiment, de déclarations tendres, d'entretiens galants, de portraits agréables, de mots doucereux, ou quelquefois assez plaisant pour faire rire, suivi à la vérité d'une dernière scène où les mutins n'entendent aucune raison, et où, pour la bienséance, il y a enfin du sang répandu, et quelque malheureux à qui il en coûts la vie.
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(V) It is never enough that the mores in a play are not bad, they must even be decent and instructive. It is possible to put a fool there so low and crude, or even so tasteless and indifferent, that it is desirable neither for the poet to give him attention, nor for the spectators to distract themselves with him. A peasant or drunkard fits in some scenes of a farce; he only enters true comedy with difficulty: how could he be the foundation for the principle action of a comedy? "Such characters", people say, "are natural". Therefore, by this rule, one will soon occupy the whole amphitheatre with a lackey who whistles, with a patient in his bath robe, with a drunk who's sleeping or vomiting: what could be more natural? It belongs to an effeminate to get out of bed late, pass a part of the day at his toilette, look at himself in the mirror, perfume himself, decorate his beauty spot, receive invitations and make responses. Put this character into a scene. The longer it goes on, one act, two acts, the more it will be natural and conform to the original; but the more, too, it will be cold and insipid.
(V) Ce n'est point assez que les mœurs du théâtre ne soient point mauvaises, il faut encore qu'elles soient décentes et instructives. Il peut y avoir un ridicule si bas et si grossier, ou même si fade et si indifférent, qu'il n'est ni permit au poète d'y faire attention, ni possible aux spectateurs de s'en divertir. Le paysan ou l'ivrogne fournit quelques scènes à un farceur; il n'entre qu'a peine dans le vrai comique: comment pourrait-il faire le fond ou l'action principale de la comédie? « Ces caractères, dit-on, sont naturels. » Ainsi, par cette règle, on occupera bientôt tout l'amphithéâtre d'un laquais qui siffle, d'un malade dans sa garde-robe, d'un homme ivre qui dort ou qui vomit: y a-t-til rien de plus naturel? C'est le propre d'un efféminé de se lever tard, de passer une partie du jour à sa toilette, de se voir au miroir, de se parfumer, de se mettre des mouches, de recevoir des billets et d'y faire réponse. Mettez ce rôle sur la scène. Plus longtemps vous le ferez durer, un acte, deux actes, plus il sera naturel et conforme à son original; mais plus aussi il sera froid et insipide.
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(I) It seems that novels and plays can be as useful as harmful. There can be found in them such great examples of constancy, of virtue, of tenderness and of disinterestedness, such beautiful and such perfect characters, that when a young person glances around and only finds unworthy subjects treated that are far below those admirable ones, I am surprised that he has the least weakness for them.
(I) Il semble que le roman et la comédie pourraient être aussi utiles qu'ils sont nuisibles. L'on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse et de désintéressement, de si beaux et de si parfaits caractères, que quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l'entoure, ne trouvant que des sujets indignes et fort au-dessous de ce qu'elle vient d'admirer, je m'étonne qu'elle soit capable pour eux de la moindre faiblesse.
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(I) Corneille cannot be equaled in the places where he is excellent: there is an original and inimitable character in them; but he is uneven. His first comedies are dry, languid, and wouldn't make a person hope that he would later go so far; just as his last suprise a person that he was able to fall from such a height. In some of his best pieces, there are inexcusable faults against truth in peoples characters, a declamatory style that stops and slows the action, and negligence in his verses and expressions that a person cannot comprehend coming from such a great man. His most eminent quality was his esprit, which was sublime, to which he owed certain verses, the happiest that one has ever read, the conduct of his plays, in which he sometimes hazarded going against the rules of the ancients, and finally his denouements; because they are not always in the taste of the Greeks and their great simplicity: on the contrary, he liked to charge his scenes with events, which, however, he nearly always constructs successfully; he is especially admirable for the extreme variety and dissimilarity that can be found in the great number of poems that he composed. It seems that the plays of Racine are a little more similar and tend more towards the same thing; but Racine is even, sustained, always the same throughout, whether in the design and conduct of his pieces, which are just, steady, and founded in good sense and nature, which is seen in his verses, which are correct, rich in rhymes, elegant, numerous, and harmonious: an exact imitator of the ancients, whose neatness and simplicity of action he scrupulously followed; who still did not lack what is great and marvelous any more than Corneille, nor what is touching or has pathos. Where is there greater feeling than in The Cid, in Polyeucte and in the Horaces? What grandeur is missing from Mithridates, Porus and Burrhus? The favorite passions of the ancients, which their tragedians loved to excite in the theatre, and which are named terror and pity, were known by both of these poets. Orestes, in the Andromache of Racine, and Phèdre by the same author, like Oedipus and the Horaces of Corneille are the proof. However, if it is permissible to make some comparison between the two, and mark each by what is more properly his own and what more often shines in his works, perhaps one could speak thus: "Corneille submits us to his characters and ideas, Racine conforms to ours; the first paints men as they ought to be, the latter paints them as they are. In the first there are more things that one admires and ought to imitate; in the second there are more things that one sees in others or in oneself. The first elevates, amazes, masters, and instructs; the second pleases, stirs, touches, and penetrates. What is most beautiful, noble and imperious in reason is handled by the first; and by the second, what is most moving and delicate in passions. In the first there are maxims, rules and precepts; in the second, taste and feeling. A person is more occupied with the pieces of Corneille, and more shaken and softened by those of Racine. Corneille is more moral, Racine more natural. It seems that the one imitates Sophocles and the other owes more to Euripides".
(I) Corneille ne peut être égalé dans les endroits où il excelle: il a pour lors un caractère original et inimitable; mais il est inégal. Ses premières comédies sont sèches, languissantes, et ne laissaient pas espérer qu'il dût ensuite aller si loin; comme ses dernières font qu'on s'étonne qu'il ait pu tomber de si haut. Dans quelques-unes de ses meilleures pièces, il y a des fautes inexcusables contre les moeurs, un style de déclamateur qui arrête l'action et la fait languir, des négligences dans les vers et dans l'expression qu'on ne peut comprendre en un si grand homme. Ce qu'il y a eu en lui de plus éminent, c'est l'esprit, qu'il avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers, les plus heureux qu'on ait jamais lus ailleurs, de la conduite de son théâtre, qu'il a quelquefois hasardée contre les règles des anciens, et enfin de ses dénouements; car il ne s'est pas toujours assujetti au goût des Grecs et à leur grande simplicité: il a aimé au contraire à charger la scène d'événements dont il est presque toujours sorti avec succès; admirable surtout par l'extrême variété et le peu de rapport qui se trouve pour le dessein entre un si grand nombre de poèmes qu'il a composés. Il semble qu'il y ait plus de ressemblance dans ceux de Racine, et qui tendent un peu plus à une même chose; mais il est égal, soutenu, toujours le même partout, soit pour le dessein et la conduite de ses pièces, qui sont justes, régulières, prises dans le bon sens et dans la nature, soit pour la versification, qui est correcte, riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmonieuse: exact imitateur des anciens, dont il a suivi scrupuleusement la netteté et la simplicité de l'action; à qui le grand et le merveilleux n'ont pas même manqué, ainsi qu'à Corneille, ni le touchant ni le pathétique. Quelle plus grande tendresse que celle qui est répandue dans tout le Cid, dans Polyeucte et dans les Horaces? Quelle grandeur ne se remarque point en Mithridate, en Porus et en Burrhus? Ces passions encore favorites des anciens, que les tragiques aimaient à exciter sur les théâtres, et qu'on nomme la terreur et la pitié, ont été connues de ces deux poètes. Oreste, dans l'Andromaque de Racine, et Phèdre du même auteur, comme l'Oedipe et les Horaces de Corneille, en sont la preuve. Si cependant il est permis de faire entre eux quelque comparaison, et les marquer l'un et l'autre par ce qu'ils ont eu de plus propre et par ce qui éclate le plus ordinairement dans leurs ouvrages, peut-être qu'on pourrait parler ainsi: « Corneille nous assujetti à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres; celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu'ils sont. Il y a plus dans le premier de ce que l'on admire, et dew ce que l'on doit même imiter; il y a plus dans le second de ce que l'on reconnaît dans les autres, ou de ce que l'on éprouve dans soi-même. L'un élève, étonne, maîtrise, instruit; l'autre plaît, remue, touche, pénètre. Ce qu'il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison, est manié par le premier; et par l'autre, ce qu'il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion. Ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes; et dans celui-ci du goût et des sentiments. L'on est plus occupé aux pièces de Corneille; l'on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine. Corneille est plus moral, Racine plus naturel. Il semble que l'un imite Sophocle, et que l'autre doit plus à Euripide ».
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(I) The people call eloquence the ability to speak alone for a long time, accompanied by passionate gestures, vocal splendor, and strong lungs. Pedants only allow it to be in oratorical speeches, and make no distinction between it and overcrowded figurative speech, the use of grand words and rounded periods.
(I) It seems that logic is the art of convincing people of some truth, and eloquence is a gift of the soul that renders us masters of the heart and spirit of others, that makes us inspire or persuade them to anything we like.
(I) Eloquence can be found in negotiations and in every genre of writing. It is rarely where one looks for it, and is sometimes where one doesn't look for it at all.
(IV) Eloquence is to sublimity what the whole is to its part.
(IV) What is sublimity? It seems that people haven't defined it. Is it a figure? Is it born from figures, or at least from some of them? Does every genre of writing have examples of sublimity, or are only great subjects capable of it? Does it shine in eclogues as anything other than beautiful naturalness, or in familiar letters and conversations as anything other than great tactfulness? Or rather, is naturalness and tactfulness the sublimity of the works that they make perfect? What is sublimity? Where does it come from?
(IV) Synonyms are different words or many different phrases that mean the same thing. Antitheses are opposite truths that spread light on each other. Metaphors or comparisons lend something foreign a sensible and natural image of truth. Hyperbole goes beyond the truth in order to make a persons spirit recognize it better. The sublime only paints the truth, but in a noble subject; it paints it completely, in its cause and effect; it is the most worthy expression or image of this truth. People with mediocre esprit never find the right expression and they use synonyms. Young people are dazzled by the brilliance of antitheses and use them. People with a just understanding, who love to use precise images, naturally use comparisons and metaphors. Lively spirits that are full of fire and a vast imagination that carries them beyond rules and justice cannot help but gratify hyperbole. As for the sublime, even among great geniuses, only the most elevated are capable of it.
(I) Le peuple appelle éloquence la facilité que quelque-uns ont de parler seuls et longtemps, jointe à l'emportement du geste, à l'éclat de la voix, et à la force des poumons. Les pédants ne l'admettent aussi que dans le discours oratoire, et ne la distinguent pas de l'entassement des figures, de l'usage des grands mots, et de la rondeur des périodes.
(I) Il semble que la logique est l'art de convaincre de quelque vérité; et l'éloquence un don de l'âme, lequel nous rend maîtres du coeur et de l'esprit des autres; qui fait que nous leur inspirons ou que nous leur persuadons tout ce qui nous plaît.
(I) L'éloquence peut se trouver dans les entretiens et dans tout genre d'écrire. Elle est rarement où on la cherche, et elle est quelquefois où on ne la cherche point.
(IV) L'éloquence est au sublime ce que le tout est à sa partie.
(IV) Qu'est-ce que le sublime? Il ne paraît pas qu'on l'ait défini. Est-ce une figure? Naît-il des figures, ou du moins de quelques figures? Tout genre d'écrire reçoit-il le sublime, ou s'il n'y a que les grands sujets qui en soient capables? Peut-il briller aurtre chose dans l'églogue qu'un beau naturel, et dans les lettre familières comme dans les conversations qu'une grande délicatesse? ou plutôt le naturel et le délicat ne sont-ils pas le sublime des ouvrages dont ils font la perfection? Qu'est-ce que le sublime? Où entre le sublime?
(IV) Les synonymes sont plusieurs dictions ou plusieurs phrases différentes qui signifient une même chose. L'antithèse est une opposition de deux vérités qui se donnent du jour l'une à l'autre. La métaphore ou la comparaison emprunte d'une chose étrangère une image sensible et naturelle d'une vérité. L'hyperbole exprime au delà de la vérité pour ramener l'esprit à la mieux connaître. Le sublime ne peint que la vérité, mais en un sujet noble; il la peint tout entière, dans sa cause et dans son effet; il est l'expression ou l'image la plus digne de cette vérité. Les esprits médiocres ne trouvent point l'unique expression, et usent de synonymes. Les jeunes gens sont éblouis de l'éclat de l'antithèse, et s'en servent. Les esprits justes, et qui aiment à faire des images qui soient précises, donnent naturellement dans la comparaison et la métaphore. Les esprits vifs, pleins de feu, et qu'une vaste imagination emporte hors des règles et de la justesse, ne peuvent s'assouvir de l'hyperbole. Pour le sublime, il n'y a, même entre les grands génies, que les plus élevés qui en soient capables.
56
(VII) Each writer, to write neatly, must put himself in the place of his readers, examine his own work as though it were something new that he is reading for the first time, in which he has had no part and which the author has submitted to him for a critique, and persuade himself that he is not only understood because he understands himself, but because he is in fact intelligible.
(VII) Tout écrivain, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs, examiner son propre ouvrage comme quelque chose qui lui est nouveau, qu'il lit pour la première fois, où il n'a nulle part, et que l'auteur aurait soumis à sa critique; et se persuader ensuite qu'on n'est pas entendu seulement à cause que l'on s'entend soi-même, mais parce qu'on est en effect intelligible.
57
(IV) One only writes to be understood, but it's at least necessary in writing to make beautiful things understood. A person must have pure diction and use words that are proper, it's true; but it's necessary that such fitting terms explain noble, lively, solid thoughts, and reinforce a very beautiful meaning. It makes bad use of purety and clarity of speaking, to pair them with an arid, unfruitful subject, without interest, without use, without novelty. How does it help readers to understand easily and without trouble frivolous and puerile things, sometimes tasteless and common, and to be less uncertain of the thought of an author than annoyed with having read it? If a person puts some profundity in his writing, if he affects a subtlety of expression and sometimes a too great refinement, it is only because of the good opinion that he has of his readers.
(IV) L'on n'écrit que pour être entendu; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choses. L'on doit avoir une diction pure, et user de termes qui soient propres, il est vrai; mais il faut que ces termes si propres expriment des pensées nobles, vives, solides, et qui renferment un très beau sens. C'est faire de la pureté et de la clarté du discours un mauvais usage que de les faire servir à une matière aride, infructueuse, qui est sans sel, sans utilité, sans nouveauté. Que sert aux lecteurs de comprendre aisément et sans peine des choses frivoles et puériles, quelquefois fades et communes, et d'être moins incertains de la pensée d'un auteur qu'ennuyés de son ouvrage? Si l'on jette quelque profondeur dans certains écrits, si l'on affecte un finesse de tour, et quelquefois une trop grande délicatesse, ce n'est que par la bonne opinion qu'on a de ses lecteurs.
58
(IV) A person has to wipe away this inconvenience when he reads works made by people who belong to a party or cabal, that he does not always find the truth in them. Facts are disguised, the opposing sides reasons are not reported in all their force, nor with precision; and, what requires the most patience, he has to read a great number of bitter and injurious words said by serious men, who make a personal quarrel out of the contested points of a doctrine. These works are peculiar in that they merit neither the prodigious success that they have for a certain time, nor the profound oblivion that they fall into when, the fire of the party division becoming extinguished, they become almanachs of a previous year.
(IV) L'on a cette incommodité à essuyer dans la lecture des livres faits par des gens de parti et de cabale, que l'on n'y voit pas toujours la vérité. Les faits y sont déguisés, les raisons réciproques n'y sont point rapportées dans toute leur force, ni avec une entière exactitude; et, ce qui use la plus longue patience, il faut lire un grand nombre de termes durs et injurieux que se disent des hommes graves, qui d'un point de doctrine ou d'un fait contesté se font une querelle personnelle. Ces ouvrages ont cela de particulier qu'ils ne méritent ni le cours prodigieux qu'ils ont pendant un certain temps, ni le profond oubli où ils tombent lorsque, le feu et la division venant à s'éteindre, ils deviennent des almanachs de l'autre année.
59
(VII) The glory or merit of certain men is to write well; and that of some others is not to write at all.
(VII) La gloire ou le mérite de certains hommes est de bien écrire; et de quelques autres, c'est de n'écrire point.
60
(IV) A person writes regularly for twenty years; he slaves at the art of construction; he enriches his language with new words, shakes off the yoke of latinizing and reduces his style to a phrase that is purely french; he nearly gains the tones that were first discovered by Malherbe and Balzac, and that so many authors after them have lost; he finally puts all the order and neatness that he is capable of into his speech: all this imperceptibly lends esprit to his works.
(IV) L'on écrit régulièrement depuis vingt années; l'on est esclave de la construction; l'on a enrichi la langue de nouveaux mots, secoué le joug du latinisme, et réduit le style à la phrase purement française; l'on a presque retrouvé le nombre que Malherbe et Balzac avaient les premiers rencontré, et que tant d'auteurs depuis eux ont laissé perdre; l'on a mis enfin dans le discours tout l'ordre et toute la netteté dont il est capable: cela conduit insensiblement à y mettre de l'esprit.
61
(IV) There are certain craftsmen and skilled people whose esprit is as vast as the art or science that they profess; everything, all of the principles that they learned from it, they give back with advantage through their genius and invention; they go beyond their art in order to ennoble it, they set aside rules when they do not lead them to what is great or sublime; they walk alone and without company, but they go very far and see very deeply, always sure and upheld by the successful advantages that sometimes come from irregularity. People with spirits that are just, peaceful, and moderate not only do not reach them, do not admire them, but they don't comprehend them at all, and are even less inclined to imitate them; they tranquilly stay in what belongs to their sphere and go only to a certain point that marks the limits of their capacity and insight; they do not go further because they don't see that there is anything beyond those limits; they can at most be the best of a second class, and excel at something mediocre.
(IV) Il y a des artisans ou des habiles dont l'esprit est aussi vaste que l'art ou la science qu'ils professent; ils lui rendent avec avantage, par le génie et par l'invention, ce qu'ils tiennent d'elle et de ses principes; ils sortent de l'art pour l'ennoblir, s'écartent des règles si elles ne les conduisent pas au grand et au sublime; ils marchent seuls et sans compagnie, mais ils vont fort haut et pénètrent fort loin, toujours sûrs et confirmés par le succès des avantages que l'on tire quelquefois de l'irrégularité. Les esprits justes, doux, modérés, non seulement ne les atteignent pas, ne les admirent pas, mais ils ne les comprennent point, et voudraient encore moins les imiter; ils demeurent tranquilles dans l'étendue de leur sphère, vont jusque à un certain point qui fait les bornes de leur capacité et de leurs lumières; ils ne vont pas plus loin, parce qu'ils ne voient rien au delà; ils ne peuvent au plus qu'être les premiers d'une seconde classe, et exceller dans le médiocre.
62
(V) There are, if I dare say it, inferior and subordinate spirits who seem to be made only to collect, register and store all the productions of other geniuses: they are plagiarists, translators and compilers; they do not think at all, they say what authors have thought; and since the ability to distinguish and choose between thoughts requires invention, they do so badly, with little justice, in a way that shows they rather bring many things together than excellent ones; they have nothing original that belongs to them; they only know what they have learned and have only learned what no one wants to know, an arid science, devoid of charm and utility, which is never mentioned in conversation, which is out of use, like a money that has no currency at all: one is at once amazed at what they have read and annoyed or bored by what they say and the works they write. People in power and people who are vulgar confound them with savants, and people who are wise recognize them as pedants.
(V) Il y a des esprits, si je l'ose dire, inférieurs et subalternes, qui ne semblent faits que pour être le recueil, le registre, ou le magasin de toutes les productions des autres génies: ils sont plagiaires, traducteurs, compilateurs; ils ne pensent point, ils disent ce que les auteurs ont pensé; et comme le choix des pensées est invention, ils l'ont mauvais, peu juste, et qui les détermine plutôt à rapporter beaucoup de choses, que d'excellentes choses; ils n'ont rien d'original et qui soit à eux; ils ne savent que ce qu'ils ont appris, et ils n'apprennent que ce que tout le monde veut bien ignorer, une science aride, dénuée d'agrément et d'utilité, qui ne tombe point dans la conversation, qui est hors de commerce, semblable à une monnaie qui n'a point de cours: on est tout à la fois étonné de leur lecture et ennuyé de leur entretien ou de leurs ouvrages. Ce sont ceux que les grands et le vulgaire confondent avec les savants, et que les sagess renvoient au pédantisme.
63
(VII) Criticism often isn't a science; it is a trade that requires more soundness than esprit, more work than capacity and more cleverness than genius. If a man who has more erudition than discernment becomes a critic, and exercises himself on certain works, he corrupts both readers and writers.
(VII) La critique souvent n'est pas une science; c'est un métier, où il faut plus de santé que d'esprit, plus de travail que de capacité, plus d'habitude que de génie. Si elle vient d'un homme qui ait moins de discernement que de lecture, et qu'elle s'exerce sur de certains chapitres, elle corrompt et les lecteurs et l'écrivain.
64
(VI) I counsel an author who was born a copyist, and who has the extreme modesty to work after someone, to only choose for models those sorts of works that have esprit, imagination, or even erudition: if he does not achieve the same height as the originals, at least he will approach it and get himself read. He must, on the other hand, avoid as he would a reef wanting to imitate people who write according to their humour, whose feelings make them talk and inspire their words and figures of speech and who, so to say, draw everything that they explain on paper from their bosom: dangerous models who are very fit to make anyone frigid, base and ridiculous who would try to follow them. In effect, I would laugh at a man who seriously wanted to speak with the sound of my voice or have a face that resembled mine.
(VI) Je conseille à un auteur né copiste, et qui a l'extrême modestie de travailler d'après quelqu'un, de ne se choisir pour exemplaires que ces sortes d; ouvrages où il entre de l'esprit, de l'imagination, ou même de l'érudition: s'il n'atteint pas ses originaux, du moins il en approche, et il se fait lire. Il doit au contraire éviter comme un écueil de vouloir imiter ceux qui écrivent par humeur, que le coeur fait parler, à qui il inspire els termes et les figures, et qui tirent, pour ainsi dire, de leurs entrailles tout ce qu'ils expriment sur le papier: dangereux modèles et tout propres à faire tomber dans le froid, dans le bas et dans le ridicule ceux qui s'ingèrent de les suivre. En effet, je rirais d'un homme qui voudrait sérieusement parler mon ton de voix, ou me ressembler de visage.
65
(I) A man who was born Christian and French finds himself restricted to writing satire: great subjects are forbidden him; he embarks on them sometimes and then turns away toward little things, which he can elevate by the beauty of his genius and style.
(I) Un homme né chrétien et Français se trouve contraint dans la satire; les grands sujets lui sont défendus: il les entame quelquefois, et se détourne ensuite sur de petites choses, qu'il relève par la beauté de son génie et de son style.
66
(I) One must avoid a vain and puerile style, out of fear of resembling Dorilas and Handburg: in a certain type of writing, however, one can risk certain expressions, use transposed words that paint a lively picture and feel sorry for people who do not feel the pleasure of using or understanding them.
(I) Il faut éviter le style vain et puéril, de peur de ressembler à Dorilas et Handburg: l'on peut au contraire en une sorte d'écrits hasarder de certaines expressions, user de termes transposés et qui peignent vivement, et plaindre ceux qui ne sentent pas le plaisir qu'il y a à s'en servir ou à les entendre.
67
(I) A person who has regard in writing only to the taste of his century thinks more of his person than of his writings: it is always necessary to reach for what is perfect; the justice that is sometimes refused us by our contemporaries will be offered to us by posterity.
(I) Celui qui n'a égard en écrivant qu'au goût de son siècle songe plus à sa personne qu'à ses écrits: il faut toujours tendre à la perfection, et alors cette justice qui nous est quelquefois refusée par nos contemporains, la postérité sait nous la rendre.
68
(I) It's necessary never to find something ridiculous that isn't at all: this spoils taste and corrupts the judgment of oneself and others; but it is necessary to discern something that is genuinely ridiculous, note it with grace and in a manner that is pleasant and instructive.
(I) Il ne faut point mettre un ridicule où il n'y en a point: c'est se gâter le goût, c'est corrompre sont jugement et celui des autres; mais le ridicule qui est quelque par, il faut l'y voir, l'en tirer avec grâce, et d'une manière qui plaise et qui instruise.
69
(I) Horace or Despréaux said that before you. - I believe it on your word; but I have said it as mine. Am I not able to think something true after them, something that others will think again after me?
(I) Horace ou Despréaux l'a dit avant vous. - Je le crois sur votre parole; mais je l'ai dit comme mien. Ne puis-je pas penser après eux une chose vraie, et que d'autres encore penseront après moi?
On personal merit
Du mérite personnel
1
(I) Who can, with the rarest talents and the most excellent merit, help being convinced of his uselessness, when he considers that when he dies he leaves a world that does not feel his loss, and where so many people are found to replace him?
(I) Qui peut, avec les plus rares talents et le plus excellent mérite, n'être pas convaincu de son inutilité, quand il considère qu'il laisse en mourant un monde qui ne se sent pas de sa perte, et où tant de gens se trouvent pour le remplacer?
2
(I) Only the name of many people is worth something. When you see them up close, they are less than nothing; from far away they are imposing.
(I) De bien des gens il n'y a que le nom qui vale quelque chose. Quand vous les voyez de fort près, c'est moins que rien; de loin ils imposent.
3
(VI) As persuaded as I am that the people who are chosen for different jobs, each according to his genius and profession, do well, I dare say that there are many people in the world, known or unknown, who are not employed and who would also do very well; and I am lead to this feeling by the marvelous success of certain people whom chance alone gave positions, and from whom no one had expected very great things until then.
(I) How many admirable men, who had very beautiful spirits, are dead and are not spoken of! How many are still living whom people never speak about and never will!
(VI) Tout persuadé que je suis que ceux que l'on choisit pour de différents emplois, chacun selon son génie et sa profession, font bien, je me hasarde de dire qu'il se peut faire qu'il y ait au monde plusieurs personnes, connues ou inconnues, que l'on n'emploie pas, qui feraient très bien; et je suis induit à ce sentiment par le merveilleux succès de certaines gens que le hasard seul a placés, et de qui jusques alors on n'avait pas attendu de fort grandes choses.
(I) Combien d'hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts sans qu'on en ait parlé! Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont on ne parlera jamais!
4
(I) How horribly difficult for a man who has no eulogist and is part of no cabal, who does not belong to any clique, but who is alone, and who only has a great deal of merit to recommend him, to break through the obscurity that he finds himself in and to reach the level of a conceited fool who has influence!
(I) Quelle horrible peine a un homme qui est sans prôneurs et sans cabale, qui n'est engagé dans aucun corps, mais qui est seul, et qui n'a que beaucoup de mérite pour toute recommandation, de se faire jour à travers l'obscurité où il se trouve, et de venir au niveau d'un fat qui est en crédit!
5
(I) Nearly no one notices the merit of someone else unless it is pointed out to him.
Men are too occupied with themselves to have enough leisure to see into or discern others; it is for this reason that with very much merit and even more modesty a man can be ignored for a long time.
(I) Personne presque ne s'avise de lui-même du mérite d'un autre.
Les hommes sont trop occupés d'eux-mêmes pour avoir le loisir de pénétrer ou de discerner les autres; de là vient qu'avec un grand mérite et une plus grande modestie l'on peut être longtemps ignoré.
6
(I) Genius and great talents often are wanting, but sometimes only opportunities to use them; some people can be praised for what they have done and others for what they would have done.
(I) Le génie et les grands talents manquent souvent, quelquefois aussi les seules occasions: tels peuvent être loués de ce qu'ils ont fait, et tels de ce qu'ils auraient fait.
7
(IV) It is not as rare to find intelligence as to find people who use it, or who value the intelligence of others and put that to use.
(IV) Il est moins rare de trouver de l'esprit que de gens qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des autres et le mettent à quelque usage.
8
(VI) There are more tools than craftsmen, and of the latter there are more bad than excellent ones; what do you think of someone who wants to use a plane to saw, and his saw to plane?
(VI) Il y a plus d'outils que d'ouvriers, et de ces derniers plus de mauvais que d'excellents; que pensez-vous de celui qui veut scier avec un rabot, et qui prend sa scie pour raboter?
9
(I) There is no more troublesome task in the world than that of making a great name: a persons life comes to an end before he has hardly sketched his work.
(I) Il n'y a point au monde un si pénible métier que celui de se faire un grand nom: la vie s'achève que l'on a à peine ébauché son ouvrage.
10
(V) What does Égésippe do, who is asking for employment? Should he be put in finances or the army? This is indifferent, and only self-interest should decide; because he is as capable of managing money, or of keeping records, as of carrying arms. "He is fit for everything", his friends say, which means that he has no more talent for one thing than for another, or in other terms, that he isn't fit for anything. Thus, most men who were only occupied with themselves when they were young, corrupted by laziness or pleasure, falsely believe when they are older that it is enough for them to be useless or indigent for the republic to help and employ them; and they rarely profit from this very important lesson, that men must use the first years of their life to become, with their study and work, such that the republic needs their industry and insight, that they become a necessary part of the whole edifice, and that the state finds it in its own advantage to make their fortune or to increase it.
We must work toward making ourselves very worthy of some office: the rest does not concern us, it is the affair of others.
(V) Que faire d'Égésippe, qui demande un emploi? Le mettra-t-on dans les finances, ou dans les troupes? Cela est indifférent, et il faut que ce soit l'intérêt seul qui en décide; car il est aussi capable de manier de l'argent, ou de dresser des comptes, que de porter les armes. « Il est propre à tout », disent ses amis, ce qui signifie toujours qu'il n'a pas plus de talent pour une chose que pour une autre, ou en d'autres termes, qu'il n'est propre à rien. Ainsi la plupart des hommes occupés d'eux seuls dans leur jeunesse, corrompus par la paresse ou par le plaisir, croient faussement dans un âge plus avancé qu'il leur suffit d'être inutiles ou dans l'indigence, afin que la république soit engagée à les placer ou à les secourir; et ils profitent rarement de cette leçon si importante, que les hommes devraient employer les premières années de leur vie à devenir tels par leurs études et par leur travail que la république elle-même eût besoin de leur industrie et de leurs lumières, qu'ils fussent comme une pièce nécessaire à tout son édifice, et qu'elle se trouvât portée par ses propres avantages à faire leur fortune ou à l'embellir.
Nous devons travailler à nous rendre très dignes de quelque emploi: le reste ne nous regarde point, c'est l'affaire des autres.
11
(VII) To obtain ones value in a way that does not depend on others, but on oneself alone, or to renounce obtaining recognized value: an inestimable maxim that is infinitely useful in practice, to the weak, to the virtuous, to people who have esprit, that makes them masters of their fortune and repose: pernicious for rulers, whose courts diminish, or rather the numbers of whose slaves lessen, which takes their haughtiness away along with some of their authority, and nearly reduces them to their desserts and personal staff; which deprives them of the pleasure they feel when being begged, pressed, solicited, in making people wait or in refusing something to them, in promising things to people and in not giving them; which crosses the taste they sometimes have for showing fools favor and in destroying merit when they discern it; which banishes intrigue, cabal, badly held offices, baseness, flattery, and deception from courts; which would turn a tempestuous court that is full of movement and intrigue into a comedy or even a tragedy, of which wise people would only be the spectators; which gives dignity back to the different conditions of men, and serenity to their faces; which extends their liberty; which reawakens in them, along with natural talents, the habit of work and exercise; which excites them to emulation, to the desire for glory, to love of virtue; which, instead of vile, anxious, and useless courtiers who are often harmful to the republic, makes wise housekeepers or excellent fathers of families, or honest judges, or good officers, or great captains, or orators, or philosophers; and which gives people no other inconvenience than perhaps leaving their descendants fewer treasures than good examples.
(VII) Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi seul, ou renoncer à se faire valoir: maxime inestimable et d'une ressource infinie dans la pratique, utile aux faibles, aux vertueux, à ceux qui ont de l'esprit, qu'elle rend maîtres de leur fortune ou de leur repos: pernicieuse pour les grands, qui diminuerait leur cour, ou plutôt le nombre de leurs esclaves, qui ferait tomber leur morgue avec une partie de leur autorité, et les réduirait presque à leurs entremets et à leurs équipage; qui les priverait du plaisir qu'ils sentent à se faire prier, presser, solliciter, à faire attendre ou à refuser, à promettre et à ne pas donner; qui les traverserait dans le goût qu'ils ont quelquefois à mettre les sots un vue et à anéantir le mérite quand il leur arrive de le discerner; qui bannirait des cours les brigues, les cabales, les mauvais offices, la bassesse, la flatterie, la fourberie; qui ferait d'une cour orageuse, pleine de mouvements et d'intrigues, comme une pièce comique ou même tragique, dont les sages ne seraient que les spectateurs; qui remettrait de la dignité dans les différentes conditions des hommes, de la sérénité sur leurs visages; qui étendrait leur liberté; qui réveillerait en eux, avec les talents naturels, l'habitude du travail et de l'exercice; qui les exciterait à l'émulation, au désir de la gloire, à l'amour de la vertu; qui, au lieu de courtisans vils, inquiets, inutiles, souvent onéreux à la république, en ferait ou de sages économes, ou d'excellents pères de famille, ou des juges intègres, ou de bons officiers, ou de grands capitaines, ou des orateurs, ou des philosophes; et qui ne leur attirerait à tout nul autre inconvénient, que celui peut-être de laisser à leurs héritiers moins de trésors que de bons exemples.
12
(I) Very much firmness and a great scope of spirit is needed for a person in France to do without offices and employment and to consent to stay at his home and not do anything. Nearly no one has enough merit to fill this role worthily, nor enough profundity to prevent his life from seeming empty without what vulgar people call business. However, the leisure of someone who is wise only lacks a better name; someone who calls meditating, speaking, reading, and being tranquil his work.
(I) Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d'esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, et à rien faire. Personne presque n'a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l'oisivité du sage qu'un meilleur nom, et que méditer, parler, lire, et être tranquille s'appelât travailler.
13
(I) A man with merit is never inconvenienced by his vanity; he is even less stunned by his place in society than he is humiliated by the place he doesn't have and that he believes he is worthy of: more ready to worry over than to be proud or scornful toward others, he only allows things to be weighed by himself.
(I) Un homme de mérite, et qui est en place, n'est jamais incommode par sa vanité; il s'étourdit moins du poste qu'il occupe qu'il n'est humilié par un plus grand qu'il ne remplit pas et dont il se croit digne: plus capable d'inquiétude que de fierté ou de mépris pour les autres, il ne pèse qu'à soi-même.
14
(IV) It takes effort for a man with merit to assiduously do his courting, but for a very opposed reason than people would think: he does not do so without very great modesty, which keeps him from thinking that he gives the least pleasure to the princes he walks before, stands in front of, and shows his face to: he is closer to being persuaded that he is importuning them, and he needs every customary reason and a reminder of his duty to make him resolve to present himself. Someone who, on the contrary, has a good opinion of himself and who vulgar people call glorious, likes to present himself and does his courting with much more confidence than ability to imagine that the rulers who see him think differently about him than he thinks about himself.
(IV) Il coûte à un homme de mérite de faire assidûment sa cour, mais par une raison bien opposée à celle que l'on pourrait croire: il n'est point tel sans une grande modestie, qui l'éloigne de penser qu'il fasse le moindre plaisir aux princes s'il se trouve sur leur passage, se poste devant leurs yeux, et leur montre son visage: il est plus proche de se persuader qu'il les importune, et il a besoin de toutes les raisons tirées de l'usage et de son devoir pour se résoudre à se montrer. Celui au contraire qui a bonne opinion de soi, et que le vulgaire appelle un glorieux, a du goût à se faire voir, et il fait sa cour avec d'autant plus de confiance qu'il est incapable de s'imaginer que les grands dont il est vu pensent autrement de sa personne qu'il fait lui-même.
15
(I) An honest man is satisfied with applying his hands to his duty, with the pleasure that he feels in doing it, and doesn't concern himself with praises, esteem, and gratitude, which are sometimes not given to him.
(I) Un honnête homme se paye par ses mains de l'application qu'il a à son devoir par le plaisir qu'il sent à le faire, et se désintéresse sur les éloges, l'estime et la reconnaissance qui lui manquent quelquefois.
16
(I) If I dared to make a completely unequal comparison, I would say that a man with heart thinks about doing what he must a little like a roofer thinks about covering roofs: neither the one nor the other think about exposing their life to danger, nor are they deterred by peril; death is for them something inconvenient to their task, and is never an obstacle. Also, the first is hardly more vain after having sketched out his work or carrying it to completion, than the second is after having ascended high towers or the point of a steeple. They both only concern themselves with doing something well, while a braggart works only so that people will say that he did something well.
(I) Si j'osais faire une comparaison entre deux conditions tout à fait inégales, je dirais qu'un homme de coeur pense à remplir ses devoirs à peu près comme le couvreur songe à couvrir: ni l'un ni l'autre ne cherchent à exposer leur vie, ni ne sont détournés par le péril; la mort pour eux est un inconvénient dans le métier, et jamais un obstacle. Le premier aussi n'est guère plus vain d'avoir paru à la tranchée, emporté un ouvrage ou forcé un retranchement, que celui-ci d'avoir monté sur de hauts combles ou sur la pointe d'un clocher. Ils ne sont tous deux appliqués qu'à bien faire, pendant que le fanfaron travaille à ce que l'on dise de lui qu'il a bien fait.
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(VIII) Modesty is to merit what shadows are to figures in a painting: they give them strength and relief.
A simple exterior is meant for vulgar men, it was designed for them and their needs; but it is an ornament for people who have filled their life with great actions: I would compare such people to a beautiful woman who is not known to others, but who is only more attractive for that.
Certain men who are content with themselves because of some action that has succeeded fairly well for them and who have heard that modesty is well suited to great men, dare to be modest and counterfeit simpleness and naturalness: similar to people of average height who lower themselves when they walk through doorways out of fear of hurting themselves.
(VIII) La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau: elle lui donne de la force et du relief.
Un extérieur simple est l'habit des homme vulgaires, il est taillé pour eux et sur leur mesure; mais c'est une parure pour ceux qui ont rempli leur vie de grandes actions: je les compare à une beauté négligée, mais plus piquante.
Certains hommes, contents d'eux-mêmes, de quelque action ou de quelque ouvrage qui ne leur a pas mal réussi, et ayant ouï dire que la modestie sied bien aux grands hommes, osent être modestes, contrefont les simples et les naturels: semblables à ces gens d'une taille médiocre qui se baissent aux portes, de peur de se heurter.
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(VI) Your son stutters: do not have him speak in the forum. Your daughter was born for society: do not close her up among vestals [ http://en.wikipedia.org/wiki/Vestal_Virgin ]. Xanthus, your freedman, is weak and timid: don't delay, take him out of the legions and military. "I want to advance him", you say. Cover him with wealth, overload him with lands, titles and possessions; save your time; we live in a century where such things will do him more honor than virtue. "It will cost me too much", you add. Are you speaking seriously, Crassus? Do you think that a single drop of water drawn from the Tiber will enrich the Xanthus that you love, and prevent the embarrassing consequences that come from him being in a position that he isn't meant for?
(VI) Votre fils est bègue: ne le faites pas monter sur le tribune. Votre fille est née pour le monde: ne l'enfermez pas parmi les vestales. Xanthus, votre affranchi, est faible et timide: ne différez pas, retirez-le des légions et de la milice. « Je veux l'avancer. », dites-vous. Comblez-le de biens, surchargez-le de terres, de titres et de possessions; servez-vous du temps; nous vivons dans un siècle où elles lui feront plus d'honneur que la vertu. « Il m'en coûterait trop », ajoutez-vous, Parlez-vous sérieusement, Crassus? Songez-vous que c'est une goutte d'eau que vous puisez du Tibre pour enricher Xanthus que vous aimez, et pour prévenir les honteuses suites d'un engagement où il n'est pas propre?
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(IV) It is only necessary to look for that one virtue in our friends that attaches us to them, without examining their good or bad fortune; and when we feel capable of standing by them in their disgrace, we must boldly and confidently cultivate their friendship even in their greatest prosperity.
(IV) Il ne faut regarder dans ses amis que la seule vertu qui nous attache à eux, sans aucun examen de leur bonne ou de leur mauvaise fortune; et quand on se sent capable de les suivre dans leur disgrâce, il faut les cultiver hardiment et avec confiance jusque dans leur plus grande prospérité.
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(IV) If it is common to be very touched by rare things, why do we have so little virtue?
(IV) S'il est ordinaire d'être vivement touché des choses rares, pourqoui le sommes-nous si peu de la vertu?
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(IV) If it is fortunate to be of high birth, it is not less so to be such that no one asks any more whether you are.
(IV) S'il est heureux d'avoir de la naissance, il ne l'est pas moins d'être tel qu'on ne s'informe plus si vous en avez.
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(V) Sometimes men appear on earth who are rare and exquisite; who shine with their virtue, and whose eminent qualities give off a tremendous luster. Similar to those extraordinary stars whose presence one cannot explain, and whose fate one knows even less after they disappear, they have neither ancestors nor descendants: they are the only members of their race.
(V) Il apparaît de temps en temps sur la surface de la terre des hommes rares, exquis, qui brillent par leu vertu, et dont les qualités éminentes jettent un éclat prodigieux. Semblable à ces étoiles extraordinaires dont on ignore les causes, et dont on sait encore moins ce qu'elles deviennent après avoir disparu, ils n'ont ni aïeuls, ni descendants: ils composent seuls toute leur race.
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(IV) Our best spirit discovers our duty, our promise to do it, and if there is danger, then with danger: it inspires courage, or it supplies it.
(IV) Le bon esprit nous découvre notre devoir, notre engagement à le faire, et s'il y a du péril, avec péril: il inspire le courage, ou il y supplée.
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(I) When a person excels in his art and gives it all the perfection that it is capable of, he leaves it behind in a way, and becomes something more noble and elevated. V** is a painter, C** is a musician, and the author of Pyramus is a poet; but Mignard is Mignard, Lully is Lully, and Corneille is Corneille.
(I) Quand on excelle dans son art, et qu'on lui donne toute la perfection dont il est capable, l'on en sort en quelque manière, et l'on s'égale à ce qu'il y a de plus noble et de plus relevé. V** est un peintre, C** un musicien, et l'auteur de Pyrame est un poète; mais Mignard est Mignard, Lully est Lully, et Corneille est Corneille.
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(I) A man who is free and does not have a wife, if he has some esprit, can lift himself above his fortune, mix in society and become a peer of the noblest men. This is more difficult for someone who is engaged: it seems that marriage puts everyone in his place.
(I) Un homme libre, et qui n'a point de femme, s'il a quelque esprit, peut s'élever au-dessus de sa fortune, se mêler dans le monde, et aller de pair avec les plus honnêtes gens. Cela est moins facile à celui qui est engagé: il semble que le mariage met tout le monde dans son ordre.
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(IV) Once a person can't achieve personal merit, he has to get people to admit that he has it, with the eminent dignities and great titles with which men become so distinguished and brilliant; and someone who can't be an Erasmus has to think about becoming a bishop. Some people, to extend their fame, surround themselves with Peers, the collars of various Orders, the Primaries, purple robes, and they would need a tiara; but what need does Trophime have of being a cardinal?
(IV) Après le mérite personnel, il faut l'avouer, ce sont les éminentes dignités et les grands titres dont les hommes tirent plus de distinction et plus d'éclat; et qui ne sait être un Érasme doit penser à être un évêque. Quelques-uns, pour étendre leur renommée, entassent sur leurs personnes des pairies, des colliers d'ordre, des primaties, la pourpre, et ils auraient besoin d'une tiare; mais quel besoin a Trophime d'être cardinal?
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(V) Gold sparkles, you say, on the clothes of Philemon. - It sparkles just the same in the jewelry shop. - He is wearing the most beautiful fabrics. - Are they displayed less in the boutiques and on the stage? - But the embroidery and the ornaments add his more magnificence. - Therefore, I praise the work of his craftsmen. - If one asks him what time it is, he takes out a watch that's a masterpiece; the guard on his sword is made of silver; he has a diamond on each finger that would blind your eyes and is perfect; he doesn't lack any of those curiosities that a person carries with them as much for vanity as for use, and he wouldn't refuse any sort of pearls any more than a young man who just married a rich old woman. - You have finally made me curious; it's necessary to at least see so many things that are so precious. Send me the clothes and jewels of Philemon; I'll let you keep the person.
(I) You are fooling yourself, Philemon, if, with your shining carriage, the great number of rogues that follow you, and the six beasts that pull you, you think that anyone has more esteem for you: they push aside the whole outfit that is beside you in order to reach you yourself, who are nothing but a conceited fool.
(I) Those people who think they are of higher birth or have more esprit because they have a large cortège, rich clothes and a magnificent train of followers, must sometimes be pardoned: they read this conclusion in the faces and eyes of the people who speak to them.
(V) L'or éclat, dites-vous, sur les habits de Philémon. - Il éclate de même chez les marchands. - Il est habillé des plus belles étoffes. - Le sont-elles moins toutes déployées dans les boutiques et à la pièce? - Mais la broderie et les ornements y ajoutent encore la magnificence. - Je loue donc le travail de l'ouvrier. - Si on lui demande quelle heure il est, il tire une montre qui est un chef-d'oeuvre; la garde de son épée est un onyx; il a au doigt un gros diamant qu'il fait briller aux yeux, et qui est parfait; il ne lui manque aucune de ces curieuses bagatelles que l'on porte sur soi autant pour la vanité que pour l'usage, et il ne se plaint non plus toute sorte de parure qu'un jeune homme qui a épousé une riche vieille. - Vous m'inspirez enfin de la curiosité; il faut voir du moins des choses si précieuses: envoyez-moi cet habit et ces bijoux de Philémon; je vous quitte de la personne.
(I) Tu te trompes, Philémon, si avec ce carrosse brillant, ce grand nombre de coquins qui te suivent, et ces six bêtes qui te traînent, tu penses que l'on t'en estime davantage: l'on écarte tout cet attirail qui t'est étranger, pour pénétrer jusques à toi, qui n'es qu'un fat.
(I) Ce n'est pas qu'il faut quelquefois pardonner à celui qui, avec un grand cortège, un habit riche et un magnifique équipage, s'en croit plus de naissance et plus d'esprit: il lit cela dans la contenance et dans les yeux de ceux qui lui parlent.
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(I) The children of gods, so to say, are beyond the laws of nature and are as though exceptions to them. They expect almost nothing from time or years. In them, merit comes before age. They are born instructed, and they are complete men before the majority leave childhood behind.
(I) Les enfants des Dieux, pour ainsi dire, se tirent des règles de la nature, et en sont comme l'exception. Ils n'attendent presque rien du temps et des années. Le mérite chez eux devance l'âge. Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l'enfance.
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(V) People with limited views, I mean those spirits who are bound and restricted in their little sphere, cannot comprehend that universality of talents that one sometimes finds in a single person: where they see someone pleasant, they exclude the possibility that he is solid; where they discover bodily grace, agility, suppleness, and dexterity, they don't want to admit any graces of the soul, depth, reflection, or wisdom: they remove from the biography of Socrates the fact that he danced.
(V) Les vues courtes, je veux dire les esprits bornés et resserrés dans leur petite sphère, ne peuvent comprendre cette universalité de talents que l'on remarque quelquefois dans un même sujet: où ils voient l'agréable, ils en excluent le solide; où ils croient découvrir les grâces du corps, l'agilité, la souplesse, la dextérité, ils ne veulent plus y admettre les dons de l'âme, la profondeur, la réflexion, la sagesse: ils ôtent de l'histoire de Socrate qu'il ait dansé.
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(V) There is hardly any man so accomplished and so necessary to the people close him that doesn't have some qualities that make him less missed when he is gone.
(V) Il n'y a guère d'homme si accompli et si nécessaire aux siens, qu'il n'ait de quoi se faire moins regretter.
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(I) A man with esprit who has a simple and straight character can fall into certain traps; he doesn't consider that anyone would spread one for him, and choose him for his fool: this confidence makes him less cautious, and some rogues catch him on account of that. If they attempt to trick him for a second time, they will only lose their time; such a man is only fooled once.
I would carefully avoid offending anyone, if I was a just man; but above all a man with esprit, if I have the smallest regard for my own interests.
(I) Un homme d'esprit et d'un caractère simple et droit peut tomber dans quelque piège; il ne pense pas que personne veuille lui en dresser, et le choisir pour être sa dupe: cette confiance le rend moins précautionné, et les mauvais plaisants l'entament par cet endroit. Il n'y a qu'à perdre pour ceux qui en viendraient à une seconde charge: il n'est trompé qu'une fois.
J'éviterai avec soin d'offenser personne, si je suis équitable; mais sur toutes choses un homme d'esprit, si j'aime le moins du monde mes intérêts.
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(I) There is nothing so small, so simple and imperceptible, that it does not show in our manners. A fool neither enters a room, nor leaves it, nor sits down, nor stands up, nor is silent, nor stays on his feet, like a man with esprit.
(I) Il n'y a rien de si délié, de si simple et de si imperceptible, où il n'entre des manières qui nous décèlent. Un sot ni n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit.
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(V) I know Mopse from a visit he gave me before he knew me; he asks people who he doesn't know at all to take him to the houses of other people who don't know him; he writes letters to women who he only knows by sight. He insinuates himself into a circle of respectable people who do not know who he is, and once there, without waiting for someone to ask him a question, without sensing that he is interrupting, he speaks, and frequently, and ridiculously. On another occasion he enters an assembly, sits down wherever he finds himself, without any attention to others or to himself; one takes him away from the place that was meant for a Minister of State, he sits down in the place meant for a duke and peer; precisely then the multitude of people laugh and he alone is serious and doesn't laugh at all. Chase a dog from the armchair of the King, he scrambles onto the pulpit of the preacher; he regards society indifferently, without embarrassment, without bashfulness; he, no more than a fool, notices any reason for him to blush.
(V) Je connais Mopse d'une visite qu'il m'a rendue sans me connaître; il prie des gens qu'il ne connaît point de le mener chez d'autres dont il n'est pas connu; il écrit à des femmes qu'il connaît de vue. Il s'insinue dans un cercle de personnes respectables, et qui ne savent quel il est, et là, sans attendre qu'on l'interroge, ni sans sentir qu'il interrompt, il parle, et souvent, et ridiculement. Il entre une autre fois dans une assemblée, se place où il se trouve, sans nulle attention aux autres, ni à soi-même; on l'ôte d'une place destinée à un ministre, il s'assied à celle du duc et pair; il est là précisément celui dont la multitude rit, et qui seul est grave et ne rit point. Chassez un chien du fauteuil du Roi, il grimpe à la chaire du prédicateur; il regarde le monde indifféremment, sans embarras, sans pudeur; il n'a pas, non plus que le sot, de quoi rougir.
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(VII) Celse has a mediocre rank, but noblemen suffer him; he is not a savant, he has ties to savants; he has little merit, but he knows people who have very much; he is not clever, but his tongue can make him understood, and his feet can carry him from one place to another. He is a man born for comings and goings, for listening to what people say and relating it to others, for making an office of this, for exceeding the duties of his post and for being disowned, for reconciling people who quarrel at their first sight of each other; for succeeding in every thousandth undertaking, for giving himself all the glory of the success and for redirecting the hatred of the failures onto others. He knows the common scandals, the little stories of the town; he does nothing, he tells or listens to what others do, he is a news-man ['nouvelliste']; he even knows the secrets inside families: he enters into the highest mysteries: he tells you why this person was exiled and why that person was recalled; he knows the foundation and reason of the break between two brothers, and the rupture between two Ministers of State. Didn't he predict to the former the sad consequences of their misunderstanding? Didn't he tell the latter that their union would not last long? Wasn't he present when certain words were said? Didn't he enter into a certain type of negotiation? Did people want to believe him? Was he listened to? To whom do you talk about these things? Who has a greater part than Celse in all of the intrigues at court? And if it weren't thus, if he did not at least dream or imagine it to be so, would he think of making you believe it? Would he have the important and mysterious air of a man who has just come back from an embassy?
(VII) Celse est d'un rang médiocre, mais des grands le souffrent; il n'est pas savant, il a relation avec des savants; il a peu de mérite, mais il connaît des gens qui en ont beaucoup; il n'est pas habile, mais il a une langue qui peut servir de truchement, et des pieds qui peuvent le porter d'un lieu à un autre. C'est un homme né pour les allées et venues, pour écouter des propositions et les rapporter, pour en faire d'office, pour aller plus loin que sa commission et en être désavoué, pour réconciler des gens qui se querellent à leur première entrevue; pour réussir dans une affaire et en manquer mille, pour se donner toute la gloire de la réussite, et pour détourner sur les autres la haine d'un mauvais succès. Il sait les bruits communs, les historiettes de la ville; il ne fait rien, il dit ou il écoute ce que les autres font, il est nouvelliste; il sait même le secret des familles: il entre dans de plus hauts mystères: il vous dit pourquoi celui-ci est exilé, et pourquoi on rappelle cet autre; il connaît le fond et les causes de la brouillerie des deux frères, et de la rupture des deux ministres. N'a-t-il pas prédit aux premiers les tristes suites de leur mésintelligence? N'a-t-il pas dit de ceux-ci que leur union ne serait pas longue? N'était-il pas présent à de certains paroles qui furent dites? N'entra-t-il pas dans une espèce de négociation? Le voulut-on croire? fut-il écouté? A qui parlez-vous de ces choses? Qui a eu plus de part que Celse à toutes ces intrigues de cour? Et si cela n'était ainsi, s'il ne l'avait du moins ou rêvé ou imaginé, songerait-il à vous le faire croire? aurait-il l'air important et mystérieux d'un homme revenu d'une ambassade?
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(VII) Ménippe is a bird decorated with different feathers that don't belong to him. He does not speak, he does not feel; he repeats the feelings and the speech of others, and so naturally takes on their esprit that he is the first one to forget that it is theirs, and he often thinks he is stating his taste or explaining his thought when he is only echoing the person whose company he just left. He is a man who is bearable for fifteen minutes and a moment after that droops, degenerates, loses the little luster that a little memory gave him, and shows he has nothing more left. He is the only one who doesn't see how far he is from sublimity and heroism; and, incapable of imagining how great an esprit men can have, he naively thinks he has as much as is humanly possible: he also has the air and manner of someone who has nothing more to desire of his esprit and who doesn't envy anyone. He talks to himself often and doesn't hide it; the people who pass by see him and he always seems to be taking sides with himself, or deciding that such and such a thing cannot be argued. If you greet him sometimes, you throw him into confusion over whether he should reply to you or not; and while he deliberates, you have already left the room. His vanity made him become something he wasn't. One judges, on seeing him, that he is only occupied with his own person; that he knows that his clothes look good on him, and that his jewels match; that he thinks that everyone's eyes are on him, and that men take turns contemplating him.
(VII) Ménippe est l'oiseau paré de divers plumages qui ne sont pas à lui. Il ne parle pas, il ne sent pas; il répète des sentiments et des discours, se sert même si naturellement de l'esprit des autres qu'il y est le premier trompé, et qu'il croit souvent dire son goût ou expliquer sa pensée, lorsqu'il n'est que l'écho de quelqu'un qu'il vient de quitter. C'est un homme qui est de mise un quart d'heure de suite, qui le moment d'après baisse, dégénère, perd le peu de lustre qu'un peu de mémoire lui donnait, et montre la corde. Lui seul ignore combien il est au-dessous du sublime et de l'héroïque; et, incapable de savoir jusqu'où l'on peut avoir de l'esprit, il croit naïvement que ce qu'il en a est tout ce que les hommes en sauraient avoir: aussi a-t-il l'air et le maintien de celui qui n'a rien à désirer sur ce chapitre, et qui ne porte envie à personne. Il se parle souvent à lui-même, et il ne s'en cache pas, ceux qui passent le voient, et qu'il semble toujours prendre un parti, ou décider qu'une telle chose est sans réplique. Si vous le saluez quelquefois, c'est le jeter dans l'embarras de savoir s'il droit rendre le salut ou non; et pendant qu'il délibère, vous êtes déjà hors de portée. Sa vanité l'a fait devenir ce qu'il n'était pas. L'on juge, en le voyant, qu'il n'est occupé que de sa personne; qu'il sait que tout lui sied bien, et que sa parure est assortie; qu'il croit que tous les yeux sont ouverts sur lui, et que les hommes se relayent pour le contempler.
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(IV) Someone who owns a palace with apartments for each season and yet sleeps in an entresol in the Louvre does not do so because of modesty; another who, to conserve his slender figure abstains from drinking wine and only eats one meal a day is neither sober nor temperate; and a third who is importuned by a poor friend and finally gives him some help is said to have bought his own peace and not to be generous. It is the motive alone that gives merit to human actions, and disinterestedness perfects them.
[Note concerning 'éntresol in the Louvre': "When the 'Characters' first made their appearance in 1689, Louis XIV no longer resided in the Louvre, but at Versailles. The greatest nobles, in order to pay their court to the king, lodged in some wretched rooms in the palace."]
(IV) Celui qui, logé chez soi dans un palais, avec deux appartements pour les deux saisons, vient coucher au Louvre dans un entre-sol n'en use pas ainsi par modestie; cet autre qui, pour conserver une taille fine, s'abstient du vin et ne fait qu'un seul repas n'est si sobre ni tempérant; et d'un troisième qui, importuné d'un ami pauvre, lui donne enfin quelque secours, l'on dit qu'il achète son repos, et nullement qu'il est libéral. Le motif seul fait le mérite des actions des hommes, et le désintéressement y met la perfection.
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(IV) False grandeur is savage and inaccessible: as though it sensed its weakness, it hides itself, or at least doesn't show itself abreast, and doesn't let itself be seen except when it needs to be imposing or to not seem like what it is, I mean a real smallness. True grandeur is free, sweet, familiar, popular; it let's itself be touched and handled, it doesn't lose anything from being seen close up; the more one knows it, the more one admires it. It curbs itself out of good-will toward it's inferiors, and comes back into it's natural condition without effort; it abandons itself sometimes, neglects itself, gets rid of its advantages, always able to pick them up again when it wants to; it laughs, plays, and chats, but with dignity; one approaches it with freedom and reserve together. Its character is noble and easy, inspires respect and confidence, and makes princes seem great, and very great, without making us feel small.
(IV) La fausse grandeur est farouche et inaccessible: comme elle sent son faible, elle se cache, ou du moins ne se montre pas de front, et ne se fait voir qu'autant qu'il faut pour imposer et ne paraître point ce qu'elle est, je veux dire une vraie petitesse. Le véritable grandeur est libre, douce, familière, populaire; elle se laisse toucher et manier, elle ne perd rien à être vue de près; plus on la connaît, plus on l'admire. Elle se courbe par bonté vers ses inférieurs, et revient sans effort dans son naturel; elle s'abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir; elle rit, joue et badine, mais avec dignité; on l'approche tout ensemble avec liberté et avec retinue. Son caractère est noble et facile, inspire le respect et la confiance, et fait que les princes nous paraissent grands et très grands, sans nous faire sentir que nous sommes petits.
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(IV) A wise man cures his ambition with ambition itself; he reaches for such great things that he cannot limit himself to what people call treasures, positions, fortune and favor; he sees nothing in such weak advantages that is good or solid enough to fulfill his heart, and to merit his cares and desires; he even needs effort not to disdain them too much. The only good capable of tempting him is that sort of glory that only comes from a completely pure and simple virtue; but men seldom grant it to others, and he does without it.
(IV) Le sage guérit de l'ambition par l'ambition même; il tend à de si grandes choses, qu'il ne peut se borner à ce qu'on appelle des trésors, des postes, la fortune et la faveur: il ne voit rien dans de si faibles avantages qui soit assez bon et assez solide pour remplir son coeur, et pour mériter ses soins et ses désirs; il a même besoin d'efforts pour ne les pas trop dédaigner. Le seul bien capable de le tenter est cette sorte de gloire qui devrait naître de la vertu toute pure et toute simple; mais les hommes ne l'accordent guère, et il s'en passe.
44
(IV) That person is good who does good to others; if he endures suffering in order to do it, he is very good; if he endures suffering by the hands of the very people who he is helping, his kindness is so great that it can only be greater in the case where his suffering is so; and if he dies doing it, his virtue can go no farther: it is heroic, it is perfect.
(IV) Celui-là est bon qui fait du bien aux autres; s'il souffre pour le bien qu'il fait, il est très bon; s'il souffre de ceux à qui il a fait ce bien, il a une si grande bonté qu'elle ne peut être augmentée que dans le cas où ses souffrances viendraient à croître; et s'il en meurt, sa vertu ne saurait aller plus loin: elle est héroïque, elle est parfaite.
On women
Des femmes
1
(I) Men and women rarely agree on what merit a woman has: their interests are too different. Women do not please each other with the same charms with which they please men: a thousand manners that light great passions in men give rise to aversion and antipathy in other women.
(I) Les hommes et les femmes conviennent rarement sur le mérite d'une femme: leurs intérêts sont trop différents. Les femmes ne se plaisent point les unes aux autres par les mêmes agréments qu'elles plaisent aux hommes: mille manières qui allument dans ceux-ci les grandes passions, forment entre elles l'aversion et l'antipathie.
2
(I) There is in some women an artificial grandeur, attached to the movement of their eyes, the look of their face, to the way that they walk, and which goes no further; it is like a dazzling and imposing wit who one only esteems because one hasn't seen deeply into it. There is in some others a simple, natural grandeur, independent of their gestures and gait, whose source is in their heart, and which seems like a result of their high birth; a peaceful but solid merit accompanied by a thousand virtues that they cannot cover with all of their modesty, which escape and are seen by anyone who has eyes.
(I) Il y a dans quelques femmes une grandeur artificielle, attachée au mouvement des yeux, à un air de tête, aux façons de marcher, et qui ne va pas plus loin; un esprit éblouissant qui impose, et que l'on n'estime que parce qu'il n'est pas approfondi. Il y a dans quelques autres une grandeur simple, naturelle, indépendante du geste et de la démarche, qui a sa source dans le coeur, et qui est comme une suite de leur haute naissance; un mérite paisible, mais solide, accompagné de mille vertus qu'elles ne peuvent couvrir de toute leur modestie, qui échappent, et qui se montrent à ceux qui ont des yeux.
3
(I) I have heard some people say that they would like to be a girl, and a beautiful girl, from the age of thirteen to that of twenty two, and after that to become a man.
(I) J'ai vu souhaiter d'être fille, et une belle fille, depuis treize ans jusques à vignt-deux, et après cet âge, de devenir un homme.
4
(IV) Some young women do not sufficiently know the advantages of a happy nature, and how useful it would be to them to abandon themselves to it; they weaken these gifts of heaven, which are so rare and fragile, by affected manners and bad imitations: they borrow the tone of their voice and their gait from other people; they compose themselves, make themselves up and look into the mirror to see if they are far enough from their natural self. It isn't without difficulty that they end up pleasing others less.
(IV) Quelques jeunes personnes ne connaissent point assez les avantages d'une heureuse nature, et combien il leur serait utile de s'y abandonner; elles affaiblissent ces dons du ciel, si rares et si fragiles, par des manières affectées et par une mauvaise imitation: leur son de voix et leur démarche sont empruntés; elles se composent, elles se recherchent, regardent dans un miroir si elles s'éloignent assez de leur naturel. Ce n'est pas sans peine qu'elles plaisent moins.
5
(VII) I admit that when women adorn and make up themselves, it is not the same thing as lying; it is closer to it, though, than disguising oneself at a masked ball, where people never present themselves as they are, but still only think about hiding themselves and making their true selves forgotten: it is a desire to impress peoples eyes, and to seem like something on the outside that is different from the truth; it is a type of fib.
It's necessary to judge women from just above their shoes to just below their coiffure exclusively, a little like one measures a fish from below its head to above its tail.
(VII) Chez les femmes, se parer et se farder n'est pas, je l'avoue, parler contre sa pensée; c'est plus aussi que le travestissement et la mascarade, où l'on ne se donne point pour ce que l'on paraît être, mais où l'on pense seulement à se cacher et à se faire ignorer: c'est chercher à imposer aux yeux, et vouloir paraître selon l'extérieur contre la vérité; c'est une espèce de menterie.
Il faut juger des femmes depuis la chaussure jusqu'à la coiffure exclusivement, à peu près comme on mesure le poisson entre queue et tête.
6
(V) If women only want to be beautiful in their own eyes and to please themselves, they can doubtlessly, in their manner of making themselves up and in their choice of dress and ornaments, follow their taste and their caprice; but if it is men that they want to please, if it is for men that they make themselves up or adorn themselves, I have collected opinions and I will pronounce them on behalf of all men or of the majority of them: they are that white paint and rouge make women hideous and distasteful; that rouge alone makes them seem older and disguises them; that men hate as much to see white lead on their faces as to see false teeth in their mouths or as to see wax balls under their cheeks; that men seriously protest against every artifice that women use to make themselves ugly; and that men are not responsible to Heaven for this, but on the contrary it seems that it is the last and infallible way of reclaiming men from their influence.
(IV) If women were naturally what they make of themselves artificially, if they lost in a moment all the freshness of their complexion, if their faces became as bright and leadened as they make it with rouge and the paints that they use, they would be inconsolable.
[ Note: 'white lead' is 'ceruse' in the original: http://en.wikipedia.org/wiki/Venetian_ceruse . Note in book on 'wax balls under their cheeks': 'It was a custom for elegant women, who, however, had become ugly on account of having hollow cheeks, to place little balls of ivory or of wax in their mouth. Dangeau noticed this custom in the princess de Montauban.' ]
(V) Si les femmes veulent seulement être belles à leurs propres yeux et se plaire à elles-mêmes, elles peuvent sans doute, dans la manière de s'embellir, dans le choix des ajustements et de la parure, suivre leur goût et leur caprice; mais si c'est aux hommes qu'elles désirent de plaire, si c'est pour eux qu'elles se fardent ou qu'elles s'enluminent, j'ai recueilli les voix, et je leur prononce, de la part de tous les hommes ou de la plus grande partie, que le blanc et le rouge les rend affreuses et dégoûtantes; que le rouge seul les vieillit et les déguise; qu'ils haïssent autant à les voir avec de la céruse sur le visage, qu'avec de fausses dents en la bouche, et des boules de cire dans les mâchoires; qu'ils protestent sérieusement contre tout l'aritifice dont elles usent pour se rendre laides; et que, bien loin d'en répondre devant Dieu, il semble au contraire qu'il leur ait réservé ce dernier et infaillible moyen de guérir des femmes.
(IV) Si les femmes étaient telles naturellement qu'elles le deviennent par un artifice, qu'elles perdissent en un moment toute la fraîcheur de leur teint, qu'elles eussent le visage aussi allumé et aussi plombé qu'elles se le font par le rouge et par la peinture dont elles se fardent, elles seraient inconsolables.
7
(VII) A coquettish woman never gives up her passion to please men, nor the opinion that she has of her beauty: she regards time and years as things that only wrinkle other women and only make them ugly; she forgets that a persons age is written on his or her face. The same ornament that once embellished her youth finally disfigures her and makes the defects of her age more noticeable. She has a pink color and affectation even in sickness and with fever: she dies covered in make-up and colored ribbons.
(VII) Une femme coquette ne se rend point sur la passion de plaire, et sur l'opinion qu'elle a de sa beauté: elle regarde le temps et les années comme quelque chose seulement qui ride et qui enlaidit les autres femmes; elle oublie du moins que l'âge est écrit sur le visage. La même parure qui a autrefois embelli sa jeunesse, défigure enfin sa personne, éclaire les défauts de sa vieillesse. La mignardise et l'affectation l'accompagnent dans la douleur et dans la fièvre: elle meurt parée et en rubans de couleur.
8
(VII) Lise hears people making fun of another coquette who pretends to be young and who wants to wear dresses that are no longer suitable for a woman who is forty years old. Lise is as old as that; but years have less than twelve months for her and never make her grow older: that's what she thinks, and while she is looking at herself in the mirror, putting rouge on her face and drawing dark spots there, she agrees that after a certain age it is not right to affect youth, and that indeed, Clarice, with her dark spots and her rouge, is ridiculous.
(VII) Lise entend dire d'une autre coquette qu'elle se moque de se piquer de jeunesse, et de vouloir user d'ajustements qui ne conviennent plus à une femme de quarante ans. Lise les a accomplis; mais les années pour elle ont moins de douze mois, et ne la vieillissent point: elle le croit ainsi, et pendant qu'elle se regarde au miroir, qu'elle met du rouge sur son visage et qu'elle place des mouches, elle convient qu'il n'est pas permis à un certain âge de faire la jeune, et que Clarice en effet, avec ses mouches et son rouge, est ridicule.
9
(IV) Women prepare themselves for their lovers, if they expect them; but if they are surprised by them, they forget at once the state that they are in and no longer think of themselves. They have more leisure with people they are indifferent to; they sense the disorder they are in, adjust themselves in their presence, or disappear for a moment and return beautifully made-up.
(IV) Les femmes se préparent pour leurs amants, si elles les attendent; mais si elles en sont surprises, elles oublient à leur arrivée l'état où elles se trouvent; elles ne se voient plus. Elles ont plus de loisir avec les indifférents; elles sentent le désordre où elles sont, s'ajustent en leur présence, ou disparaissent un moment, et reviennent parées.
10
(I) A beautiful face is the most beautiful of all spectacles, and the sweetest harmony is the sound of the voice of the person you love.
(I) Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles; et l'harmonie la plus douce est le son de voix de celle que l'on aime.
11
(IV) Fashionable ornaments are arbitrary: beauty is something more real and more independent of taste and opinion.
(IV) L'agrément est arbitraire: la beauté est quelque chose de plus réel et de plus indépendant du goût et de l'opinion.
12
(I) A man can be moved by certain women who have such perfect beauty and such shining merit, that he is satisfied by merely seeing them and speaking with them.
(I) L'on peut être touché de certaines beautés si parfaites et d'un mérite si éclatant, que l'on se borne à les voir et à leur parler.
13
(I) A beautiful woman who has the qualities of an honest man provides the most delightful and affecting company in the world: a person finds in her all the merit of both sexes.
(I) Une belle femme qui a les qualités d'un honnête homme est ce qu'il y a au monde d'un commerce plus délicieux: l'on trouve en elle tout le mérite des deux sexes.
14
(I) Little things escape from a young woman which convince a person very much of her affection, and which greatly flatter the person to whom they are addressed. Nearly nothing is said accidentally by men; their caresses are premeditated; they speak, they act, they are eager to please, and they convince someone less of their affection.
(I) Il échappe à une jeune personne de petites choses qui persuadent beaucoup, et qui flattent sensiblement celui pour qui elles sont faites. Il n'échappe presque rien aux hommes; leurs caresses sont volontaires; ils parlent, ils agissent, ils sont empressés, et persuadent moins.
15
(IV) Caprices very often accompany beauty in women; they serve as its antidote, so that their beauty does less harm to men, who, without such a remedy, would never be cured of their love.
(IV) Le caprice est dans les femmes tout proche de la beauté, pour être son contre-poison, et afin qu'elle nuise moins aux hommes, qui n'en guériraient pas sans remède.
16
(I) Women attach themselves to men with the favor that they show them: men are cured of their love by these same favors.
(I) Les femmes s'attachent aux hommes par les faveurs qu'elles leur accordent: les hommes guérissent par ces mêmes faveurs.
17
(I) A woman forgets a man who she no longer loves even to the point of not remembering that she once showed him favor.
(I) Une femme oublie d'un homme qu'elle n'aime plus jusques aux faveurs qu'il a reçues d'elle.
18
(I) A woman who only has one gallant never thinks she is a coquette; one who has many gallants thinks she is nothing but a coquette.
A certain woman tries not to be a coquette by firmly attaching herself to a single man, but she is considered mad if she persists in a bad choice.
(I) Une femme qui n'a qu'un galant croit n'être point coquette; celle qui a plusieurs galants croit n'être que coquette.
Telle femme évite d'être coquette par un ferme attachement à un seul, qui passe pour folle par son mauvais choix.
19
(IV) An old gallant is so little regarded that he loses his place to a new husband; and the sway of this new husband lasts for so short a time that a new gallant takes his role.
An old gallant fears or scorns a new rival depending on the character of the person he courts.
Often the only thing that an old gallant is missing with regard to the woman he is attached to is the name of husband: this is very much, and he would have lost his position a thousand times if it weren't for this circumstance.
(IV) Un ancien galant tient à si peu de chose, qu'il cède à un nouveau mari; et celui-ci dure si peu, qu'un nouveau galant qui survient lui rend le change.
Un ancien galant craint ou méprise un nouveau rival, selon le caractère de la personne qu'il sert.
Il ne manque souvent à un ancien galant, auprès d'une femme qui l'attache, que le nom de mari: c'est beaucoup, et il serait mille fois perdu sans cette circonstance.
20
(IV) It seems that gallantry in a woman makes her more of a coquette. A male coquette, on the contrary, is something worse than a gallant man. A male coquette and a gallant woman go together.
(IV) Il semble que la galanterie dans une femme ajoute à la coquetterie. Un homme coquet au contraire est quelque chose de pire qu'un homme galant. L'homme coquet et la femme galant vont assez de pair.
21
(I) Few affairs ['galanteries'] are secrets. Many women are as well recognized by the name of their lovers as by the name of their husbands.
(I) Il y a peu de galanteries secrètes. Bien des femmes ne sont pas mieux désignées par le nom de leurs maris que par celui de leurs amants.
22
(V) A gallant woman wants one to love her; it is enough for a coquette to be found lovely and to pass for beautiful. This one looks to bind someone; that one contents herself with pleasing. The first passes successively from one tie to another; the second has many men to amuse her at once. Passion and pleasure are dominant in the one; vanity and fickleness in the other. Gallantry is a weakness of the heart, or perhaps a vice of someone's complexion; coquetry comes from an ungoverned spirit. A gallant woman makes herself feared and a coquette makes herself hated. One can imagine someone who would have both of these characters, and who would be worse than either alone.
(V) Une femme galante veut qu'on l'aime; il suffit à une coquette d'être trouvée aimable et de passer pour belle. Celle-là cherche à engager; celle-ci se contente de plaire. La première passe successivement d'un engagement à un autre; la seconde a plusieurs amusements tout à la fois. Ce qui domine dans l'une, c'est la passion et le plaisir; et dans l'autre, c'est la vanité et la légèreté. La galanterie est un faible du coeur, ou peut-être un vice de la complexion; la coquetterie est un dérèglement de l'esprit. La femme galante se fait craindre et la coquette se fait haïr. L'on peut tirer de ces deux caractères de quoi en faire un troisième, le pire de tous.
23
(V) A weak woman is one whom a person reproaches for a fault which she reproaches herself for; whose heart fights her reason; who wants to become better and who will never become better, or only very late.
(V) Une femme faible est celle à qui l'on reproche une faute, qui se la reproche à elle-même; dont le coeur combat la raison; qui veut guérir, qui ne guérira point, ou bien tard.
24
(V) An inconstant woman is one who no longer loves; a fickle woman is one who already loves someone else; a flighty woman is one who doesn't know if she loves and whom she loves; an indifferent woman is one who loves no one.
(V) Une femme inconstante est celle qui n'aime plus; une légère, celle qui déjà en aime un autre; une volage, celle qui ne sait si elle aime et ce qu'elle aime; une indifférente, celle qui n'aime rien.
25
(V) Treachery, if I dare to say it, is a lie told by the whole body: in a woman it is the art of arranging her words or actions for the purpose of deceiving us, and sometimes of giving speeches or promises that cost her no more to make than to break.
A faithless woman, if she is believed to be so by the person concerned, is only faithless: if he thinks she is faithful, she is treacherous.
A man takes this benefit from the perfidy of women, that it cures him of jealousy.
(V) La perdifie, si je l'ose dire, est un mensonge de toute la personne: c'est dans une femme l'art de placer un mot ou une action qui donne le change, et quelquefois de mettre en oeuvre des serments et des promesses qui ne lui coûtent pas plus à faire qu'à violer.
Une femme infidèle, si elle est connue pour telle de la personne intéressé, n'est qu'infidèle: s'il la croit fidèle, elle est perfide.
On tire ce bien de la perfidie des femmes, qu'elle guérit de la jalousie.
26
(I) Some women have, in the course of their life, two engagements to fulfill, both as difficult to break as to hide; one man is only missing a marriage contract, and the other is only missing her heart.
(I) Quelques femmes ont dans le cours de leur vie un double engagement à soutenir, également difficile à rompre et à dissimuler; il ne manque à l'un que le contrat, et à l'autre que le coeur.
27
(I) To judge by this womans beauty, youth, pride and disdain, no one would doubt that only a hero could win her. Her choice is made: it is a little monster who lacks a spirit.
(I) A juger de cette femme par sa beauté, sa jeunesse, sa fierté et ses dédains, il n'y a personne qui doute que ce ne soit un héros qui doive un jour la charmer. Son choix est fait: c'est un petit monstre qui manque d'esprit.
28
(I) There are women who already have wrinkles, who because of their complexion or their bad character are the natural resource of young men who don't have money. I don't know who is more to be pitied, either a woman advanced in years who needs a cavalier or a cavalier who needs an old woman.
(I) Il y a des femmes déjà flétries, qui par leur complexion ou par leur mauvais caractère sont naturellement la ressource des jeunes gens qui n'ont pas assez de bien. Je ne sais qui est plus à plaindre, ou d'une femme avancée en âge qui a besoin d'un cavalier, ou d'un cavalier qui a besoin d'une vieille.
29
(IV) The refuse of the court is received in a fashionable assembly, where he defeats the magistrate, even when the latter is wearing his cravate and his grey suit, as well as the bourgeois wearing a sword, he sweeps them away and becomes master of the place: he is listened to and loved; one can hardly resist for a moment a gold-embroidered scarf or a white feather, a man who speaks to the King and sees the ministers. He makes men and women jealous: one admires him, he inspires envy: four miles away from the city, at Versailles, he inspires pity.
[Note: 'Only officers in the King's household were allowed to wear gold-embroidered scarfs.']
(IV) Le rebut de la cour est reçu à la ville dans une ruelle, où il défait le magistrat, même en cravate et en habit gris, ainsi que le bourgeois en baudrier, les écarte et devient maître de la place: il est écouté, il est aimé; on ne tient guère plus d'un moment contre une écharpe d'or et une plume blanche, contre un homme qui parle au Roi et voit les ministres. Il fait des jaloux et des jalouses: on l'admire, il fait envie: à quatre lieues de là, il fait pitié.
30
A man from the city is to a woman who has never left her native province what a courtier is to a city woman.
Un homme de la ville est pour une femme de province ce qu'est pour une femme de ville un homme de la cour.
31
(I) A man who is vain, indiscrete, a great talker who makes practical jokes, who speaks about himself with confidence and about others with scorn, who is impetuous, haughty, enterprising, without morals or honesty, with no judgement and a very free imagination, only has need of a handsome face and bearing to be adored by many women.
(I) A un homme vain, indicret, qui est grand parleur et mauvais plaisant, qui parle de soi avec confiance et des autres avec mépris, impétueux, altier, entreprenant, sans moeurs ni probité, de nul jugement et d'une imagination très libre, il ne lui manque plus, pour être adoré de bien des femmes, que de beaux traits et la taille belle.
32
(I) Is it because of the secrecy, or because of a hypochondriac taste, that this woman loves her valet, this other a monk, and Dorine her doctor?
(I) Est-ce en vue du secret, ou par un goût hypocondre, que cette femme aime un valet, cette autre un moine, et Dorine son médecin?
33
(VIII) Roscius enters onto the stage with much grace: it's true, Lélie; I will also agree that his legs are well shaped, that he acts well and major roles, and that to recite perfectly, he only needs to open his mouth, as people say; but is he the only actor who is charming in everything he does? and what he does, is it the noblest and most honest thing a person can do? Moreover, Roscius cannot be yours, he belongs to someone else; and when this engagement ends, he is already claimed by another still: Claudie waits for him to become tired of Messaline so that she can have him. Take Bathylle, Lélie: where will you find, I don't say in the order of knights who you disdain, but among the very actors of farces, a young man who can jump so high when he dances, and who does a better capriole? Would you like the jumper, Cobus, who, throwing his feet before him, turns once in the air before coming back to the ground? Did you know that he is no longer young? As for Bathylle, you will say, the crowd around him is too great, and he refuses more women than he can gratify; but you still have Dracon, the flute player: no one else in his profession swells his cheeks as decently as he does when he plays the oboe or the flageolet, because the number of instruments he can play is endless; moreover, he's amusing and even makes children and young women laugh. Who eats and drinks better than Dracon in a single meal? He gets a whole company drunk, and himself last. You sigh, Lélie: is it because Dracon has already chosen someone, or because someone has been hindering you? Is he finally engaged to Césonie, who has run after him for so long, who has sacrificed a great mob of lovers for him, I would even say the flower of young Romans? to Césonie, who is from a patrician family, who is so young, so beautiful, and so earnest? I am sorry for you, Lélie, if you have been infected with this new taste that roman women have for what people call public men, who expose themselves for work to the sight of others. What will you do, since the best men of this type have already been taken? Bronte is still left, who works torturing people on the rack: people can't stop talking about his strength and skill; he is a young man with broad shoulders and brawny, a negroe moreover, a black man.
(VIII) Roscius entre sur la scène de bonne grâce: oui, Lélie; et j'ajoute encore qu'il a les jambes bien tournées, qu'il joue bien, et de longs rôles, et que pour déclamer parfaitement il ne lui manque, comme on le dit, que de parler avec la bouche; mais est-il le seul qui ait de l'agrément dans ce qu'il fait? et ce qu'il fait, est-ce la chose la plus noble et la plus honnête que l'on puisse faire? Roscius d'ailleurs ne peut être à vous, il est à une autre; et quand cela ne serait pas ainsi, il est retenu: Claudie attend, pour l'avoir, qu'il se soit dégoûté de Messaline. Prenez Bathylle, Lélie: où trouverez-vous, je ne dis pas dans l'ordre des chevaliers, que vous dédaignez, mais même parmi les farceurs un jeune homme qui s'élève si haut en dansant, et qui passe mieux la capriole? Voudriez-vous le sauteur Cobus, qui, jetant ses pieds en avant, tourne une fois en l'air avant que de tomber à terre? Ignorez-vous qu'il n'est plus jeune? Pour Bathylle, dites-vous, la presse y est trop grande, et il refuse plus de femmes qu'il n'en agrée; mais vous avez Dracon, le joueur du flûte: nul autre de son métier n'enfle plus décemment ses joues en soufflant dans le hautbois ou le flageolet, car c'est une chose infinie que le nombre des instruments qu'il fait parler; plaisant d'ailleurs, il fait rire jusqu'aux enfants et aux femmelettes. Qui mange et qui boit mieux que Dracon en un seul repas? Il enivre toute une compagnie, et il se rend le dernier. Vous soupirez, Lélie: est-ce que Dracon aurait fait un choix, ou que malheureusement on vous aurait prévenue? Se serait-il enfin engagé à Césonie, qui l'a tant couru, qui lui a sacrifié une si grande foule d'amants, je dirai même toute la fleur des Romains? à Césonie, qui est d'une famille patricienne, qui est si jeune, si belle, et si sérieuse? Je vous plains, Lélie, si vous avez pris par contagion ce nouveau goût qu'ont tant de femmes romaines pour ce qu'on appelle des hommes publics, et exposés par leur condition à la vue des autres. Que ferez-vous, lorsque le meilleur en ce genre vous est enlevé? Il reste encore Bronte, le questionnaire: le peuple ne parle que de sa force et de son adresse; c'est un jeune homme qui a les épaules larges et la taille ramassée, un nègre d'ailleurs, un homme noir.
34
(I) To women in high society, a gardener is a gardener and a mason is a mason; for some others who live a more secluded life, a mason is a man, and a gardener is a man. Everything is a temptation to a person who is afraid to be faced with it.
[Note: 'some others who live a more secluded life' may refer to some nuns]
(I) Pour les femmes du monde, un jardinier est un jardinier, et un maçon est un maçon; pour quelques autres plus retirées, un maçon est un homme, un jardinier est un homme. Tout est tentation à qui la craint.
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(I) Some women are generous to the church as well as to their lovers: female gallants and benefactresses, in the very precinct of the altar they have their own galleries and oratories where they read their love notes, and where no one sees that they are not praying to God at all.
(I) Quelques femmes donnent aux couvents et à leurs amants: galantes et bienfactrices, elles ont jusque dans l'enceinte de l'autel des tribunes et des oratoires où elles lisent des billets tendres, et où personne ne voit qu'elles ne prient point Dieu.
36
(VII) What is a woman who is spiritually directed? Is it a woman who is more obliging to her husband, kinder to her servants, more devoted to her family and its affairs, more ardent and sincere with her friends; who is less of a slave to her mood, less attached to her own interests, who has less love of the commodities of life; I don't say who gives much money to her children who are already rich, but who, being opulent herself and overwhelmed with superfluities, furnishes them with everything necessary, and gives them what they justly deserve; who is more exempt of self-love and of estrangement from others; who is more free of all human attachments? "No," you say, "it doesn't mean any of those things." I insist, and ask again: "Then what is a woman who is spiritually directed?" At last I understand you, it is a woman who has a spiritual director.
(VII) Qu'est-ce qu'une femme que l'on dirige? Est-ce une femme plus complaisante pour son mari, plus douce pour ses domestiques, plus appliquée à sa famille et à ses affaires, plus ardente et plus sincère pour ses amis; qui soit moins esclave de son humeur, moins attachée à ses intérêts; qui aime moins les commodités de la vie; je ne dis pas qui fasse des largesses à ses enfants qui sont déjà riches, mais qui, opulente elle-même et accablée du superflu, leur fournisse le nécessaire, et leur rende au moins la justice qu'elle leur droit; qui soit plus exempte d'amour de soi-même et d'éloignement pour les autres; qui soit plus libre de tous attachements humains? « Non, dites-vous, ce n'est rien de toutes ces choses. » J'insiste, et je vous demande: « Qu'est-ce donc qu'une femme que l'on dirige? » Je vous entends, c'est une femme qui a un directeur.
[Note concerning 'spiritual directors' below: "At the time La Bruyère wrote, nearly every fashionable lady had, besides her father-confessor, a spiritual director, who was her 'guide, philosopher and friend.' Boileau, in his tenth satire, says: -
But thanks to pious souls, of all mortels
no one is better pampered than a spiritual director of women. "]
37
(I) If the father-confessor and the spiritual director don't agree at all on a rule of conduct, who will be the third person whom a woman will take as arbitrator?
(I) Si le confesseur et le directeur ne conviennent point sur une règle de conduite, qui sera le tiers qu'une femme prendra pour sur-arbitre?
38
(I) What is most important for a woman is not to have a spiritual director, but to live so harmoniously that she can do without one.
(I) Le capital pour une femme n'est pas d'avoir un directeur, mais de vivre si uniment qu'elle s'en puisse passer.
39
(I) If a woman could say to her confessor, along with her other weaknesses, the ones she has for her spiritual director, and the time she loses in his company, perhaps he would give her the penance of renouncing him.
(I) Si une femme pouvait dire à son confesseur, avec ses autres faiblesses, celles qu'elle a pour son directeur, et le temps qu'elle perd dans son enntretien, peut-être lui serait-il donné pour pénitence d'y renoncer.
40
(V) I wish that I were allowed to cry with all my strength to those holy men who formerly suffered through women: "Flee from women, do not be their spiritual director at all, leave it for others to care for their salvation!"
(V) Je voudrais qu'il me fût permis de crier de toute ma force à ces hommes saints qui ont été autrefois blesse's des femmes: « Fuyez les femmes, ne les dirigez point, laissez à d'autres le soin de leur salut. »
41
(I) It is too much for a husband to have a wife who is a coquette and is devoted to him; a woman must choose between these two.
(I) C'est trop contre un mari d'être coquette et dévote; une femme devrait opter.
42
(VI) I have avoided saying it, and I have suffered doing so; but finally it escapes from me, and I even hope that my frankness will be useful to those women who, not finding a confessor sufficient to guide them, use no discernment in their choice of spiritual directors. I cannot cease marveling and being surprised when I see certain people who I will not name; I open my eyes wide when I see them; I gaze on them: they speak and I lend them my ear; I inform myself, one tells me stories, I collect them; and I don't understand how people who seem to me diametrically opposed to good sense, to straight reasoning, to an experience of the world, to a knowledge of men, to the science of religion and mores, presume that God has renewed the marvel of apostles in our day, and has realized a miracle in their persons, rendering them capable, simple-minded and petty spirits that they are, of directing peoples souls, the most delicate and sublime form of governing; and if they nonetheless believe themselves born for such an elevated task, which is so difficult and belongs to so few people, and persuade themselves that by doing so they only exercise their natural talents and follow an ordinary vocation, I can understand them still less.
I see very well that the taste they have for being the depositary of family secrets, for being necessary for reconciliations, for procuring commissions or for organizing the servants, for finding every door open in the houses of noblemen, for eating often at large tables, for taking carriage rides in a large city, and for making delicious retreats to the countryside, for seeing many renowned and distinguished men be interested in their life and health, and to manage every human interest for others and themselves, I see very well, once again, that this alone has brought about the specious and blameless pretexte of caring for people's souls, and spread among society an inexhaustible nursery of spiritual directors.
42
(VI) J'ai différé à le dire, et j'en ai souffert; mais enfin il m'échappe, et j'espère même que ma franchise sera utile à celles qui n'ayant pas assez d'un confesseur pour leur conduite, n'usent d'aucun discernement dans le choix de leurs directeurs. Je ne sors pas d'admiration et d'étonnement à la vue de certains personnages qui je ne nomme point; j'ouvre de fort grands yeux sur eux; je les contemple: ils parlent, je prête l'oreille; je m'informe, on me dit des faits, je les recueille; et je ne comprends pas comment des gens en qui je crois voir toutes choses diamétralement opposées au bon esprit, au sens droit, à l'expérience des affaires du monde, à la connaissance de l'homme, à la science de la religion et des moeurs, présument que Dieu doive renouveler en nos jours la merveille de l'apostolat, et faire un miracle en leurs personnes, en les rendant capables, tout simples et petits esprits qu'ils sont, du ministère des âmes, celui de tous le plus délicat et le plus sublime; et si au contraire ils se croient nés pour un emploi si relevé, si difficile, et accordé à si peu de personnes, et qu'ils se persuadent de ne faire en cela qu'exercer leurs talents naturels et suivre une vocation ordinaire, je le comprends encore moins.
Je vois bien que le goût qu'il y a à devenir le dépositaire du secret des familles, à se rendre nécessaire pour les réconciliations, à procurer des commissions ou à placer des domestiques, à trouver toutes les portes ouvertes dans les maisons des grands, à manger souvent à de bonnes tables, à se promener en carrosse dans une grande ville, et à faire de délicieuses retraites à la compagne, à voir plusieurs personnes de nom et de distinction s'intéresser à sa vie et à sa santé, et à ménager pour les autres et pour soi-même tous les intérêts humains, je vois bien, encore une fois, que cela seul a fait imaginer le spécieux et irrépréhensible prétexte du soin des âmes, et semé dans le monde cette pépinière intarissable de directeurs.
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(VI) In some people, and especially in women, devotion to God [La Bruyère wrote a note; 'fausse dévotion', devotion to God that is really something else but presents itself as the former] comes as a passion, or as the weakness of a certain age, or as a fashion that must be followed. They used to count up their week by the days that they gambled, went to spectacles, concerts, masked balls, or pretty sermons: on Monday they went to lose their money at Ismène's, on Tuesday their time at Climène's, and on Wednesday their reputation at Célimène's; they knew the night before all the joy they would have the next day and the day after that; they enjoyed at once present pleasures and future ones that could not fail them; they wished they could fit them all into a single day: that was their one
anxiety and the subject of all their distraction; and if they sometimes found themselves at the Opera, they regretted having missed the comedy. Different times, different mores: now they overdo austerity and solitude; they no longer open their eyes, which were given to them so that they may see; they make no use of their senses; and, incredible thing! they don't speak much; yet they think, both well enough of themselves and badly enough of others; they emulate virtue and being reformed out of jealousy; they don't hate being first in this new type of life, just as they didn't in the type that they have recently given up due to politic or disgust. They used to waste themselves gaily in gallantry, luxury and idleness; and now they do so sadly in presumption and envy.
(VI) La dévotion vient à quelques-uns, et surtout aux femmes, comme une passion, ou comme le faible d'un certain âge, ou comme une mode qu'il faut suivre. Elles comptaient autrefois une semaine par les jours de jeu, de spectacle, de concert, de mascarade, ou d'un joli sermon: elles allaient le lundi perdre leur argent chez Ismène, le mardi leur temps chez Climène, et le mercredi leur réputation chez Célimène; elles savaient dès la veille toute la joie qu'elles devaient avoir le jour d'apès et le lendemain; elles jouissaient tout à la fois du plaisir présent et de celui qui ne leur pouvait manquer; elles auraient souhaité de les pouvoir rassembler tous en un seul jour: c'était alors leur unique inquiétude et tous le sujet de leurs distractions; et si elles se trouvaient quelquefois à l'Opéra, elles y regrettaient la comédie. Autres temps, autres moeurs: elles outrent l'austérité et la retraite; elles n'ouvrent plus les yeux qui leur sont donnés pour voir; elles ne mettent plus leurs sens à aucun usage; et chose incroyable! elles parlent peu; elles pensent encore, et assez bien d'elles-mêmes, comme assez mal des autres; il y a chez elles une émulation de vertu et de réforme qui tient quelque chose de la jalousie; elles ne haïssent pas de primer dans ce nouveau genre de vie, comme elles faisaient dans celui qu'elles viennent de quitter par politique ou par dégoût. Elles se perdaient gaiement par la galanterie, par la bonne chère et par l'oisivité; et elles se perdent tristement par la présomption et par l'envie.
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(VII) Hermas, if I marry a stingy woman, she won't ruin me; if I marry a gambler, she might make me richer; if a learned woman, she might teach me; if a prude, she won't get carried away; if a woman who gets carried away, she will teach me patience; if a coquette, she would want to please me; if a gallant woman, she may be so gallant as to love me; but if I marry a woman falsely pious, Hermas, what can I expect; from a woman who would want to deceive God and who deceives herself?
(VII) Si j'épouse, Hermas, une femme avare, elle ne me ruinera point; si une joueuse, elle pourra s'enrichir; si une savante, elle saura m'instruire; si une prude, elle ne sera point emportée; si une emportée, elle exercera ma patience; si une coquette, elle voudra me plaire; si une galante, elle le sera peut-être jusqu'à m'aimer; si une dévote, répondez, Hermas, que dois-je attendre de celle qui veut tromper Dieu, et qui se trompe elle-même?
45
(IV) A woman is easy to govern, provided that a man takes some trouble to do so. Even a single man can be seen governing many; he cultivates their esprit and their memory, fixes and determines their religion; he even undertakes to rule their heart. They neither approve nor disapprove, neither praise nor condemn, until after they have consulted his eyes and countenance. He is the source of their joys and their chagrins, of their desires, of their jealousies, of their hatreds and of their loves; he makes them break from their gallants; he makes them upset at or reconciled to their husbands, and he profits from the intervals in between. He takes care of their affairs, solicits for them in their lawsuits, and goes to see their judges; he gives them his doctor, merchant and craftsmen; he interferes in finding them a residence, he furnishes it, and he orders their carriages. One sees him with them when they take a ride, throughout the streets of the town, and on walks, as well as in their pew at church and in their box at the theater; he makes their visits with them; he accompanies them to the baths, to the waters, on their travels; he has the most comfortable apartment in their country houses. He grows old without losing his authority: a little esprit and a great deal of time to lose was enough for him to keep it; the children, the heirs, the daughter-in-law, the niece, the servants, everyone depends on him. He began by making himself esteemed; he ends by making himself feared. This friend from so long ago, who is so necessary, dies without anyone crying over him; and ten women he was the tyrant of inherit upon his death their freedom.
(IV) Une femme est aisé à gouverner, pourvu que ce soit un homme qui s'en donne la peine. Un seul même en gouverne plusieurs; il cultive leur esprit et leur mémoire, fixe et détermine leur religion; il entreprend même de régler leur coeur. Elles n'approuvent et ne désapprouvent, ne louent et ne condamnent, qu'après avoir consulté ses yeux et son visage. Il est le dépositaire de leur joies et de leurs chagrins, de leurs désirs, de leurs jalousies, de leurs haines et de leurs amours; il les fait rompre avec leurs galants; il les brouille et les réconcilie avec leurs maris, et il profite des interrègnes. Il prend soin de leurs affaires, sollicite leur procès, et voit leurs juges; il leur donne son médecin, son marchand, ses ouvriers; il s'ingère de les loger, de les meubler, et il ordonne de leur équipage. On le voit avec elles dans leurs carrosses, dans les rues d'une ville et aux promenades, ainsi que dans leur banc à un sermon, et dans leur loge à la comédie; il fait avec elles les mêmes visites; il les accompagne au bain, aux eaux, dans les voyages; il a le plus commode appartement chez elles à la compagne. Il vieillit sans déchoir de son autorité: un peu d'esprit et beaucoup de temps à perdre lui suffit pour la conserver; les enfants, les héritiers, la bru, la nièce, les domestiques, tout en dépend. Il a commencé par se faire estimer; il finit par se faire craindre. Cet ami si ancien, si nécessaire, meurt sans qu'on le pleure; et dix femmes dont il était le tyran héritent par sa mort de la liberté.
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(V) Some women have tried to hide their conduct under a cover of modesty; and all that any of them have been able to win through this continual affectation, which is never confounded, is to have people say: You would think she was a Vestal virgin.
(V) Quelques femmes ont voulu cacher leur conduite sous les dehors de la modestie; et tout ce que chacune a pu gagner par une continuelle affectation, et qui ne s'est jamais démentie, a été de faire dire de soi: On l'aurait prise pour une vestale.
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(IV) It is a violent proof of a very unstained and established reputation in a woman, if she is not even sullied by her familiarity with certain women who do not resemble her at all; and if, with all the inclination people have to give malignant explanations, they nonetheless ascribe this intimacy to a completely different reason than a similarity of morals.
(IV) C'est dans les femmes une violente preuve d'une réputation bien nette et bien établie, qu'elle ne soit pas même effleurée par la familiarité de quelque-unes qui ne leur ressemblent point; et qu'avec toute la pente qu'on a aux malignes explications, on ait recours à une tout autre raison de ce commerce qu'à celle de la convenance des moeurs.
48
(VII) An actor overdoes his part when on stage; a poet amplifies his descriptions; a painter who draws from life constrains and exaggerates passions, contrasts, and attitudes; and someone who copies his painting, unless he uses a compass to measure the dimensions and proportions, makes the figures bigger and gives to every part of the tableau more volume than the original had: it is in the same way that prudery imitates wisdom.
There is a false modesty which is vanity, a false glory which is thoughtlessness, a false grandeur which is pettiness, a false virtue which is hypocrisy, and a false wisdom which is prudery.
A prude woman is concerned with her bearing and her words; a wise woman is concerned with her conduct. The first follows her humor and complexion, the second her reason and her heart. The former is serious and austere; the latter acts precisely as is necessary in different situations. The first hides her weaknesses under a plausible exterior; the second covers a rich store of virtue with a free and natural air. Prudery constrains esprit, and neither hides age nor ugliness; often it presupposes them: wisdom, on the contrary, palliates imperfections of the body, ennobles esprit, and makes youth only more piquant and beauty only more perilous.
(VII) Un comique outre sur la scène ses personnages; un poète charge ses déscriptions; un peintre qui fait d'après nature force et exagère une passion, un contraste, des attitudes; et celui qui copie, s'il ne mesure au compas les grandeurs et les proportions, grossit ses figures, donne à toutes les pièces qui entrent dans l'ordonnance de son tableau plus de volume que n'en ont celles de l'original: de même la pruderie est une imitation de sagesse.
Il y a une fausse modestie qui est vanité, une fausse gloire qui est légèreté, une fausse grandeur qui est petitesse, une fausse vertu qui est hypocrisie, une fausse sagesse qui est pruderie.
Une femme prude paye de maintien et de parole; une femme sage paye de conduite. Celle-là suit son humeur et sa complexion, celle-ci sa raison et son coeur. L'une est sérieuse et austère; l'autre est dans les diverses rencontres précisément ce qu'il faut qu'elle soit. La première cache des faibles sous de plausibles dehors; la seconde couvre un riche fonds sous un air libre et naturel. La pruderie contraint l'esprit, ne cache ni l'âge ni la laideur; souvent elle les suppose: la sagesse au contraire pallie les défauts du corps, ennoblit l'esprit, ne rend la jeunesse que plus piquante et la beauté que plus périlleuse.
49
(VII) Why attribute it to men that women are not learned? By what laws, what edicts, what regulations have they forbidden them from opening their eyes and reading, from retaining what they have read, and from giving an account of it in their conversation or in their works? Have they not rather established this custom themselves of not being knowledgeable, either because of the weakness of their constitution, or the indolence of their esprit, or the care of their beauty, or a certain flightiness that prevents them from following a long study through, or a talent and genius only for handiwork, or the distractions that come from domestic avocations, or a natural estrangement from difficult and serious things, or a curiosity very distinct from what satisfies esprit, or a completely different taste than for exercising their memory? But whatever cause men may give for the ignorance of women, they are fortunate that women, who rule them in so many other things, don't have this advantage over them at least.
We regard a learned woman in the same way people regard a beautiful piece of armor: it is artistically chiselled, has an admirable polish, and shows exquisite workmanship; it is kept in the cabinet as part of a collection, which one shows to people who are curious, which is not used, which is not taken when going to war nor when hunting, no more than a horse immediately out of riding-school, though the best instructed in the world.
If knowledge and wisdom are united in a single person, I do not ask about his or her sex, I admire; and if you tell me that a wise woman doesn't think of becoming learned, or that a learned woman is hardly wise, you have already forgotten what you have just read, that women are only discouraged from knowledge by certain faults: therefore, conclude that the less they have these faults, the wiser they would be, and that a wise woman would only be more fit for becoming learned, or that a learned woman, only being such because she has been able to conquer very many weaknesses, is only wiser for it.
(VII) Pourquoi s'en prendre aux hommes de ce que les femmes ne sont pas savante? Par quelles lois, par quels édits, par quels rescrits leur a-t-on défendu d'ouvrir les yeux et de lire, de retenir ce qu'elles ont lu, et d'en rendre compte ou dans leur conversation ou par leurs ouvrages? Ne se sont-elles pas au contraire établie elles-même dans cet usage de ne rien savoir, ou par la faiblesse de leur complexion, ou par la paresse de leur esprit, ou par le soin de leur beauté, ou par une certaine légèreté qui les empêche de suivre une longue étude, ou par le talent et le génie qu'elles ont seulement pour les ouvrages de la main, ou par les distractions que donnent les détails d'un domestique, ou par un éloignement naturel des choses pénibles et sérieuses, ou par une curiosité toute différente de celle qui contente l'esprit, ou par un tout autre goût que celui d'exercer leur mémoire? Mais à quelque cause que les hommes puissent devoir cette ignorance des femmes, ils sont heureux que les femmes, qui les dominent d'ailleurs par tant d'endroits, aient sur eux cet avantage de moins.
On regarde une femme savante comme on fait une belle arme: elle est ciselée artistement, d'une polissure admirable et d'un travail fort recherché; c'est une pièce de cabinet, que l'on montre aux curieux, qui n'est pas d'usage, qui ne sert ni à la guerre ni à la chasse, non plus qu'un cheval de manège, quoique le mieux instruit du monde.
Si la science et la sagesse se trouvent unies en un même sujet, je ne m'informe plus du sexe, j'admire; et si vous me dites qu'une femme sage ne songe guère à être savante, ou qu'une femme savante n'est guère sage, vous avec déjà oublié ce que vous venez de lire, que les femmes ne sont détournées des sciences que par de certains défauts: concluez donc vous-même que moins elles auraient de ces défauts, plus elles seraient sages, et qu'ainsi une femme sage n'en serait que plus propre à devenir savante, ou qu'une femme savante, n'étant telle que parce qu'elle aurait pu vaincre beaucoup de défauts, n'en est que plus sage.
50
(I) Being neutral between two women who are equally our friends, though they have broken with each other over interests that have nothing to do with us, is a difficult point: often one must choose between them, or lose the friendship of both.
(I) La neutralité entre des femmes qui nous sont également amies, quoiqu'elles aient rompu pour des intérêts où nous n'avons nulle part, est un point difficile: il faut choisir souvent entre elles, ou les perdre toutes deux.
51
(I) There are some women who like their money more than their friends, and their lovers more than their money.
(I) Il y a telle femme qui aime mieux son argent que ses amis, et ses amants que son argent.
52
(I) It is surprising to see something stronger and more lively in the heart of certain women than love of men; I mean ambition and a drive to gamble: such women make men chaste; only their clothes belong to their sex.
(I) Il est étonnant de voir dans le coeur de certaines femmes quelque chose de plus vif et de plus fort que l'amour pour les hommes, je veux dire l'ambition et le jeu: de telles femmes rendent les hommes chastes; elles n'ont de leur sexe que les habits.
53
(I) Women are extreme: they are better or worse than men.
(I) Les femmes sont extrêmes: elles sont meilleures or pires que les hommes.
54
(I) Most women have few principles; they act according to their heart, and depend for their mores on the people they love.
(I) La plupart des femmes n'ont guère de principes; elles se conduisent par le coeur, et dépendent pour leurs moeurs de ceux qu'elles aiment.
55
(IV) Women go further in love than most men; but men go further in friendship.
Men are the cause of women not liking each other.
(IV) Les femmes vont plus loin en amour que la plupart des hommes; mais les hommes l'emportent sur elles en amitié.
Les hommes sont cause que les femmes ne s'aiment point.
56
(V) There is danger in mocking someone. Lise, already old, wants to make a young woman seem ridiculous, and herself becomes deformed; she frightens me. She grimaces and contorts her face to imitate her: and when she does so she is sufficiently ugly to make the person she is mocking seem beautiful.
(V) Il y a du péril à contrefaire. Lise, déjà vieille, veut rendre une jeune femme ridicule, et elle-même devient difforme; elle me fait peur. Elle use pour l'imiter de grimaces et de contorsions: la voilà aussi laide qu'il faut pour embellir celle dont elle se moque.
57
(VII) In the city, many idiotic men and women are reputed to have esprit; at court, many people are reputed to lack esprit who have very much; and it is difficult for a beautiful woman of this last type who has esprit to save her reputation among other women.
(VII) On veut à la ville que bien des idiots et des idiotes aient de l'esprit; on veut à la cour que bien des gens manquent d'esprit qui en ont beaucoup; et entre les personnes de ce dernier genre une belle femme ne se sauve qu'à peine avec d'autres femmes.
58
(I) A man keeps another person's secret better than his own; a woman, on the contrary, guards her own secret better than someone else's.
(I) Un homme est plus fidèle au secret d'autrui qu'au sien propre; une femme au contraire garde mieux son secret que celui d'autrui.
59
(I) There is no love so violent in the heart of a young woman that self-interest or ambition do not contribute to it.
(I) Il n'y a point dans le coeur d'une jeune personne un si violent amour auquel l'intérêt ou l'ambition n'ajoute quelque chose.
60
(I) There is a certain time before which the wealthiest girls must marry; they seldom let their first offers escape without preparing themselves for long regret: it seems that the reputation of their wealth lessens with their beauty. Everything, on the contrary, favors a young woman, especially the opinion of men, who love to grant them every advantage that can make them more desirable.
(I) Il y a un temps où les filles les plus riches doivent prendre parti; elles n'en laissent guère échapper les premières occasions sans se préparer un long repentir: il semble que la réputation des biens diminue en elles avec celle de leur beauté. Tout favorise au contraire une jeune personne, jusques à l'opinion des hommes, qui aiment à lui accorder tous les avantages qui peuvent la rendre plus souhaitable.
61
(I) How many girls there are whose great beauty only ever made them hope for a large fortune!
(I) Combien de filles à qui une grande beauté n'a jamais servi qu'à leur faire espérer une grande fortune!
62
(VII) Beautiful women tend to avenge the lovers they treated ill, by marrying either ugly, old, or unworthy husbands.
(VII) Les belles filles sont sujette à venger ceux de leurs amants qu'elles ont maltraités, ou par de laids, ou par de vieux, ou par d'indignes maris.
63
(IV) Most women judge a man's merit and the handsomeness of his face by the impression he makes on them, and seldom grant either the one or the other to a man they have no feelings for.
(IV) La plupart des femmes jugent du mérite et de la bonne mine d'un homme par l'impression qu'ils font sur elles, et n'accordent presque ni l'un ni l'autre à celui pour qui elles ne sentent rien.
64
(IV) A man who is eager to know if he is changing, if he is beginning to grow old, can consult the eyes of a young woman when he approaches her, and the tone that she speaks to him in: he will learn what he is afraid to know. A hard school.
(IV) Un homme qui serait en peine de connaître s'il change, s'il commence à vieillir, peut consulter les yeux d'une jeune femme qu'il aborde, et le ton dont elle lui parle: il apprendra ce qu'il craint de savoir. Rude école.
65
(IV) A woman who only ever has her eyes on a single person, and another who tries never to look at him at all, make people conclude the same thing about them.
(IV) Une femme qui n'a jamais les yeux que sur une même personne, ou qui les en détourne toujours, fait penser d'elle la même chose.
66
(IV) It costs women little to say what they do not feel at all: it costs men still less to say what they do feel.
(IV) Il coûte peu aux femmes de dire ce qu'elles ne sentent point: il coûte encore moins aux hommes de dire ce qu'ils sentent.
67
(I) It sometimes happens that a woman hides all the passion that she feels for a man, while he feigns all the passion that he does not feel.
(I) Il arrive quelquefois qu'une femme cache à un homme toute la passion qu'elle sent pour lui, pendant que de son côté il feint pour elle toute celle qu'il ne sent pas.
68
(I) One finds a man indifferent, but wanting to persuade a woman of a passion he doesn't feel; and one asks if it wouldn't be easier for him to deceive someone who loves him than someone who doesn't love him at all.
(I) L'on suppose un homme indifférent, mais qui voudrait persuader à une femme une passion qu'il ne sent pas; et l'on demande s'il ne lui serait pas plus aisé d'imposer à celle dont il est aimé qu'à celle qui ne l'aime point.
69
(I) A man can deceive a woman with a feigned tie to her, provided he doesn't have a real one elsewhere.
(I) Une homme peut tromper une femme par un feint attachement, pourvu qu'il n'en ait pas ailleurs un véritable.
70
(I) A man storms against a woman who no longer loves him, and consoles himself; a woman makes less noise when someone leaves her, and for a long time remains inconsolable.
(I) Un homme éclate contre une femme qui ne l'aime plus, et se console; une femme fait moins de bruit quand elle est quittée, et demeure longtemps inconsolable.
71
(I) Women are cured of laziness by vanity or by love.
(IV) On the other hand, laziness in lively women is an omen of love.
(I) Les femmes guérissent de leur paresse par la vanité ou par l'amour.
(IV) La paresse au contraire dans les femmes vives est le présage de l'amour.
72
(IV) It is certain that a woman who writes letters full of passion is carried away; it is less clear that she is genuinely moved. It seems that a lively and tender passion is somber and silent; and that the most pressing interest of a woman who is no longer free, the one which stirs her the most, is less to persuade someone that she loves than to be reassured that she is loved.
(IV) Il est fort sûr qu'une femme qui écrit avec emportement est emportée; il est moins clair qu'elle soit touchée. Il semble qu'une passion vive et tendre est morne et silencieuse; et que le plus pressant intérêt d'une femme qui n'est plus libre, celui qui l'agite davantage, est moins de persuader qu'elle aime, qu de s'assurer si elle est aimée.
73
Glycere does not like women, she hates their company and their visits, she gives orders to deny them entrance, and she often does the same to the men who are her friends, whose number is small, to whom she is severe, whom she keeps in their place without allowing anything beyond friendship: she is distracted when she is with them, responds with single syllables and seems to be looking for a way to get rid of them. She is solitary and savage in her house; the gate is better guarded, and her bedroom is more inaccessible than that of Monthoron and d'Hémery. Only Corinne is waited for and received at every hour.
Glycere n'aime pas les femmes, elle hait leur commerce et leurs visites, se fait celer pour elles, et souvent pour ses amis, dont le nombre est petit, à qui elle est sévère, qu'elle resserre dans leur ordre, sans leur permettre rien de ce qui passe l'amitié: elle est distraite avec eux, leur répond par des monosyllabes, et semble chercher à s'en défaire. Elle est solitaire et farouche dans sa maison; sa porte est mieux gardée, et sa chambre plus inaccessible que celles de Monthoron et d'Hémery. Une seule Corinne y est attendue, y est reçue, et à toutes les heures : on l'embrasse à plusieurs reprises, on croit l'aimer, on lui parle à l'oreille dans un cabinet où elles sont seules; on a soi-même plus de deux oreilles pour l'écouter; on se plaint à elle de tout autre que d'elle, on lui dit toutes choses et on ne lui apprend rien, elle a la confiance de tous les deux. L'on voit Glycere en partie carrée au bal, au théâtre, dans les jardins publies, sur le chemin de Venouze où l'on mange les premiers fruits; quelquefois seule en litière sur la route du grand faubourg où elle a un verger délicieux, ou à la porte de Canidie qui a de si beaux secrets, qui promet aux jeunes femmes de secondes noces, qui en dit le temps et les circonstances. Elle paroît ordinairement avec une coiffure plate et négligée, en simple déshabillé, sans corps et avec des mules: elle est belle en cet équipage, il ne lui manque que de la fraîcheur. On remarque néanmoins sur elle une riche attache qu'elle dérobe avec soin aux yeux de son mari: elle le flatte, elle le caresse, elle invente tous les jours pour lui de nouveaux noms, elle n'a pas d'autre lit que celui de ce cher époux, et elle ne veut pas découcher. Le matin elle se partage entre sa toilette et quelques billets qu'il faut écrire. Un affranchi vient lui parler en secret, c'est Parmenon, qui est favori, qu'elle soutient contre l'antipathie du maître et la jalousie des domestiques. Qui à la vérité fait mieux connoître des intentions et rapporte mieux une réponse que Parmenon? Qui parle moins de ce qu'il faut taire? Qui sait ouvrir une porte secrète avec moins de bruit? Qui conduit plus adroitement par le petit escalier? Qui fait mieux sortir par où l'on est entré?.
Des Ouvrages des esprits
1
(I) Everything has been said, and one comes into the world too late after seven thousand years in which there have been thinking men. The most beautiful and best mores have shown themselves; one can only glean from the ancients and the clever among the moderns.
(I) Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et meilleur est enlevé; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes.
2
(I) It is only necessary to think and speak justly, without wanting to lead others to our taste and feelings; that is too great an undertaking.
(I) Il faut chercher seulement à penser et à parler juste, sans vouloir amener les autres à notre goût et à nos sentiments; c'est une trop grande entreprise.
3
(I) It is a craft to make a book, like to make a watch: more than intelligence is needed to be an author. A judge was shown the highest honors because of his merit; he was nimble and practical in his affairs, and he published a work on morals, which was ridiculous in a way that was rare.
(I) C'est un métier que de faire un livre, comme de faire une pendule: il faut plus que de l'esprit pour être auteur. Un magistrat allait par son mérite à la première dignité, il était homme délié et pratique dans les affaires: il a fait imprimer un ouvrage moral, qui est rare par le ridicule.
4
(I) It is more difficult to make a reputation with something perfect than to be praised for a mediocre work when your reputation is made.
(I) Il n'est pas si aisé de se faire un nom par un ouvrage parfait, que d'en faire valoir un médiocre par le nom qu'on s'est déjà acquis.
5
(I) If a satire or a work that contains anecdotes, that must be handed out and received secretly, is mediocre, it passes for marvelous; possessing it makes it striking.
(I) Un ouvrage satirique ou qui contient des faits, qui est donné en feuilles sous le manteau aux conditions d'être rendu de même, s'il est médiocre, passe pour merveilleux; l'impression est l'écueil.
6
(I) If a person takes away the exhortation to the reader, the dedicatory letter, the preface, the table of contents, and the endorsements from very many moral works, there are hardly enough pages left to merit the name of a book.
(I) Si l’on ôte de beaucoup d’ouvrages de morale l’avertissement au lecteur, l’épitre dédicatoire, la préface, la table, les approbations, il reste à peine assez de pages pour mériter le nom de livre.
7
(I) There are certain things in which mediocrity is unbearable: poetry, music, painting, public speaking. What torture to hear someone pompously declaim a frigid speech, or pronounce mediocre verses with all the emphasis of a bad poet!
(I) Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable : la poésie, la musique, la peinture, le discours public. Quel supplice que celui d’entendre déclamer pompeusement un froid discours, ou prononcer de médiocres vers avec toute l’emphase d’un mauvais poète!
8
(V) In their plays, certain poets are subject to long sequences of pompous verses which seem to be strong, elevated, and full of great feeling. The people listen avidly, their eyes raised and their mouths open, thinking that it pleases them, and the less they understand it, the more they admire it; they don’t have the time to breathe, hardly can they recover to exclaim and applaud. In my first youth I used to think that these sequences were clear and intelligible to the actors, to the balconies and the amphitheater, that the authors understood what they had written and that despite all the attention I was giving to their recital, I was wrong not to understand them: I was mistaken.
(V) Certain poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments. Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins, l’admire davantage ; il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. J’ai cru autrefois, et dans ma première jeunesse, que ces endroits étaient clairs et intelligibles pour les acteurs, pour le parterre et l’amphithéâtre, que leurs auteurs s’entendaient eux-mêmes, et qu’avec toute l’attention que je donnais à leur récit, j’avais tort de n’y rien entendre : je suis détrompé.
9
(I) A masterpiece that was made by many people has hardly ever yet been seen: Homer wrote the Iliad, Virgil the Aeneid, Livy his Ab Urbe Condita, and Cicero his Orations.
(I) L’on n’a guère vu jusques à présent un chef-d'œuvre d’esprit qui soit l’ouvrage de plusieurs : Homère a fait l’Iliade, Virgile l’Énéide, Tite-Live ses Décades, et l’Orateur romain ses Oraisons.
10
(I) There is a point of perfection in art, just as there is health or maturity in nature. Those who sense and love it have good taste; those who don't sense it and like either before it or after have a defective taste. There is therefore a good and a bad taste, and we dispute tastes with reason.
(I) Il y a dans l’art un point de perfection, comme de bonté ou de maturité dans la nature. Celui qui le sent et qui l’aime a le goût parfait ; celui qui ne le sent pas, et qui aime en deçà ou au delà, a le goût défectueux. Il y a donc un bon et un mauvais goût, et l’on dispute des goûts avec fondement.
11
(I) There is much more acuteness than taste in men; or to be clearer, there are few men whose intelligence comes with sound taste and judicious criticism.
(I) Il y a beaucoup plus de vivacité que de goût parmi les hommes; ou pour mieux dire, il y a peu d'hommes dont l'esprit soit accompagné d'un goût sûr et d'une critique judicieuse.
12
(I) The lives of heroes have enriched history, and history has embellished the actions of heroes: thus, I don't know which is more indebted: the people who have written history to the ones who have given them such noble events, or these great men to their historians.
(I) La vie des héros a enrichi l'histoire, et l'histoire a embelli les actions des héros: ainsi je ne sais qui sont plus redevables, ou ceux qui ont écrit l'histoire à ceux qui leur en ont fourni une si noble matière, ou ces grands hommes à leurs historiens.
13
(I) Heaps of epithets are bad praises: it is his deeds that praise a man, and ones manner of recounting them.
(I) Amas d'épithètes, mauvaises louanges: ce sont les faits qui louent, et la manière de les raconter.
14
(I) All the esprit of an author consists in defining and portraying things well. Moses, Homer, Plato, Virgil, and Horace are only superior to other authors because of their manner of expression and the images they used: a person must express the truth in order to write naturally, strongly, and tactfully.
(I) Tout l'esprit d'un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. Moïse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images: il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement.
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(V) One must do with style in writing as has been done with architecture. One has entirely abandoned the gothic order, which barbarism introduced for palaces and temples; one has called back the Doric, Ionic, and Corinthian: that which was no longer seen except in the ruins of ancient Rome and Greece, become modern, shining in our porticos and peristyles. In the same way, a person would not meet with what is perfect in writing, nor would, if possible, surpass the ancients except by imitating them.
How many centuries have passed before men, in the sciences and arts, have been able to come back to the taste of the ancients and finally regain what is simple and natural!
(IV) A person nourishes himself on the ancients and on the clever among the moderns, he presses them, he gleans everything that he can, he swells with things taken from them; and when he is at last an author and is able to walk on his own, he rises against them and maltreats them, like a child who has grown strong and healthy on the milk that he sucked, and who then hits his nurse.
(IV) A modern author usually uses two things to show that the ancients are inferior to us, reasoning and examples: he bases his reasoning on his own taste and his examples are his own works.
(IV) Such a person admits that the ancients, as unsustained and incorrect as they are, do have beautiful passages; he quotes them and they are beautiful enough to make people read his critique.
(IV) Some clever people decide in favor of the ancients against the moderns; but they are suspected of judging in their own favor, so much do their works conform to the taste of antiquity: they are dismissed.
(V) On a dû faire du style ce qu'on fait de l'architecture. On a entièrement abandonné l'ordre gothique, que la barbarie avait introduit pour les palais et pour les temples; on a rappelé le dorique, l'ionique et le corinthien: ce qu'on ne voyait plus que dans les ruines de l'ancienne Rome et de la vieille Grèce, devenu moderne, éclate dans no portiques et dans nos péristyles. De même, on ne saurait en écrivant rencontrer le parfait, et s'il se peut, surpasser les anciens que par leur imitation.
(I) Combien de siècles se sont écoulés avant que les hommes, dans les sciences et dans les arts, aient pu revenir au goût des anciens et reprendre enfin le simple et le naturel!
(IV) On se nourrit des anciens et des habiles modernes, on les presse, on en tire le plus que l'on peut, on en renfle ses ouvrages; et quand enfin l'on est auteur, et que l'on croit marcher tout seul, on s'élève contre eux, on les maltraite, semblable à ces enfants drus et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé, qui battent leur nourrice.
(IV) Un auteur moderne prouve ordinairement que les anciens nous sont inférieurs en deux manières, par raison et par exemple: il tire la raison de son goût particulier, et l'exemple de ses ouvrages.
(IV) Il avoue que les anciens, quelque inégaux et peu corrects qu'ils soient, ont de beaux traits; il les cite, et ils sont si beaux qu'ils font lire sa critique.
(IV) Quelques habiles prononcent en faveur des anciens contre les modernes; mais ils sont suspects et semblent juger en leur propre cause, tant leurs ouvrages sont faits sur le goût de l'antiquité: on le récuse.
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(I) A person must learn to read his works to people who know enough to correct and evaluate them.
(IV) Not wanting to be either counseled or corrected on one's work is pedantry.
(IV) An author must receive with an equal modesty the praises and the critiques directed at what he wrote.
(I) L'on devrait aimer à lire ses ouvrages à ceux qui en savent assez pour les corriger et les estimer.
(IV) Ne vouloir être ni conseillé ni corrigé sur son ouvrage est un pédantisme.
(IV) Il faut qu'un auteur reçoive avec une égale modestie les éloges et la critique que l'on fait de ses ouvrages.
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(I) Between all the different expressions that can present one of our thoughts, there is one that is the best. A person doesn't always find it when he is speaking or writing; nonetheless, it is true that it exists, and that the others are weak and would not satisfy a person who has esprit and wants to be understood.
A good author, who writes with care, often feels that the expression he was looking for for a long time without recognizing it, and which he has finally found, is the one that is simplest, most natural, which seems to have presented itself from the first and without effort.
People who let themselves be led by their mood when they write are subject to alter what they have written: since their mood is not fixed, but varies with time, they soon find that their favorite expressions and words become frigid.
(I) Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. On ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant; il est vrai néanmoins qu'elle existe, que tout ce qui ne l'est point est faible, et ne satisfait point un homme d'esprit qui veut se faire entendre. Un bon auteur, et qui écrit avec soin, éprouve souvent que l'expression qu'il cherchait depuis longtemps sans la connaître, et qu'il a enfin trouvée, est celle qui était la plus simple, la plus naturelle, qui semblait devoir se présenter d'abord et sans effort.
Ceux qui écrivent par humeur sont sujets à retoucher à leurs ouvrages: comme elle n'est pas toujours fixe, et qu'elle varie en eux selon les occasions, ils se refroidissent bientôt pour les expressions et les termes qu'ils ont le plus aimés.
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(I) The same justice of spirit that makes us write good things makes us stop and suspect that they are not good enough to merit being praised.
A medioce spirit tries to write divinely; a good one tries to write reasonably.
(I) La même justesse d'esprit qui nous fait écrire de bonnes choses nous fait appréhender qu'elles ne le soient pas assez pour mériter d'être lues.
Un esprit médiocre croit écrire divinement; un bon esprit croit écrire raisonnablement.
19
(I) "Someone asked me", said Ariste, "to read my work to Zoïle: I did so. He was seized by it at first, before he had the leisure to decide that it was bad; he modestly praised it in my presence, and since then has not praised it in front of anyone. I forgive him, and more can't be expected from another author; I am even sorry that he had listen to beautiful things that he didn't write."
People who say that because of their rank, they are exempt from being jealous of other authors, have either passions or needs that distract them and make them cold to other peoples creations: despite his intelligence, his heart or his fortune, nearly no one is able to completely give in to the perfection of a work.
(I) « L'on m'a engagé, dit Ariste, à lire mes ouvrages à Zoïle: je l'ai fait. Ils l'ont saisi d'abord et avant qu'il ait eu le loisir de les trouver mauvais; il les a loués modestement en ma présence, et il ne les a pas loués depuis devant personne. Je l'excuse, et je n'en demande pas davantage à un auteur; je le plains même d'avoir écouté de belles choses qu'il n'a point faites. »
Ceux qui par leur condition se trouvent exempts de la jalousie d'auteur, ont ou des passions ou des besoins qui les distraient et les rendent froids sur les conceptions d'autrui: personne presque, par la disposition de son esprit, de son cœur et de sa fortune, n'est en état de se livrer au plaisir que donne la perfection d'un ouvrage.
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(I) The pleasure of critiquing takes away from us that of being touched by some very beautiful things.
(I) Le plaisir de la critique nous ôte celui d'être vivement touchés de très belles choses.
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(I) Many people sense the merit of a manuscipt that you read to them, but cannot say that they approve of it until they know how it will be received by society or by people who are clever: they do not risk their opinion, and they want to be supported by a throng and encircled by the multitude. Then they say that they were the first ones to approve of the work, and that the public is of their opinion. (VI) Such people lose the precious opportunity to show that they have capacity and insight, that they are able to judge, find good what is good and better what is better. A beautiful work falls into their hands, it is a first work, the author has not yet made a great name, there is nothing to prejudice them in his favor, it's not a question of courting or flattering someone who is powerful by praising what he has written; you are not being asked, Zélotes, to cry: it's a masterpiece of the human spirit; humanity cannot go further; it's the highest point to which the human word can be elevated; people in the future will only judge taste in comparison with this; exaggerated, distasteful phrases that remind people of a pension or an abbay that is being received, noxious even for something that is praiseworthy and deserves praise. Why can't you simply say: "This is a good book"? You say it, it is true, with all of France, with foreigners as well as your compatriots, once it has been printed everywhere in Europe and has been translated into many languages: but by then the time has passed.
(I) Bien des gens vont jusques à sentir le mérite d'un manuscrit qu'on leur lit, qui ne peuvent se déclarer en sa faveur, jusques à ce qu'ils aient vu le cours qu'il aura dans le monde par l'impression, ou quel sera son sort parmi les habiles: ils ne hasardent point leurs suffrages, et ils veulent être porté par la foule et entraînés par la multitude. Ils disent alors qu'ils ont les premiers approuvé cet ouvrage, et que le public est de leur avis. (VI) Ces gens laissent échapper les plus belles occasions de nous convaincre qu'ils ont de la capacité et des lumières, qu'ils savent juger, trouver bon ce qui est bon et meilleur ce qui est meilleur. Un bel ouvrage tombe entre leurs mains, c'est un premier ouvrage, l'auteur ne s'est pas encore fait un grand nom, il n'a rien qui prévienne en sa faveur, il ne s'agit point de faire sa cour ou de flatter les grands en applaudissant à ses écrits; on ne vous demande pas, Zélotes, de vous récrier: C'est un chef-d'œuvre de l'esprit; l'humanité ne va pas plus loin; c'est jusqu'où la parole humaine peut s'élever; on ne jugera à l'avenir du goût de quelqu'un qu'à proportion qu'il en aura pour cette pièce; phrases outrées, dégoûtantes, qui sentent la pension ou l'abbaye, nuisibles à cela même qui est louable et qu'on veut louer. Que ne disiez-vous seulement: « Voilà un bon livre »? Vous le dites, il est vrai, avec toute la France, avec les étrangers comme avec vos compatriotes, quand il est imprimé par toute l'Europe et qu'il est traduit en plusieurs langues: il n'est plus temps.
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(IV) Some people who read a work go back and summarize certain passages that they did not understand, and which they alter with their interpretation; and the passages that are thus corrupted and disfigured, which are nothing other than their own thoughts and expressions, they censure; they maintain that they are bad and everyone agrees that they are bad; but the part of the work that people thought they were citing, and which in fact they did not cite at all, is no worse because of their criticism.
(IV) Quelques-uns de ceux qui ont lu un ouvrage en rapportent certains traits dont ils n'on pas compris le sens, et qu'ils altèrent encore par tout ce qu'ils y mettent du leur; et ces traits ainsi corrompus et défigurés, qui ne sont autre chose que leurs propres pensées et leurs expressions, ils les exposent à la censure, soutiennent qu'ils sont mauvais, et tout le monde convient qu'ils sont mauvais; mais l'endroit de l'ouvrage que ces critiques croient citer, et qu'en effet ils ne citent point, n'en est pas pire.
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(IV) "What do you think of Hermodore's book?" - "That it is bad", responds Anthime. - "That it is bad?" - "Yes", he continues, "that it doesn't deserve the name of a book, or at least that people should talk about it." - "But have you read it?" - "No", says Anthime. Why doesn't he add that Fuvlie and Mélanie condemned it without reading it, and that he is friends with Fulvie and Mélanie?
(IV) « Que dites-vous du livre d'Hermodore? -- Qu'il est mauvais, répond Anthime. -- Qu'il est mauvais? -- Qu'il est tel, continue-t-il, que ce n'est pas un livre, ou qui mérite du moins que le monde en parle. -- Mais l'avez-vous lu? -- Non », dit Anthime. Que n'ajoute-t-il que Fulvie et Mélanie l'ont condamné sans l'avoir lu, et qu'il est ami de Fulvie et de Mélanie?
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(IV) Arsène, from the height of his esprit, contemplates men; and from such a great distance, he is fightened by their littleness; having been praised, exalted, and carried into the heavens by certain people who admire him in return for his admiration, he thinks that he has all the merit that it is possible for man to have, and that he will never have; occupied and filled with sublime ideas, he hardly has the time to pronounce a few prophesies; lifted by his character above human discernment, he leaves it to common souls to have a regulated and uniform life; he only has to account for his fickleness to the circle of friends that idolize him: only they are able to judge, to think, to write, and they are the only ones who should write; there is no work of literature in the world that has been so well received and so universally enjoyed by honest men, that he will, not approve of it, but deign to read it: he is incapable of being corrected by this portrait, which he will never see.
(IV) Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l'éloignement d'où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse; loué, exalté, et porté jusqu'aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s'admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu'il a, posséder tout celui qu'on peut avoir, et qu'il n'aura jamais; occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles; élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d'une vie suivie et uniforme, et il n'est responsable de ses inconstances qu'à ce cercle d'amis qui les idolâtrent: eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire; il n'y a point d'autre ouvrage d'esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu'il veuille approuver, mais qu'il daigne lire: incapable d'être corrigé par cette peinture, qu'il ne lira point.
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(VI) Théocrine knows things that are very useless; his feelings are always singular; he is less profound than methodical; he only exercises his memory; he is abstract, disdainful, and he always seems to be laughing inside himself at people who he thinks are not worth enough to be laughed at. By chance, I read my work to him, and he listened. Once I was done, he talked to me about his. "And what did he think about yours?" you ask me. -- I already told you, he talked to me about his.
(VI) Théocrine sait des choses assez inutiles; il a des sentiments toujours singulier; il est moins profond que méthodique; il n'exerce que sa mémoire; il est abstrait, dédaigneux, et il semble toujours rire en lui-même de ceux qu'il croit ne le valoir pas. Le hasard fait que je lui lis on ouvrage, il l'écoute. Est-il lu, il me parle du sien. « Et du vôtre, me direz-vous, qu'en pense-t-il? » -- Je vous l'ai déjà dit, il me parle du sien.
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(IV) No work is so accomplished that it wouldn't be completely destroyed by criticism if its author believed all of the people critiquing it, and removed each part that they liked the least.
(IV) Il n'y a point d'ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier au milieu de la critique, si son auteur voulait en croire tous les censeurs qui ôtent chacun l'endroit qui leur plaît le moins.
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(IV) It is a demonstrated experience that if someone finds ten people who would erase an expression or a feeling from a book, he could easily find a similar number who would reclaim it. These latter cry: "Why suppress this thought? It is new, it is beautiful, and it is expressed admirably"; and the former affirm, on the contrary, either that they would have left it out, or that they would have expressed it differently. "There is a word", say some, "in your work that was pleasant to see, and that portrayed the thing truthfully"; "There is a term", say others, "that wasn't used carefully, and that moreover may not give the exact impression that you want to be understood"; and it is about the same phrase and the same word that all these people are speaking about, and all of them are connoisseurs, and pass for as much. What else can an author do, but dare to share the opinion of the people who approve of it?
(IV) C'est une expérience faite que, s'il se trouve dix personnes qui effacent d'un livre une expression ou un sentiment, l'on en fournit aisément un pareil nombre qui les réclame. Ceux-ci s'écrient: « Pourquoi supprimer cette pensée? elle est neuve, elle est belle, et le tour en est admirable »; et ceux-là affirment, au contraire, ou qu'ils auraient négligé cette pensée, ou qu'ils auraient donné un autre tour. « Il y a un terme, disent les uns, dans votre ouvrage, qui est rencontré et qui peint la chose au naturel; il y a un mot, disent les autres, qui est hasardé, et qui d'ailleurs ne signifie pas assez ce que vous voulez peut-être faire entendre »; et c'est du même trait et du même mot que tous ces gens s'expliquent ainsi, et tous sont connaisseurs et passent pour tels. Quel autre parti pour un auteur, que d'oser pour lors être de l'avis de ceux qui l'approuvent?
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(IV) An earnest author is not obliged to fill his soul with all the extravagance, meanness, and bad names that people give his work, nor with all the inept interpretations that people attribute to certain parts, still less suppress them. He is convinced that whatever scrupulous precision that a person has in his manner of writing, the tasteless mockery of jokers is an inevitable evil, and that the best things often only give them an opportunity to find something foolish.
(IV) Un auteur sérieux n'est pas obligé de remplir son esprit de toutes les extravagances, de toutes les saletés, de tous les mauvais mots que l'on peut dire, et de toutes les ineptes applications que l'on peut faire au sujet de quelques endroits de son ouvrage, et encore moins de les supprimer. Il est convaincu que quelque scrupuleuse exactitude que l'on ait dans sa manière d'écrire, la raillerie froide de mauvais plaisants est un mal inévitable, et que les meilleures choses ne leur servent souvent qu'à leur faire rencontrer une sottise.
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(VIII) If certain keen and decided people were believed, words would be too verbose to express feelings: you would have to communicate with them in signs, or make yourself understood without speaking. Whatever care you take to be compact and concise, and whatever reputation you have for being so, they will find you diffuse. You must leave it to them to supply everything, and write for nobody else. They understand a phrase from the word that begins it, and a whole chapter from a phrase: if you have read them a single part of your work, that is enough, they have experienced it and understand everything. A web of enigmas would be a pleasure for them to read; and it's unfortunate for them that this maimed style is so rare, and that few writers work toward it. Comparisons of a flood whose course, though rapid, is smooth and uniform, or of a fire that, driven by the wind, spreads far over a forest and consumes oaks and pines, give them no idea of eloquence. Give them a surprising greek fire, or a dazzling bolt of lightening, and they will leave you what is good and beautiful.
[Note: for 'greek fire', see http://en.wikipedia.org/wiki/Greek_fire ]
(VIII) Si certains esprits vifs et décisifs étaient crus, ce serait encore trop que les termes pour exprimer les sentiments: il faudrait leur parler par signes, ou sans parler se faire entendre. Quelque soin qu'on apporte à être serré et concis, et quelque réputation qu'on ait d'être tel, ils vous trouvent diffus. Il faut leur laisser tout à suppléer, et n'écrire que pour eux seuls. Ils conçoivent un période par le mot qui la commence, et par une période tout un chapitre: leur avez-vous lu un seul endroit de l'ouvrage, c'est assez, ils sont dans le fait et entendent l'ouvrage. Un tissu d'énigmes leur serait une lecture divertissante; et c'est une perte pour eux que ce style estropié qui les enlève soit rare, et que peu d'écrivains s'en accommodent. Les comparaisons tirées d'un fleuve dont le cours, quoique rapide, est égal et uniforme, ou d'un embrasement qui, poussé par les vents, s'épand au loin dans un forêt où il consume les chênes et les pins, ne leur fournissent aucune idée de l'éloquence. Montrez-leur un feu grégeois qui les surprenne, ou un éclair qui les éblouisse, ils vous quittent du bon et du beau.
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(IV) What a great distance between a beautiful work and a perfect or sustained one! I don't know if this last type can still be found. It is perhaps less difficult for rare geniuses to create something grand and sublime than to avoid every fault. Everyone spoke with one voice about The Cid when it was first produced, which was one of admiration; it found itself stronger than authority and politics, which tried to destroy it in vain; it united spirits in its favor whose opinions and feelings are always divided, the nobility and the people: everyone committed it to memory and mouthed along with the actors at the theatre. In the end, The Cid is one of the most beautiful poems that have been made; and yet some of the best critiques that have been made on any subject have been on the Cid.
(IV) Quelle prodigieuse distance entre un bel ouvrage et un ouvrage parfait ou régulier! Je ne sais s'il s'en est encore trouvé de ce dernier genre. Il est peut-être moins difficile aux rares génies de rencontrer le grand et le sublime, que d'éviter toute sorte de fautes. Le Cid n'a eu qu'une voix pour lui à sa naissance, qui a été celle de l'admiration; il s'est vu plus fort que l'autorité et la politique, qui ont tenté vainement de le détruire; il a réuni en sa faveur des esprits toujours partagés d'opinions et de sentiments, les grands et le peuple: ils s'accordent tous à le savoir de mémoire, et à prévenir au théâtre les acteurs qui le récitent. Le Cid enfin est l'un des plus beaux poèmes que l'on puisse faire; et l'une des meilleures critiques qui aient été faites sur aucun sujet est celle du Cid.
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(VIII) When a piece of writing elevates your spirit, and inspires you with noble and courageous feelings, don't look for another rule whereby to judge it; it is good, and shake the hand of the writer.
(VIII) Quand une lecture vous élève l'esprit, et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger l'ouvrage; il est bon, et fait de main d'ouvrier.
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(IV) Capys, who sets himself up as a judge of beautiful style and who thinks he writes like Bouhours and Rabutin, contradicts the taste of the people, and alone says that Damis is not a good author. Damis cedes to the multitude and ingenuously says with the public that Capys is a frigid one.
(IV) Capys, qui s'érige en juge du beau style et qui croit écrire comme Bouhours et Rabutin, résiste à la voix du peuple, et dit tout seul que Damis n'est pas un bon auteur. Damis cède à la multitude, et dit ingénument avec le public que Capys est froid écrivain.
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(IV) A novelist is forced to speak about his work in the following way: "There is a certain book being published by Cramoisy and is worthy of that name, it is well-bound, on beautiful paper, and is very expensive"; he proceeds to give directions to a bookstore that sells it: his only folly is thinking that the person listening will publish a critique of it.
A novelist thinks he is being sublime when his reasoning is based on a hollow politic.
A novelist tranquilly falls asleep in the evening reading a novel that wastes his night, and that he is obliged to forget when he wakes up in the morning.
(IV) Le devoir du nouvelliste est de dire: « Il y a un tel livre qui court, est qui est imprimé chez Cramoisy en tel caractère, il est bien relié et en beau papier, il se vend tant »; il doit savoir jusques à l'enseigne du libraire qui le débite: sa folie est d'en vouloir faire la critique.
Le sublime du nouvelliste est le raisonnement creux sur la politique.
Le nouvelliste se couche le soir tranquillement sur une nouvelle qui se corrompt la nuit, et qu'il est obligé d'abandonner le matin à son réveil.
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(IV) A philosopher consumes his life in observing men, and he uses his esprit to unravel and ridicule their vices; if he gives some expression to his thoughts, it is less for the vanity of being an author than to make a truth he has seen clearly serve his design. Some readers nevertheless think that they are repaying him with interest if they majestically say that they have read his book, and found esprit; but he leaves all of their praises alone, which he didn't look for with his work and nightly vigils. He carries his project higher and works toward a nobler end: he asks from men a greater and rarer success than praises, and even than any reward, which is to make them better.
(IV) Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule; s'il donne quelque tour à ses pensées, c'est moins par une vanité d'auteur, que pour mettre une vérité qu'il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l'impression qui doit servir à son dessein. Quelques lecteurs croient néanmoins le payer avec usure, s'ils disent magistralement qu'ils ont lu son livre, et qu'il y a de l'esprit; mais il leur renvoie tous leurs éloges, qu'il n'a pas cherchés par son travail et par ses veilles. Il porte plus haut ses projets et agit pour un fin plus relevée: il demande des hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges, et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs.
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(IV) Fools read a book and don't understand anything; people with mediocre esprit think they understand everything perfectly; people with great esprit sometimes don't completely understand it: they find what is obscure to be obscure and what is clear to be clear; wits want to find things obscure that aren't so at all, and misunderstand others that are very intelligible.
(IV) Les sots lisent un livre, et ne l'entendent point; les esprits médiocres croient l'entendre parfaitement; les grands esprits ne l'entendent quelquefois pas tout entier: ils trouvent obscur ce qui est obscur, comme ils trouvent clair ce qui est clair; les beaux esprits veulent trouver obscur ce qui ne l'est point, et ne pas entendre ce qui est fort intelligible.
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(IV) An author looks in vain to make himself admired with his work. Fools sometimes admire authors, but they are fools. People with esprit have stored the beginnings of every truth and feeling in themselves, nothing is new to them; they seldom admire, they approve.
(IV) Un auteur cherche vainement à se faire admirer par son ouvrage. Les sots admirent quelquefois, mais ce sont des sots. Les personnes d'esprit ont en eux les semences de toutes les vérités et de tous les sentiments, rien ne leur est nouveau; ils admirent peu, ils approuvent.
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(IV) I don't know if a person can give more esprit, pleasantness and style, or better expression to their thoughts than is seen in the letters of Balzac and Voiture; though they are void of the feelings that have reigned since their time, and that were produced by women. This sex goes farther than ours in letter writing. They effortlessly find turns of phrase and expressions that in us are often only the result of long work and painful effort; they are happy in their choice of words, which they place so appropriately that, as commonplace as these words are, they have the charm of novelty, and seem to be made expressly for the use to which they have been put; only women can make a whole feeling be understood by a single word, or delicately express a thought that is delicate; they have an inimitable flow of speech, which follows itself so naturally, and that is only tied down to its collective meaning. If they were always reasonable, I would dare say that the letters of some women are perhaps the best things that have been written in our language.
(IV) Je ne sais si l'on pourra jamais mettre dans des lettres plus d'esprit, plus de tour, plus d'agrément et plus de style que l'on en voit dans celles de Balzac et de Voiture; elles sont vides de sentiments qui n'ont régné que depuis leur temps, et qui doivent aux femmes leur naissance. Ce sexe va plus loin que le nôtre dans ce genre d'écrire. Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont l'effet que d'un long travail et d'une pénible recherche; elles sont heureuses dans le choix des termes, qu'elles placent si justes, que tout connus qu'ils sont, ils ont le charme de la nouveauté, semblent être faits seulement pour l'usage où elles les mettent; il n'appartient qu'à elles de faire lire dans un seul mot tout un sentiment, et de rendre délicatement une pensée qui est délicate; elles ont un enchaînement de discours inimitable, qui se suit naturellement, et qui n'est lié que par le sens. Si les femmes étaient toujours correctes, j'oserais dire que les lettres de quelques-unes d'entre elles seraient peut-être ce que nous avons dans notre langue de mieux écrit.
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(IV) If only Terence had been less cold: what purety, what precision, what politesse, what elegance, what characters! If only Molière had avoided using jargon and barbarous phrases, and wrote purely: what fire, what naïvety, what tasteful pleasantry, what close imitation of mores, what images, and what a scourge of things that are laughable! However, what a man could be made from these two writers of comedy!
(IV) Il n'a manqué à Térence que d'être moins froid: quelle pureté, quelle exactitude, quelle politesse, quelle élégance, quels caractères! Il n'a manqué à Molière que d'éviter le jargon et le barbarisme, et d'écrire purement: quel feu, quelle naïveté, quelle source de la bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule! Mais quel homme on aurait pu faire de ces deux comiques!
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(V) I've read Malherbe and Théophile. They both knew nature, with the difference that the first, with a full and uniform style, shows all at once what is most beautiful and noble, most naive and simple, as if it were painting or history. The other, without discernment, without precision, with a free and unequal pen, just after charging his descriptions, gets weighed down in details; he makes an anatomy; he feigns, exaggerates, and passes the truth in nature: he makes a novel.
(V) J'ai lu Malherbe et Théophile. Ils ont tous deux connu la nature, avec cette différence que le premier, d'un style plein et uniforme, montre tout à la fois ce qu'elle a de plus beau et de plus noble, de plus naïf et de plus simple; in en fait la peinture ou l'histoire. L'autre, sans choix, sans exactitude, d'une plume libre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s'appesantit sur les détails: il fait une anatomie; tantôt il feint, il exagère, il pass le vrai dans la nature: il en fait le roman.
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(V) Ronsard and Balzac each in their genre had enough good and bad qualities to form very great men after them in verse and in prose.
(V) Ronsard et Balzac ont eu, chacun dans leur genre, assez de bon et de mauvais pour former après eux de très grands hommes en vers et en prose.
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(V) Marot, with his manner of expression and style, seems to have written since the time of Ronsard: between him and us there is hardly the difference of a few words.
(V) Marot, par son tour et par son style, semble avoir écrit depuis Ronsard: il n'y a guère, entre ce premier et nous, que la différence de quelques mots.
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(V) Ronsard and his contemporaries harmed style more than they developed it: they slowed it on its way to perfection; they exposed it to the possibility of never reaching perfection, and of never again trying to. It is surprising that the works of Marot, which are so natural and effortless, were not able to make Ronsard, who was fuller of vivacity and enthousiasm, a greater poet than either he or Marot became; and, on the contrary, that Racan and Malherbe came so soon after Belleau, Jodelle, and Bartas, and that our language, nearly corrupted, was repaired.
(V) Ronsard et les auteurs ses contemporains ont plus nui au style qu'ils ne lui ont servi: ils l'ont retardé dans le chemin de la perfection; ils l'ont exposé à la manquer pour toujours et à n'y plus revenir. Il est étonnant que les ouvrages de Marot, si naturels et si faciles, n'aient su faire de Ronsard, d'ailleurs plein de verve et d'enthousiasme, un plus grand poète que Ronsard et que Marot; et au contraire, que Belleau, Jodelle, et du Bartas, aient été sitôt suivis d'un Racan et d'un Malherbe, et que notre langue, à peine corrompue, se soit vue réparée.
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(V) Marot and Rabelais are inexcusable for having mixed trash into their works: both had enough genius and natural power to be able to do without it, even among readers who look more to laugh at than admire an author. Rabelais above all is incomprehensible: his book is an enigma, whatever people say, it is inexplicable; it's a chimera, it's the face of a beautiful woman with the feet and tail of a serpent, or of some other misshapen beast; it's a monstrous assemblage of subtle and ingenious morality and of foul corruption. When it is bad, it passes far beyond the worst things, it's the charm of the canaille; when it is good, it is exquisite and excellent, it can be enjoyed by the most delicate tastes.
(V) Marot et Rabelais sont inexcusables d'avoir semé l'ordure dans leurs écrits: tous deux avaient assez de génie et de naturel pour pouvoir s'en passer, même à l'égard de ceux qui cherchent moins à admirer qu'à rire dans un auteur. Rabelais surtout est incompréhensible: son livre est une énigme, quoi qu'on veuille dire, inexplicable; c'est une chimère, c'est le visage d'une belle femme avec des pieds et une queue de serpent, ou de quelque autre bête plus difforme; c'est un monstrueux assemblage d'une morale fine et ingénieuse, et d'une sale corruption. Où il est mauvais, il passe bien loin au delà du pire, c'est le charme de la canaille; où il est bon, il va jusques à l'exquis et à l'excellent, il peut être le mets des plus délicats.
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(V) Two writers criticized Montaigne in their works, and I also don't find him free from every fault: however, it seems that these two didn't esteem him in any way. The one didn't think enough to enjoy an author who thought very much; the other thought too subtly to accustom himself to thoughts that are natural.
(V) Deux écrivains dans leurs ouvrages ont blâmé Montaigne, que je ne crois pas, aussi bien qu'eux, exempt de toute sorte de blâme: il paraît que tous deux ne l'ont estimé en nulle manière. L'un ne pensait pas assez pour goûter un auteur qui pense beaucoup; l'autre pense trop subtilement pour s'accommoder de pensées qui sont naturelles.
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(V) A severe, earnest, and scrupulous style goes very far: people still read Amyot and Coeffeteau; which of their contemporaries are still read? Balzac, in his turns of phrase and expressions, is less dated than Voiture, but if this latter is not modern in his turns of phrase, in his esprit, and in his naturalness, and doesn't resemble our writers at all, it is because these have found it easier to neglect him than to imitate him, and because the small number of people who followed him couldn't attain what he did.
(V) Un style grave, sérieux, scrupuleux, va fort loin: on lit Amyot et Coeffeteau; lequel lit-on de leurs contemporains? Balzac, pour les termes et pour l'expression, est moins vieux que Voiture, mais si ce dernier, pour le tour, pour l'esprit et pour le naturel, n'est pas moderne, et ne ressemble en rien à nos écrivains, c'est qu'il leur a été plus facile de le négliger que de l'imiter, et que le petit nombre de ceux qui courent après lui ne peut l'atteindre.
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(I) The H** G** is immediately below nothing. There are many works like it. It takes as much fabrication to become rich by a foolish book as it takes stupidity to buy it: a person ignores the taste of the people if he doesn't risk writing extreme nonsense.
[Note: the H** G** stands for the Mercure Galant, H stood for Hermes, mercure = Mercury in french. It was a publication edited by Fontenelle.]
(I) Le H** G** est immédiatement au-dessous de rien. Il y a bien d'autres ouvrages qui lui ressemblent. Il y a autant d'invention à s'enrichir par un sot livre qu'il y a de sottise à l'acheter: c'est ignorer le goût du peuple que de ne pas hasarder quelquefois de grandes fadaises.
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(I) A person sees very well that the Opera is a sketch of a great spectacle; it gives the idea of one.
(I) I don't know how the Opera, with such perfect music and such royal expenses, is able to be boring.
(I) Many scenes of an Opera leave a spectator wanting others; this sometimes prevents him from wanting the opera to end: it is because of the theater, the action, and everything demanding his interest.
(IV) To this day an Opera is not a poem, but only verses; nor is it a spectacle since the machines have disappeared because of Amphion and his race: it is a concert, no more than voices accompanied by instruments. It is to be deceived and to cultivate bad taste to say, as people have, that machines are only amusements for children, like marionnettes; it augments and embellishes the fiction, and maintains the spectators in that sweet illusion that is the whole pleasure of the theater, which it makes them marvel at. No flying cars, floating chariots, or scenery changes are needed for plays like Bérénice or Pénélope: but they are needed for operas, whose task is to hold the spirits, eyes and ears of the spectators in equal enchantment.
[Amphion stands for Lully; his race for his family and supporters]
(I) L'on voit bien que l'Opéra est l'ébauche d'un grand spectacle; il en donne l'idée.
(I) Je ne sais pas commen l'Opéra, avec une musique si parfaite et une dépense toute royale, a pu réussir à m'ennuyer.
(I) Il y a des endroits de l'Opéra qui laissent en désirer d'autres; il échappe quelquefois de souhaiter la fin de tout le spectacle: c'est faute de théâtre, d'action, et de choses qui intéressent.
(IV) L'Opéra jusqu'à ce jour n'est pas un poème, ce sont des vers; ni un spectacle, depuis que les machines ont disparu par le bon ménage d'Amphion et de sa race: c'est un concert, ou ce sont des voix soutenues par des instruments. C'est prendre le change, et cultiver un mauvais goût, que de dire, comme l'on fait, que la machine n'est qu'un amusement d'enfants, et qui ne convient qu'aux Marionnettes; elle augmente et embellit la fiction, soutient dans les spectateurs cette douce illusion qui est tout le plaisir du théâtre, où elle jette encore le merveilleux. Il ne faut point de vols, ni de chars, ni de changements, aux Bérénices et à Pénélope: il en faut aux Opéras, et le propre de ce spectacle est de tenir les esprits, les yeux et les oreilles dans un égal enchantement.
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(IV) They made a theater, these zealots, as well as machines, ballets, verses, music, the whole spectacle, even the room where the spectacle was given, I mean the cieling, the four walls and their foundation. Who doubts that the hunt on the water, the enchantment of the Table, the marvel of the Labyrinth is also of their invention? I judge so by the movement they went into at the time and the happy air with which they congratulated each other on the success of these things. If I am mistaken, and they haven't contributed anything to this celebration, which was so magnificent, so galant and planned for so long, and for which only one person was needed to plan and pay for it, I admire two things: the tranquility and flegme of the person who did everything, and the involvement and action of those who did nothing at all.
(IV) Ils ont fait le théâtre, ces empressés, les machines, les ballets, les vers, la musique, tout le spectacle, jusqu'à la salle où s'est donné le spectacle, j'entends le toit et les quatre murs dès leurs fondements. Qui doute que la chasse sur l'eau, l'enchantement de la Table, la merveille du Labyrinthe ne soient encore de leur invention? J'en juge par le mouvement qu'ils se donnent, et par l'air content dont ils s'applaudissent sur tout le succès. Se je me trompe, et qu'ils n'aient contribué en rien à cette fête si superbe, si galante, si longtemps soutenue, et où un seul a suffi pour le projet et pour la dépense, j'admire deux choses: la tranquillité et le flegme de celui qui a tout remué, comme l'embarras et l'action de ceux qui n'ont rien fait.
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(IV) Connoisseurs, or people who believe that they are, give a deliberate and decisive view on spectacles, group together and divide themselves into opposed parties, each of which, with concerns neither for the public nor for justice, admires a certain poem or a certain piece of music, and scorns every other one. They are equally harmful because of how heated they are in defense of their prejudices as well as in their opposition to the opposed faction and their cabal; they discourage poets and musicians with a thousand contradictions, and slow the progress of sciences and arts by taking away opportunities for fruitful emulation and by narrowing the number of excellent masters for each person, according to his genre and genius, to model very good works on.
(IV) Les connaisseurs, ou ceux qui se croient tels, se donnent voix délibérative et décisive sur les spectacles, se cantonnent aussi, et se divisent en des partis contraires, dont chacun, poussé par un tout autre intérêt que par celui du public ou de l'équité, admire un certain poème ou une certaine musique, et siffle tout autre. Ils nuisent également, par cette chaleur à défendre leurs préventions, et à la faction opposée et à leur cabale; ils découragent par mille contradictions les poètes et les musiciens, retardent les progrès des sciences et des arts, en leur ôtant le fruit qu'ils pourraient tirer de l'émulation et de la liberté qu'auraient plusieurs excellents maîtres de faire, chacun dans leur genre et selon leur génie, de très bons ouvrages.
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(IV) How does it happen that people laugh so freely at the theatre, but are ashamed to cry there? Is it less natural to show tenderness for something pitiable than to break into laughter at something ridiculous? Is it the thought of how our features will change that holds us back? The change is greater during immoderate laughter than in the bitterest sadness, and people turn their faces away when they laugh just as when they cry in the presence of the nobility and of everyone they respect. Is it because it is painful to let people see that we are tender, that we have some weakness, especially for a play that isn't real, making us seem like a dupe? However, without citing the grave people or free-thinkers who find as much weakness in excessive laughter as in tears, and who guard themselves equally against both of them, what do people expect from a tragic scene? That it makes them laugh? Moreover, isn't the truth as vividly represented through images as in comedy? Doesn't it take something true in both genres to move someones soul? Is it that easy to satisfy someone? Isn't the appearance of reality still necessary? Since it is not rare to hear universal laughter raise itself above an entire amphitheater at some scene of a comedy, which presupposes that it was pleasant and very naively executed, the extreme violence that it takes people to hold back their tears, and the false laughter with which they try to hide it, clearly show that the natural effect of a great tragedy is to make someone cry in all frankness and along with other people, without any embarrassment in shedding tears, except to agree afterwards to abandon them, and to show that there is less reason to fear crying at the theatre than moping when you are not there.
(IV) D'où vient que l'on rit si librement au théâtre, et que l'on a honte d'y pleurer? Est-il moins dans la nature de s'attendrir sur le pitoyable que d'éclater sur le ridicule? Est-ce l'altération des traits qui nous retient? Elle est plus grande dans un ris immodéré que dans la plus amère douleur, et l'on détourne son visage pour rire comme pour pleurer en la présence des grands et de tous ceux que l'on respecte. Est-ce une peine que l'on sent à laisser voire que l'on est tendre, et à marquer quelque faiblesse, surtout en un sujet faux, et dont il semble que l'on soit la dupe? Mais sans citer les personnes grave ou les esprits forts qui trouvent du faible dans un ris excessif comme dans les pleurs, et qui se les défendent également, qu'attend-on d'une scène tragique? qu'elle fasse rire? Et d'ailleurs la vérité n'y règne-t-elle pas aussi vivement par ses images que dans le comique? l'âme ne va-t-elle pas jusqu'au vrai dans l'un et l'autre genre avant que de s'émouvoir? est-elle même si aisée à contenter? ne lui faut-il pas encore le vraisemblable? Comme donc ce n'est point une chose bizarre d'entendre s'élever de tout un amphithéâtre un ris universel sur quelque endroit d'une comédie, et que cela suppose au contraire qu'il est plaisant et très naïvement exécuté, aussi l'extrême violence que chacun se fait à contraindre ses larmes, et le mauvais ris dont on veut les couvrir prouvent clairement que l'effet naturel du grand tragique serait de pleurer tous franchement et de concert à la vue l'un de l'autre, et sans autre embarras que d'essuyer ses larmes, outre qu'après être convenu de s'y abandonner, on éprouverait encore qu'il y a souvent moins lieu de craindre de pleurer au théâtre que de s'y morfondre.
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(VI) A tragic poem wrings your heart as soon as it begins, it hardly leaves you the freedom to breathe or the time to compose yourself during the whole play, or if it gives you some respite, it is to plunge you into new abysses and new alarms. It gives you to terror through pity, or to pity through something terrible; it leads you through tears, through sobbing, through uncertainty, through hope, through fear, through surprises and through horror all the way to the final catastrophe. It is therefore not a weave of pretty feelings, of tender declarations, of galant scenes, of agreeable portraits, of sweet words, or sometimes even of amusing enough phrases to make people laugh, followed by a final scene where everyone loses their reason and goes into mutiny, and where, because it is customary, some blood is finally spilt, and some unhappy person loses his life.
(VI) Le poème tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer et le temps de vous remettre, ou s'il vous donne quelque relâche, c'est pour vous replonger dans de nouveaux abîmes et dans de nouvelles alarmes. Il vous conduit à la terreur par la pitié, ou réciproquement à la pitié par le terrible, vous mène par les larmes, par les sanglots, par l'incertitude, par l'espérance, par la crainte, par les surprises et par l'horreur jusqu'à la catastrophe. Ce n'est donc pas un tissu de jolis sentiment, de déclarations tendres, d'entretiens galants, de portraits agréables, de mots doucereux, ou quelquefois assez plaisant pour faire rire, suivi à la vérité d'une dernière scène où les mutins n'entendent aucune raison, et où, pour la bienséance, il y a enfin du sang répandu, et quelque malheureux à qui il en coûts la vie.
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(V) It is never enough that the mores in a play are not bad, they must even be decent and instructive. It is possible to put a fool there so low and crude, or even so tasteless and indifferent, that it is desirable neither for the poet to give him attention, nor for the spectators to distract themselves with him. A peasant or drunkard fits in some scenes of a farce; he only enters true comedy with difficulty: how could he be the foundation for the principle action of a comedy? "Such characters", people say, "are natural". Therefore, by this rule, one will soon occupy the whole amphitheatre with a lackey who whistles, with a patient in his bath robe, with a drunk who's sleeping or vomiting: what could be more natural? It belongs to an effeminate to get out of bed late, pass a part of the day at his toilette, look at himself in the mirror, perfume himself, decorate his beauty spot, receive invitations and make responses. Put this character into a scene. The longer it goes on, one act, two acts, the more it will be natural and conform to the original; but the more, too, it will be cold and insipid.
(V) Ce n'est point assez que les mœurs du théâtre ne soient point mauvaises, il faut encore qu'elles soient décentes et instructives. Il peut y avoir un ridicule si bas et si grossier, ou même si fade et si indifférent, qu'il n'est ni permit au poète d'y faire attention, ni possible aux spectateurs de s'en divertir. Le paysan ou l'ivrogne fournit quelques scènes à un farceur; il n'entre qu'a peine dans le vrai comique: comment pourrait-il faire le fond ou l'action principale de la comédie? « Ces caractères, dit-on, sont naturels. » Ainsi, par cette règle, on occupera bientôt tout l'amphithéâtre d'un laquais qui siffle, d'un malade dans sa garde-robe, d'un homme ivre qui dort ou qui vomit: y a-t-til rien de plus naturel? C'est le propre d'un efféminé de se lever tard, de passer une partie du jour à sa toilette, de se voir au miroir, de se parfumer, de se mettre des mouches, de recevoir des billets et d'y faire réponse. Mettez ce rôle sur la scène. Plus longtemps vous le ferez durer, un acte, deux actes, plus il sera naturel et conforme à son original; mais plus aussi il sera froid et insipide.
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(I) It seems that novels and plays can be as useful as harmful. There can be found in them such great examples of constancy, of virtue, of tenderness and of disinterestedness, such beautiful and such perfect characters, that when a young person glances around and only finds unworthy subjects treated that are far below those admirable ones, I am surprised that he has the least weakness for them.
(I) Il semble que le roman et la comédie pourraient être aussi utiles qu'ils sont nuisibles. L'on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse et de désintéressement, de si beaux et de si parfaits caractères, que quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l'entoure, ne trouvant que des sujets indignes et fort au-dessous de ce qu'elle vient d'admirer, je m'étonne qu'elle soit capable pour eux de la moindre faiblesse.
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(I) Corneille cannot be equaled in the places where he is excellent: there is an original and inimitable character in them; but he is uneven. His first comedies are dry, languid, and wouldn't make a person hope that he would later go so far; just as his last suprise a person that he was able to fall from such a height. In some of his best pieces, there are inexcusable faults against truth in peoples characters, a declamatory style that stops and slows the action, and negligence in his verses and expressions that a person cannot comprehend coming from such a great man. His most eminent quality was his esprit, which was sublime, to which he owed certain verses, the happiest that one has ever read, the conduct of his plays, in which he sometimes hazarded going against the rules of the ancients, and finally his denouements; because they are not always in the taste of the Greeks and their great simplicity: on the contrary, he liked to charge his scenes with events, which, however, he nearly always constructs successfully; he is especially admirable for the extreme variety and dissimilarity that can be found in the great number of poems that he composed. It seems that the plays of Racine are a little more similar and tend more towards the same thing; but Racine is even, sustained, always the same throughout, whether in the design and conduct of his pieces, which are just, steady, and founded in good sense and nature, which is seen in his verses, which are correct, rich in rhymes, elegant, numerous, and harmonious: an exact imitator of the ancients, whose neatness and simplicity of action he scrupulously followed; who still did not lack what is great and marvelous any more than Corneille, nor what is touching or has pathos. Where is there greater feeling than in The Cid, in Polyeucte and in the Horaces? What grandeur is missing from Mithridates, Porus and Burrhus? The favorite passions of the ancients, which their tragedians loved to excite in the theatre, and which are named terror and pity, were known by both of these poets. Orestes, in the Andromache of Racine, and Phèdre by the same author, like Oedipus and the Horaces of Corneille are the proof. However, if it is permissible to make some comparison between the two, and mark each by what is more properly his own and what more often shines in his works, perhaps one could speak thus: "Corneille submits us to his characters and ideas, Racine conforms to ours; the first paints men as they ought to be, the latter paints them as they are. In the first there are more things that one admires and ought to imitate; in the second there are more things that one sees in others or in oneself. The first elevates, amazes, masters, and instructs; the second pleases, stirs, touches, and penetrates. What is most beautiful, noble and imperious in reason is handled by the first; and by the second, what is most moving and delicate in passions. In the first there are maxims, rules and precepts; in the second, taste and feeling. A person is more occupied with the pieces of Corneille, and more shaken and softened by those of Racine. Corneille is more moral, Racine more natural. It seems that the one imitates Sophocles and the other owes more to Euripides".
(I) Corneille ne peut être égalé dans les endroits où il excelle: il a pour lors un caractère original et inimitable; mais il est inégal. Ses premières comédies sont sèches, languissantes, et ne laissaient pas espérer qu'il dût ensuite aller si loin; comme ses dernières font qu'on s'étonne qu'il ait pu tomber de si haut. Dans quelques-unes de ses meilleures pièces, il y a des fautes inexcusables contre les moeurs, un style de déclamateur qui arrête l'action et la fait languir, des négligences dans les vers et dans l'expression qu'on ne peut comprendre en un si grand homme. Ce qu'il y a eu en lui de plus éminent, c'est l'esprit, qu'il avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers, les plus heureux qu'on ait jamais lus ailleurs, de la conduite de son théâtre, qu'il a quelquefois hasardée contre les règles des anciens, et enfin de ses dénouements; car il ne s'est pas toujours assujetti au goût des Grecs et à leur grande simplicité: il a aimé au contraire à charger la scène d'événements dont il est presque toujours sorti avec succès; admirable surtout par l'extrême variété et le peu de rapport qui se trouve pour le dessein entre un si grand nombre de poèmes qu'il a composés. Il semble qu'il y ait plus de ressemblance dans ceux de Racine, et qui tendent un peu plus à une même chose; mais il est égal, soutenu, toujours le même partout, soit pour le dessein et la conduite de ses pièces, qui sont justes, régulières, prises dans le bon sens et dans la nature, soit pour la versification, qui est correcte, riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmonieuse: exact imitateur des anciens, dont il a suivi scrupuleusement la netteté et la simplicité de l'action; à qui le grand et le merveilleux n'ont pas même manqué, ainsi qu'à Corneille, ni le touchant ni le pathétique. Quelle plus grande tendresse que celle qui est répandue dans tout le Cid, dans Polyeucte et dans les Horaces? Quelle grandeur ne se remarque point en Mithridate, en Porus et en Burrhus? Ces passions encore favorites des anciens, que les tragiques aimaient à exciter sur les théâtres, et qu'on nomme la terreur et la pitié, ont été connues de ces deux poètes. Oreste, dans l'Andromaque de Racine, et Phèdre du même auteur, comme l'Oedipe et les Horaces de Corneille, en sont la preuve. Si cependant il est permis de faire entre eux quelque comparaison, et les marquer l'un et l'autre par ce qu'ils ont eu de plus propre et par ce qui éclate le plus ordinairement dans leurs ouvrages, peut-être qu'on pourrait parler ainsi: « Corneille nous assujetti à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres; celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu'ils sont. Il y a plus dans le premier de ce que l'on admire, et dew ce que l'on doit même imiter; il y a plus dans le second de ce que l'on reconnaît dans les autres, ou de ce que l'on éprouve dans soi-même. L'un élève, étonne, maîtrise, instruit; l'autre plaît, remue, touche, pénètre. Ce qu'il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison, est manié par le premier; et par l'autre, ce qu'il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion. Ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes; et dans celui-ci du goût et des sentiments. L'on est plus occupé aux pièces de Corneille; l'on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine. Corneille est plus moral, Racine plus naturel. Il semble que l'un imite Sophocle, et que l'autre doit plus à Euripide ».
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(I) The people call eloquence the ability to speak alone for a long time, accompanied by passionate gestures, vocal splendor, and strong lungs. Pedants only allow it to be in oratorical speeches, and make no distinction between it and overcrowded figurative speech, the use of grand words and rounded periods.
(I) It seems that logic is the art of convincing people of some truth, and eloquence is a gift of the soul that renders us masters of the heart and spirit of others, that makes us inspire or persuade them to anything we like.
(I) Eloquence can be found in negotiations and in every genre of writing. It is rarely where one looks for it, and is sometimes where one doesn't look for it at all.
(IV) Eloquence is to sublimity what the whole is to its part.
(IV) What is sublimity? It seems that people haven't defined it. Is it a figure? Is it born from figures, or at least from some of them? Does every genre of writing have examples of sublimity, or are only great subjects capable of it? Does it shine in eclogues as anything other than beautiful naturalness, or in familiar letters and conversations as anything other than great tactfulness? Or rather, is naturalness and tactfulness the sublimity of the works that they make perfect? What is sublimity? Where does it come from?
(IV) Synonyms are different words or many different phrases that mean the same thing. Antitheses are opposite truths that spread light on each other. Metaphors or comparisons lend something foreign a sensible and natural image of truth. Hyperbole goes beyond the truth in order to make a persons spirit recognize it better. The sublime only paints the truth, but in a noble subject; it paints it completely, in its cause and effect; it is the most worthy expression or image of this truth. People with mediocre esprit never find the right expression and they use synonyms. Young people are dazzled by the brilliance of antitheses and use them. People with a just understanding, who love to use precise images, naturally use comparisons and metaphors. Lively spirits that are full of fire and a vast imagination that carries them beyond rules and justice cannot help but gratify hyperbole. As for the sublime, even among great geniuses, only the most elevated are capable of it.
(I) Le peuple appelle éloquence la facilité que quelque-uns ont de parler seuls et longtemps, jointe à l'emportement du geste, à l'éclat de la voix, et à la force des poumons. Les pédants ne l'admettent aussi que dans le discours oratoire, et ne la distinguent pas de l'entassement des figures, de l'usage des grands mots, et de la rondeur des périodes.
(I) Il semble que la logique est l'art de convaincre de quelque vérité; et l'éloquence un don de l'âme, lequel nous rend maîtres du coeur et de l'esprit des autres; qui fait que nous leur inspirons ou que nous leur persuadons tout ce qui nous plaît.
(I) L'éloquence peut se trouver dans les entretiens et dans tout genre d'écrire. Elle est rarement où on la cherche, et elle est quelquefois où on ne la cherche point.
(IV) L'éloquence est au sublime ce que le tout est à sa partie.
(IV) Qu'est-ce que le sublime? Il ne paraît pas qu'on l'ait défini. Est-ce une figure? Naît-il des figures, ou du moins de quelques figures? Tout genre d'écrire reçoit-il le sublime, ou s'il n'y a que les grands sujets qui en soient capables? Peut-il briller aurtre chose dans l'églogue qu'un beau naturel, et dans les lettre familières comme dans les conversations qu'une grande délicatesse? ou plutôt le naturel et le délicat ne sont-ils pas le sublime des ouvrages dont ils font la perfection? Qu'est-ce que le sublime? Où entre le sublime?
(IV) Les synonymes sont plusieurs dictions ou plusieurs phrases différentes qui signifient une même chose. L'antithèse est une opposition de deux vérités qui se donnent du jour l'une à l'autre. La métaphore ou la comparaison emprunte d'une chose étrangère une image sensible et naturelle d'une vérité. L'hyperbole exprime au delà de la vérité pour ramener l'esprit à la mieux connaître. Le sublime ne peint que la vérité, mais en un sujet noble; il la peint tout entière, dans sa cause et dans son effet; il est l'expression ou l'image la plus digne de cette vérité. Les esprits médiocres ne trouvent point l'unique expression, et usent de synonymes. Les jeunes gens sont éblouis de l'éclat de l'antithèse, et s'en servent. Les esprits justes, et qui aiment à faire des images qui soient précises, donnent naturellement dans la comparaison et la métaphore. Les esprits vifs, pleins de feu, et qu'une vaste imagination emporte hors des règles et de la justesse, ne peuvent s'assouvir de l'hyperbole. Pour le sublime, il n'y a, même entre les grands génies, que les plus élevés qui en soient capables.
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(VII) Each writer, to write neatly, must put himself in the place of his readers, examine his own work as though it were something new that he is reading for the first time, in which he has had no part and which the author has submitted to him for a critique, and persuade himself that he is not only understood because he understands himself, but because he is in fact intelligible.
(VII) Tout écrivain, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs, examiner son propre ouvrage comme quelque chose qui lui est nouveau, qu'il lit pour la première fois, où il n'a nulle part, et que l'auteur aurait soumis à sa critique; et se persuader ensuite qu'on n'est pas entendu seulement à cause que l'on s'entend soi-même, mais parce qu'on est en effect intelligible.
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(IV) One only writes to be understood, but it's at least necessary in writing to make beautiful things understood. A person must have pure diction and use words that are proper, it's true; but it's necessary that such fitting terms explain noble, lively, solid thoughts, and reinforce a very beautiful meaning. It makes bad use of purety and clarity of speaking, to pair them with an arid, unfruitful subject, without interest, without use, without novelty. How does it help readers to understand easily and without trouble frivolous and puerile things, sometimes tasteless and common, and to be less uncertain of the thought of an author than annoyed with having read it? If a person puts some profundity in his writing, if he affects a subtlety of expression and sometimes a too great refinement, it is only because of the good opinion that he has of his readers.
(IV) L'on n'écrit que pour être entendu; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choses. L'on doit avoir une diction pure, et user de termes qui soient propres, il est vrai; mais il faut que ces termes si propres expriment des pensées nobles, vives, solides, et qui renferment un très beau sens. C'est faire de la pureté et de la clarté du discours un mauvais usage que de les faire servir à une matière aride, infructueuse, qui est sans sel, sans utilité, sans nouveauté. Que sert aux lecteurs de comprendre aisément et sans peine des choses frivoles et puériles, quelquefois fades et communes, et d'être moins incertains de la pensée d'un auteur qu'ennuyés de son ouvrage? Si l'on jette quelque profondeur dans certains écrits, si l'on affecte un finesse de tour, et quelquefois une trop grande délicatesse, ce n'est que par la bonne opinion qu'on a de ses lecteurs.
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(IV) A person has to wipe away this inconvenience when he reads works made by people who belong to a party or cabal, that he does not always find the truth in them. Facts are disguised, the opposing sides reasons are not reported in all their force, nor with precision; and, what requires the most patience, he has to read a great number of bitter and injurious words said by serious men, who make a personal quarrel out of the contested points of a doctrine. These works are peculiar in that they merit neither the prodigious success that they have for a certain time, nor the profound oblivion that they fall into when, the fire of the party division becoming extinguished, they become almanachs of a previous year.
(IV) L'on a cette incommodité à essuyer dans la lecture des livres faits par des gens de parti et de cabale, que l'on n'y voit pas toujours la vérité. Les faits y sont déguisés, les raisons réciproques n'y sont point rapportées dans toute leur force, ni avec une entière exactitude; et, ce qui use la plus longue patience, il faut lire un grand nombre de termes durs et injurieux que se disent des hommes graves, qui d'un point de doctrine ou d'un fait contesté se font une querelle personnelle. Ces ouvrages ont cela de particulier qu'ils ne méritent ni le cours prodigieux qu'ils ont pendant un certain temps, ni le profond oubli où ils tombent lorsque, le feu et la division venant à s'éteindre, ils deviennent des almanachs de l'autre année.
59
(VII) The glory or merit of certain men is to write well; and that of some others is not to write at all.
(VII) La gloire ou le mérite de certains hommes est de bien écrire; et de quelques autres, c'est de n'écrire point.
60
(IV) A person writes regularly for twenty years; he slaves at the art of construction; he enriches his language with new words, shakes off the yoke of latinizing and reduces his style to a phrase that is purely french; he nearly gains the tones that were first discovered by Malherbe and Balzac, and that so many authors after them have lost; he finally puts all the order and neatness that he is capable of into his speech: all this imperceptibly lends esprit to his works.
(IV) L'on écrit régulièrement depuis vingt années; l'on est esclave de la construction; l'on a enrichi la langue de nouveaux mots, secoué le joug du latinisme, et réduit le style à la phrase purement française; l'on a presque retrouvé le nombre que Malherbe et Balzac avaient les premiers rencontré, et que tant d'auteurs depuis eux ont laissé perdre; l'on a mis enfin dans le discours tout l'ordre et toute la netteté dont il est capable: cela conduit insensiblement à y mettre de l'esprit.
61
(IV) There are certain craftsmen and skilled people whose esprit is as vast as the art or science that they profess; everything, all of the principles that they learned from it, they give back with advantage through their genius and invention; they go beyond their art in order to ennoble it, they set aside rules when they do not lead them to what is great or sublime; they walk alone and without company, but they go very far and see very deeply, always sure and upheld by the successful advantages that sometimes come from irregularity. People with spirits that are just, peaceful, and moderate not only do not reach them, do not admire them, but they don't comprehend them at all, and are even less inclined to imitate them; they tranquilly stay in what belongs to their sphere and go only to a certain point that marks the limits of their capacity and insight; they do not go further because they don't see that there is anything beyond those limits; they can at most be the best of a second class, and excel at something mediocre.
(IV) Il y a des artisans ou des habiles dont l'esprit est aussi vaste que l'art ou la science qu'ils professent; ils lui rendent avec avantage, par le génie et par l'invention, ce qu'ils tiennent d'elle et de ses principes; ils sortent de l'art pour l'ennoblir, s'écartent des règles si elles ne les conduisent pas au grand et au sublime; ils marchent seuls et sans compagnie, mais ils vont fort haut et pénètrent fort loin, toujours sûrs et confirmés par le succès des avantages que l'on tire quelquefois de l'irrégularité. Les esprits justes, doux, modérés, non seulement ne les atteignent pas, ne les admirent pas, mais ils ne les comprennent point, et voudraient encore moins les imiter; ils demeurent tranquilles dans l'étendue de leur sphère, vont jusque à un certain point qui fait les bornes de leur capacité et de leurs lumières; ils ne vont pas plus loin, parce qu'ils ne voient rien au delà; ils ne peuvent au plus qu'être les premiers d'une seconde classe, et exceller dans le médiocre.
62
(V) There are, if I dare say it, inferior and subordinate spirits who seem to be made only to collect, register and store all the productions of other geniuses: they are plagiarists, translators and compilers; they do not think at all, they say what authors have thought; and since the ability to distinguish and choose between thoughts requires invention, they do so badly, with little justice, in a way that shows they rather bring many things together than excellent ones; they have nothing original that belongs to them; they only know what they have learned and have only learned what no one wants to know, an arid science, devoid of charm and utility, which is never mentioned in conversation, which is out of use, like a money that has no currency at all: one is at once amazed at what they have read and annoyed or bored by what they say and the works they write. People in power and people who are vulgar confound them with savants, and people who are wise recognize them as pedants.
(V) Il y a des esprits, si je l'ose dire, inférieurs et subalternes, qui ne semblent faits que pour être le recueil, le registre, ou le magasin de toutes les productions des autres génies: ils sont plagiaires, traducteurs, compilateurs; ils ne pensent point, ils disent ce que les auteurs ont pensé; et comme le choix des pensées est invention, ils l'ont mauvais, peu juste, et qui les détermine plutôt à rapporter beaucoup de choses, que d'excellentes choses; ils n'ont rien d'original et qui soit à eux; ils ne savent que ce qu'ils ont appris, et ils n'apprennent que ce que tout le monde veut bien ignorer, une science aride, dénuée d'agrément et d'utilité, qui ne tombe point dans la conversation, qui est hors de commerce, semblable à une monnaie qui n'a point de cours: on est tout à la fois étonné de leur lecture et ennuyé de leur entretien ou de leurs ouvrages. Ce sont ceux que les grands et le vulgaire confondent avec les savants, et que les sagess renvoient au pédantisme.
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(VII) Criticism often isn't a science; it is a trade that requires more soundness than esprit, more work than capacity and more cleverness than genius. If a man who has more erudition than discernment becomes a critic, and exercises himself on certain works, he corrupts both readers and writers.
(VII) La critique souvent n'est pas une science; c'est un métier, où il faut plus de santé que d'esprit, plus de travail que de capacité, plus d'habitude que de génie. Si elle vient d'un homme qui ait moins de discernement que de lecture, et qu'elle s'exerce sur de certains chapitres, elle corrompt et les lecteurs et l'écrivain.
64
(VI) I counsel an author who was born a copyist, and who has the extreme modesty to work after someone, to only choose for models those sorts of works that have esprit, imagination, or even erudition: if he does not achieve the same height as the originals, at least he will approach it and get himself read. He must, on the other hand, avoid as he would a reef wanting to imitate people who write according to their humour, whose feelings make them talk and inspire their words and figures of speech and who, so to say, draw everything that they explain on paper from their bosom: dangerous models who are very fit to make anyone frigid, base and ridiculous who would try to follow them. In effect, I would laugh at a man who seriously wanted to speak with the sound of my voice or have a face that resembled mine.
(VI) Je conseille à un auteur né copiste, et qui a l'extrême modestie de travailler d'après quelqu'un, de ne se choisir pour exemplaires que ces sortes d; ouvrages où il entre de l'esprit, de l'imagination, ou même de l'érudition: s'il n'atteint pas ses originaux, du moins il en approche, et il se fait lire. Il doit au contraire éviter comme un écueil de vouloir imiter ceux qui écrivent par humeur, que le coeur fait parler, à qui il inspire els termes et les figures, et qui tirent, pour ainsi dire, de leurs entrailles tout ce qu'ils expriment sur le papier: dangereux modèles et tout propres à faire tomber dans le froid, dans le bas et dans le ridicule ceux qui s'ingèrent de les suivre. En effet, je rirais d'un homme qui voudrait sérieusement parler mon ton de voix, ou me ressembler de visage.
65
(I) A man who was born Christian and French finds himself restricted to writing satire: great subjects are forbidden him; he embarks on them sometimes and then turns away toward little things, which he can elevate by the beauty of his genius and style.
(I) Un homme né chrétien et Français se trouve contraint dans la satire; les grands sujets lui sont défendus: il les entame quelquefois, et se détourne ensuite sur de petites choses, qu'il relève par la beauté de son génie et de son style.
66
(I) One must avoid a vain and puerile style, out of fear of resembling Dorilas and Handburg: in a certain type of writing, however, one can risk certain expressions, use transposed words that paint a lively picture and feel sorry for people who do not feel the pleasure of using or understanding them.
(I) Il faut éviter le style vain et puéril, de peur de ressembler à Dorilas et Handburg: l'on peut au contraire en une sorte d'écrits hasarder de certaines expressions, user de termes transposés et qui peignent vivement, et plaindre ceux qui ne sentent pas le plaisir qu'il y a à s'en servir ou à les entendre.
67
(I) A person who has regard in writing only to the taste of his century thinks more of his person than of his writings: it is always necessary to reach for what is perfect; the justice that is sometimes refused us by our contemporaries will be offered to us by posterity.
(I) Celui qui n'a égard en écrivant qu'au goût de son siècle songe plus à sa personne qu'à ses écrits: il faut toujours tendre à la perfection, et alors cette justice qui nous est quelquefois refusée par nos contemporains, la postérité sait nous la rendre.
68
(I) It's necessary never to find something ridiculous that isn't at all: this spoils taste and corrupts the judgment of oneself and others; but it is necessary to discern something that is genuinely ridiculous, note it with grace and in a manner that is pleasant and instructive.
(I) Il ne faut point mettre un ridicule où il n'y en a point: c'est se gâter le goût, c'est corrompre sont jugement et celui des autres; mais le ridicule qui est quelque par, il faut l'y voir, l'en tirer avec grâce, et d'une manière qui plaise et qui instruise.
69
(I) Horace or Despréaux said that before you. - I believe it on your word; but I have said it as mine. Am I not able to think something true after them, something that others will think again after me?
(I) Horace ou Despréaux l'a dit avant vous. - Je le crois sur votre parole; mais je l'ai dit comme mien. Ne puis-je pas penser après eux une chose vraie, et que d'autres encore penseront après moi?
On personal merit
Du mérite personnel
1
(I) Who can, with the rarest talents and the most excellent merit, help being convinced of his uselessness, when he considers that when he dies he leaves a world that does not feel his loss, and where so many people are found to replace him?
(I) Qui peut, avec les plus rares talents et le plus excellent mérite, n'être pas convaincu de son inutilité, quand il considère qu'il laisse en mourant un monde qui ne se sent pas de sa perte, et où tant de gens se trouvent pour le remplacer?
2
(I) Only the name of many people is worth something. When you see them up close, they are less than nothing; from far away they are imposing.
(I) De bien des gens il n'y a que le nom qui vale quelque chose. Quand vous les voyez de fort près, c'est moins que rien; de loin ils imposent.
3
(VI) As persuaded as I am that the people who are chosen for different jobs, each according to his genius and profession, do well, I dare say that there are many people in the world, known or unknown, who are not employed and who would also do very well; and I am lead to this feeling by the marvelous success of certain people whom chance alone gave positions, and from whom no one had expected very great things until then.
(I) How many admirable men, who had very beautiful spirits, are dead and are not spoken of! How many are still living whom people never speak about and never will!
(VI) Tout persuadé que je suis que ceux que l'on choisit pour de différents emplois, chacun selon son génie et sa profession, font bien, je me hasarde de dire qu'il se peut faire qu'il y ait au monde plusieurs personnes, connues ou inconnues, que l'on n'emploie pas, qui feraient très bien; et je suis induit à ce sentiment par le merveilleux succès de certaines gens que le hasard seul a placés, et de qui jusques alors on n'avait pas attendu de fort grandes choses.
(I) Combien d'hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts sans qu'on en ait parlé! Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont on ne parlera jamais!
4
(I) How horribly difficult for a man who has no eulogist and is part of no cabal, who does not belong to any clique, but who is alone, and who only has a great deal of merit to recommend him, to break through the obscurity that he finds himself in and to reach the level of a conceited fool who has influence!
(I) Quelle horrible peine a un homme qui est sans prôneurs et sans cabale, qui n'est engagé dans aucun corps, mais qui est seul, et qui n'a que beaucoup de mérite pour toute recommandation, de se faire jour à travers l'obscurité où il se trouve, et de venir au niveau d'un fat qui est en crédit!
5
(I) Nearly no one notices the merit of someone else unless it is pointed out to him.
Men are too occupied with themselves to have enough leisure to see into or discern others; it is for this reason that with very much merit and even more modesty a man can be ignored for a long time.
(I) Personne presque ne s'avise de lui-même du mérite d'un autre.
Les hommes sont trop occupés d'eux-mêmes pour avoir le loisir de pénétrer ou de discerner les autres; de là vient qu'avec un grand mérite et une plus grande modestie l'on peut être longtemps ignoré.
6
(I) Genius and great talents often are wanting, but sometimes only opportunities to use them; some people can be praised for what they have done and others for what they would have done.
(I) Le génie et les grands talents manquent souvent, quelquefois aussi les seules occasions: tels peuvent être loués de ce qu'ils ont fait, et tels de ce qu'ils auraient fait.
7
(IV) It is not as rare to find intelligence as to find people who use it, or who value the intelligence of others and put that to use.
(IV) Il est moins rare de trouver de l'esprit que de gens qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des autres et le mettent à quelque usage.
8
(VI) There are more tools than craftsmen, and of the latter there are more bad than excellent ones; what do you think of someone who wants to use a plane to saw, and his saw to plane?
(VI) Il y a plus d'outils que d'ouvriers, et de ces derniers plus de mauvais que d'excellents; que pensez-vous de celui qui veut scier avec un rabot, et qui prend sa scie pour raboter?
9
(I) There is no more troublesome task in the world than that of making a great name: a persons life comes to an end before he has hardly sketched his work.
(I) Il n'y a point au monde un si pénible métier que celui de se faire un grand nom: la vie s'achève que l'on a à peine ébauché son ouvrage.
10
(V) What does Égésippe do, who is asking for employment? Should he be put in finances or the army? This is indifferent, and only self-interest should decide; because he is as capable of managing money, or of keeping records, as of carrying arms. "He is fit for everything", his friends say, which means that he has no more talent for one thing than for another, or in other terms, that he isn't fit for anything. Thus, most men who were only occupied with themselves when they were young, corrupted by laziness or pleasure, falsely believe when they are older that it is enough for them to be useless or indigent for the republic to help and employ them; and they rarely profit from this very important lesson, that men must use the first years of their life to become, with their study and work, such that the republic needs their industry and insight, that they become a necessary part of the whole edifice, and that the state finds it in its own advantage to make their fortune or to increase it.
We must work toward making ourselves very worthy of some office: the rest does not concern us, it is the affair of others.
(V) Que faire d'Égésippe, qui demande un emploi? Le mettra-t-on dans les finances, ou dans les troupes? Cela est indifférent, et il faut que ce soit l'intérêt seul qui en décide; car il est aussi capable de manier de l'argent, ou de dresser des comptes, que de porter les armes. « Il est propre à tout », disent ses amis, ce qui signifie toujours qu'il n'a pas plus de talent pour une chose que pour une autre, ou en d'autres termes, qu'il n'est propre à rien. Ainsi la plupart des hommes occupés d'eux seuls dans leur jeunesse, corrompus par la paresse ou par le plaisir, croient faussement dans un âge plus avancé qu'il leur suffit d'être inutiles ou dans l'indigence, afin que la république soit engagée à les placer ou à les secourir; et ils profitent rarement de cette leçon si importante, que les hommes devraient employer les premières années de leur vie à devenir tels par leurs études et par leur travail que la république elle-même eût besoin de leur industrie et de leurs lumières, qu'ils fussent comme une pièce nécessaire à tout son édifice, et qu'elle se trouvât portée par ses propres avantages à faire leur fortune ou à l'embellir.
Nous devons travailler à nous rendre très dignes de quelque emploi: le reste ne nous regarde point, c'est l'affaire des autres.
11
(VII) To obtain ones value in a way that does not depend on others, but on oneself alone, or to renounce obtaining recognized value: an inestimable maxim that is infinitely useful in practice, to the weak, to the virtuous, to people who have esprit, that makes them masters of their fortune and repose: pernicious for rulers, whose courts diminish, or rather the numbers of whose slaves lessen, which takes their haughtiness away along with some of their authority, and nearly reduces them to their desserts and personal staff; which deprives them of the pleasure they feel when being begged, pressed, solicited, in making people wait or in refusing something to them, in promising things to people and in not giving them; which crosses the taste they sometimes have for showing fools favor and in destroying merit when they discern it; which banishes intrigue, cabal, badly held offices, baseness, flattery, and deception from courts; which would turn a tempestuous court that is full of movement and intrigue into a comedy or even a tragedy, of which wise people would only be the spectators; which gives dignity back to the different conditions of men, and serenity to their faces; which extends their liberty; which reawakens in them, along with natural talents, the habit of work and exercise; which excites them to emulation, to the desire for glory, to love of virtue; which, instead of vile, anxious, and useless courtiers who are often harmful to the republic, makes wise housekeepers or excellent fathers of families, or honest judges, or good officers, or great captains, or orators, or philosophers; and which gives people no other inconvenience than perhaps leaving their descendants fewer treasures than good examples.
(VII) Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi seul, ou renoncer à se faire valoir: maxime inestimable et d'une ressource infinie dans la pratique, utile aux faibles, aux vertueux, à ceux qui ont de l'esprit, qu'elle rend maîtres de leur fortune ou de leur repos: pernicieuse pour les grands, qui diminuerait leur cour, ou plutôt le nombre de leurs esclaves, qui ferait tomber leur morgue avec une partie de leur autorité, et les réduirait presque à leurs entremets et à leurs équipage; qui les priverait du plaisir qu'ils sentent à se faire prier, presser, solliciter, à faire attendre ou à refuser, à promettre et à ne pas donner; qui les traverserait dans le goût qu'ils ont quelquefois à mettre les sots un vue et à anéantir le mérite quand il leur arrive de le discerner; qui bannirait des cours les brigues, les cabales, les mauvais offices, la bassesse, la flatterie, la fourberie; qui ferait d'une cour orageuse, pleine de mouvements et d'intrigues, comme une pièce comique ou même tragique, dont les sages ne seraient que les spectateurs; qui remettrait de la dignité dans les différentes conditions des hommes, de la sérénité sur leurs visages; qui étendrait leur liberté; qui réveillerait en eux, avec les talents naturels, l'habitude du travail et de l'exercice; qui les exciterait à l'émulation, au désir de la gloire, à l'amour de la vertu; qui, au lieu de courtisans vils, inquiets, inutiles, souvent onéreux à la république, en ferait ou de sages économes, ou d'excellents pères de famille, ou des juges intègres, ou de bons officiers, ou de grands capitaines, ou des orateurs, ou des philosophes; et qui ne leur attirerait à tout nul autre inconvénient, que celui peut-être de laisser à leurs héritiers moins de trésors que de bons exemples.
12
(I) Very much firmness and a great scope of spirit is needed for a person in France to do without offices and employment and to consent to stay at his home and not do anything. Nearly no one has enough merit to fill this role worthily, nor enough profundity to prevent his life from seeming empty without what vulgar people call business. However, the leisure of someone who is wise only lacks a better name; someone who calls meditating, speaking, reading, and being tranquil his work.
(I) Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d'esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, et à rien faire. Personne presque n'a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l'oisivité du sage qu'un meilleur nom, et que méditer, parler, lire, et être tranquille s'appelât travailler.
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(I) A man with merit is never inconvenienced by his vanity; he is even less stunned by his place in society than he is humiliated by the place he doesn't have and that he believes he is worthy of: more ready to worry over than to be proud or scornful toward others, he only allows things to be weighed by himself.
(I) Un homme de mérite, et qui est en place, n'est jamais incommode par sa vanité; il s'étourdit moins du poste qu'il occupe qu'il n'est humilié par un plus grand qu'il ne remplit pas et dont il se croit digne: plus capable d'inquiétude que de fierté ou de mépris pour les autres, il ne pèse qu'à soi-même.
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(IV) It takes effort for a man with merit to assiduously do his courting, but for a very opposed reason than people would think: he does not do so without very great modesty, which keeps him from thinking that he gives the least pleasure to the princes he walks before, stands in front of, and shows his face to: he is closer to being persuaded that he is importuning them, and he needs every customary reason and a reminder of his duty to make him resolve to present himself. Someone who, on the contrary, has a good opinion of himself and who vulgar people call glorious, likes to present himself and does his courting with much more confidence than ability to imagine that the rulers who see him think differently about him than he thinks about himself.
(IV) Il coûte à un homme de mérite de faire assidûment sa cour, mais par une raison bien opposée à celle que l'on pourrait croire: il n'est point tel sans une grande modestie, qui l'éloigne de penser qu'il fasse le moindre plaisir aux princes s'il se trouve sur leur passage, se poste devant leurs yeux, et leur montre son visage: il est plus proche de se persuader qu'il les importune, et il a besoin de toutes les raisons tirées de l'usage et de son devoir pour se résoudre à se montrer. Celui au contraire qui a bonne opinion de soi, et que le vulgaire appelle un glorieux, a du goût à se faire voir, et il fait sa cour avec d'autant plus de confiance qu'il est incapable de s'imaginer que les grands dont il est vu pensent autrement de sa personne qu'il fait lui-même.
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(I) An honest man is satisfied with applying his hands to his duty, with the pleasure that he feels in doing it, and doesn't concern himself with praises, esteem, and gratitude, which are sometimes not given to him.
(I) Un honnête homme se paye par ses mains de l'application qu'il a à son devoir par le plaisir qu'il sent à le faire, et se désintéresse sur les éloges, l'estime et la reconnaissance qui lui manquent quelquefois.
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(I) If I dared to make a completely unequal comparison, I would say that a man with heart thinks about doing what he must a little like a roofer thinks about covering roofs: neither the one nor the other think about exposing their life to danger, nor are they deterred by peril; death is for them something inconvenient to their task, and is never an obstacle. Also, the first is hardly more vain after having sketched out his work or carrying it to completion, than the second is after having ascended high towers or the point of a steeple. They both only concern themselves with doing something well, while a braggart works only so that people will say that he did something well.
(I) Si j'osais faire une comparaison entre deux conditions tout à fait inégales, je dirais qu'un homme de coeur pense à remplir ses devoirs à peu près comme le couvreur songe à couvrir: ni l'un ni l'autre ne cherchent à exposer leur vie, ni ne sont détournés par le péril; la mort pour eux est un inconvénient dans le métier, et jamais un obstacle. Le premier aussi n'est guère plus vain d'avoir paru à la tranchée, emporté un ouvrage ou forcé un retranchement, que celui-ci d'avoir monté sur de hauts combles ou sur la pointe d'un clocher. Ils ne sont tous deux appliqués qu'à bien faire, pendant que le fanfaron travaille à ce que l'on dise de lui qu'il a bien fait.
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(VIII) Modesty is to merit what shadows are to figures in a painting: they give them strength and relief.
A simple exterior is meant for vulgar men, it was designed for them and their needs; but it is an ornament for people who have filled their life with great actions: I would compare such people to a beautiful woman who is not known to others, but who is only more attractive for that.
Certain men who are content with themselves because of some action that has succeeded fairly well for them and who have heard that modesty is well suited to great men, dare to be modest and counterfeit simpleness and naturalness: similar to people of average height who lower themselves when they walk through doorways out of fear of hurting themselves.
(VIII) La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau: elle lui donne de la force et du relief.
Un extérieur simple est l'habit des homme vulgaires, il est taillé pour eux et sur leur mesure; mais c'est une parure pour ceux qui ont rempli leur vie de grandes actions: je les compare à une beauté négligée, mais plus piquante.
Certains hommes, contents d'eux-mêmes, de quelque action ou de quelque ouvrage qui ne leur a pas mal réussi, et ayant ouï dire que la modestie sied bien aux grands hommes, osent être modestes, contrefont les simples et les naturels: semblables à ces gens d'une taille médiocre qui se baissent aux portes, de peur de se heurter.
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(VI) Your son stutters: do not have him speak in the forum. Your daughter was born for society: do not close her up among vestals [ http://en.wikipedia.org/wiki/Vestal_Virgin ]. Xanthus, your freedman, is weak and timid: don't delay, take him out of the legions and military. "I want to advance him", you say. Cover him with wealth, overload him with lands, titles and possessions; save your time; we live in a century where such things will do him more honor than virtue. "It will cost me too much", you add. Are you speaking seriously, Crassus? Do you think that a single drop of water drawn from the Tiber will enrich the Xanthus that you love, and prevent the embarrassing consequences that come from him being in a position that he isn't meant for?
(VI) Votre fils est bègue: ne le faites pas monter sur le tribune. Votre fille est née pour le monde: ne l'enfermez pas parmi les vestales. Xanthus, votre affranchi, est faible et timide: ne différez pas, retirez-le des légions et de la milice. « Je veux l'avancer. », dites-vous. Comblez-le de biens, surchargez-le de terres, de titres et de possessions; servez-vous du temps; nous vivons dans un siècle où elles lui feront plus d'honneur que la vertu. « Il m'en coûterait trop », ajoutez-vous, Parlez-vous sérieusement, Crassus? Songez-vous que c'est une goutte d'eau que vous puisez du Tibre pour enricher Xanthus que vous aimez, et pour prévenir les honteuses suites d'un engagement où il n'est pas propre?
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(IV) It is only necessary to look for that one virtue in our friends that attaches us to them, without examining their good or bad fortune; and when we feel capable of standing by them in their disgrace, we must boldly and confidently cultivate their friendship even in their greatest prosperity.
(IV) Il ne faut regarder dans ses amis que la seule vertu qui nous attache à eux, sans aucun examen de leur bonne ou de leur mauvaise fortune; et quand on se sent capable de les suivre dans leur disgrâce, il faut les cultiver hardiment et avec confiance jusque dans leur plus grande prospérité.
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(IV) If it is common to be very touched by rare things, why do we have so little virtue?
(IV) S'il est ordinaire d'être vivement touché des choses rares, pourqoui le sommes-nous si peu de la vertu?
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(IV) If it is fortunate to be of high birth, it is not less so to be such that no one asks any more whether you are.
(IV) S'il est heureux d'avoir de la naissance, il ne l'est pas moins d'être tel qu'on ne s'informe plus si vous en avez.
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(V) Sometimes men appear on earth who are rare and exquisite; who shine with their virtue, and whose eminent qualities give off a tremendous luster. Similar to those extraordinary stars whose presence one cannot explain, and whose fate one knows even less after they disappear, they have neither ancestors nor descendants: they are the only members of their race.
(V) Il apparaît de temps en temps sur la surface de la terre des hommes rares, exquis, qui brillent par leu vertu, et dont les qualités éminentes jettent un éclat prodigieux. Semblable à ces étoiles extraordinaires dont on ignore les causes, et dont on sait encore moins ce qu'elles deviennent après avoir disparu, ils n'ont ni aïeuls, ni descendants: ils composent seuls toute leur race.
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(IV) Our best spirit discovers our duty, our promise to do it, and if there is danger, then with danger: it inspires courage, or it supplies it.
(IV) Le bon esprit nous découvre notre devoir, notre engagement à le faire, et s'il y a du péril, avec péril: il inspire le courage, ou il y supplée.
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(I) When a person excels in his art and gives it all the perfection that it is capable of, he leaves it behind in a way, and becomes something more noble and elevated. V** is a painter, C** is a musician, and the author of Pyramus is a poet; but Mignard is Mignard, Lully is Lully, and Corneille is Corneille.
(I) Quand on excelle dans son art, et qu'on lui donne toute la perfection dont il est capable, l'on en sort en quelque manière, et l'on s'égale à ce qu'il y a de plus noble et de plus relevé. V** est un peintre, C** un musicien, et l'auteur de Pyrame est un poète; mais Mignard est Mignard, Lully est Lully, et Corneille est Corneille.
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(I) A man who is free and does not have a wife, if he has some esprit, can lift himself above his fortune, mix in society and become a peer of the noblest men. This is more difficult for someone who is engaged: it seems that marriage puts everyone in his place.
(I) Un homme libre, et qui n'a point de femme, s'il a quelque esprit, peut s'élever au-dessus de sa fortune, se mêler dans le monde, et aller de pair avec les plus honnêtes gens. Cela est moins facile à celui qui est engagé: il semble que le mariage met tout le monde dans son ordre.
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(IV) Once a person can't achieve personal merit, he has to get people to admit that he has it, with the eminent dignities and great titles with which men become so distinguished and brilliant; and someone who can't be an Erasmus has to think about becoming a bishop. Some people, to extend their fame, surround themselves with Peers, the collars of various Orders, the Primaries, purple robes, and they would need a tiara; but what need does Trophime have of being a cardinal?
(IV) Après le mérite personnel, il faut l'avouer, ce sont les éminentes dignités et les grands titres dont les hommes tirent plus de distinction et plus d'éclat; et qui ne sait être un Érasme doit penser à être un évêque. Quelques-uns, pour étendre leur renommée, entassent sur leurs personnes des pairies, des colliers d'ordre, des primaties, la pourpre, et ils auraient besoin d'une tiare; mais quel besoin a Trophime d'être cardinal?
27
(V) Gold sparkles, you say, on the clothes of Philemon. - It sparkles just the same in the jewelry shop. - He is wearing the most beautiful fabrics. - Are they displayed less in the boutiques and on the stage? - But the embroidery and the ornaments add his more magnificence. - Therefore, I praise the work of his craftsmen. - If one asks him what time it is, he takes out a watch that's a masterpiece; the guard on his sword is made of silver; he has a diamond on each finger that would blind your eyes and is perfect; he doesn't lack any of those curiosities that a person carries with them as much for vanity as for use, and he wouldn't refuse any sort of pearls any more than a young man who just married a rich old woman. - You have finally made me curious; it's necessary to at least see so many things that are so precious. Send me the clothes and jewels of Philemon; I'll let you keep the person.
(I) You are fooling yourself, Philemon, if, with your shining carriage, the great number of rogues that follow you, and the six beasts that pull you, you think that anyone has more esteem for you: they push aside the whole outfit that is beside you in order to reach you yourself, who are nothing but a conceited fool.
(I) Those people who think they are of higher birth or have more esprit because they have a large cortège, rich clothes and a magnificent train of followers, must sometimes be pardoned: they read this conclusion in the faces and eyes of the people who speak to them.
(V) L'or éclat, dites-vous, sur les habits de Philémon. - Il éclate de même chez les marchands. - Il est habillé des plus belles étoffes. - Le sont-elles moins toutes déployées dans les boutiques et à la pièce? - Mais la broderie et les ornements y ajoutent encore la magnificence. - Je loue donc le travail de l'ouvrier. - Si on lui demande quelle heure il est, il tire une montre qui est un chef-d'oeuvre; la garde de son épée est un onyx; il a au doigt un gros diamant qu'il fait briller aux yeux, et qui est parfait; il ne lui manque aucune de ces curieuses bagatelles que l'on porte sur soi autant pour la vanité que pour l'usage, et il ne se plaint non plus toute sorte de parure qu'un jeune homme qui a épousé une riche vieille. - Vous m'inspirez enfin de la curiosité; il faut voir du moins des choses si précieuses: envoyez-moi cet habit et ces bijoux de Philémon; je vous quitte de la personne.
(I) Tu te trompes, Philémon, si avec ce carrosse brillant, ce grand nombre de coquins qui te suivent, et ces six bêtes qui te traînent, tu penses que l'on t'en estime davantage: l'on écarte tout cet attirail qui t'est étranger, pour pénétrer jusques à toi, qui n'es qu'un fat.
(I) Ce n'est pas qu'il faut quelquefois pardonner à celui qui, avec un grand cortège, un habit riche et un magnifique équipage, s'en croit plus de naissance et plus d'esprit: il lit cela dans la contenance et dans les yeux de ceux qui lui parlent.
33
(I) The children of gods, so to say, are beyond the laws of nature and are as though exceptions to them. They expect almost nothing from time or years. In them, merit comes before age. They are born instructed, and they are complete men before the majority leave childhood behind.
(I) Les enfants des Dieux, pour ainsi dire, se tirent des règles de la nature, et en sont comme l'exception. Ils n'attendent presque rien du temps et des années. Le mérite chez eux devance l'âge. Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l'enfance.
34
(V) People with limited views, I mean those spirits who are bound and restricted in their little sphere, cannot comprehend that universality of talents that one sometimes finds in a single person: where they see someone pleasant, they exclude the possibility that he is solid; where they discover bodily grace, agility, suppleness, and dexterity, they don't want to admit any graces of the soul, depth, reflection, or wisdom: they remove from the biography of Socrates the fact that he danced.
(V) Les vues courtes, je veux dire les esprits bornés et resserrés dans leur petite sphère, ne peuvent comprendre cette universalité de talents que l'on remarque quelquefois dans un même sujet: où ils voient l'agréable, ils en excluent le solide; où ils croient découvrir les grâces du corps, l'agilité, la souplesse, la dextérité, ils ne veulent plus y admettre les dons de l'âme, la profondeur, la réflexion, la sagesse: ils ôtent de l'histoire de Socrate qu'il ait dansé.
35
(V) There is hardly any man so accomplished and so necessary to the people close him that doesn't have some qualities that make him less missed when he is gone.
(V) Il n'y a guère d'homme si accompli et si nécessaire aux siens, qu'il n'ait de quoi se faire moins regretter.
36
(I) A man with esprit who has a simple and straight character can fall into certain traps; he doesn't consider that anyone would spread one for him, and choose him for his fool: this confidence makes him less cautious, and some rogues catch him on account of that. If they attempt to trick him for a second time, they will only lose their time; such a man is only fooled once.
I would carefully avoid offending anyone, if I was a just man; but above all a man with esprit, if I have the smallest regard for my own interests.
(I) Un homme d'esprit et d'un caractère simple et droit peut tomber dans quelque piège; il ne pense pas que personne veuille lui en dresser, et le choisir pour être sa dupe: cette confiance le rend moins précautionné, et les mauvais plaisants l'entament par cet endroit. Il n'y a qu'à perdre pour ceux qui en viendraient à une seconde charge: il n'est trompé qu'une fois.
J'éviterai avec soin d'offenser personne, si je suis équitable; mais sur toutes choses un homme d'esprit, si j'aime le moins du monde mes intérêts.
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(I) There is nothing so small, so simple and imperceptible, that it does not show in our manners. A fool neither enters a room, nor leaves it, nor sits down, nor stands up, nor is silent, nor stays on his feet, like a man with esprit.
(I) Il n'y a rien de si délié, de si simple et de si imperceptible, où il n'entre des manières qui nous décèlent. Un sot ni n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit.
38
(V) I know Mopse from a visit he gave me before he knew me; he asks people who he doesn't know at all to take him to the houses of other people who don't know him; he writes letters to women who he only knows by sight. He insinuates himself into a circle of respectable people who do not know who he is, and once there, without waiting for someone to ask him a question, without sensing that he is interrupting, he speaks, and frequently, and ridiculously. On another occasion he enters an assembly, sits down wherever he finds himself, without any attention to others or to himself; one takes him away from the place that was meant for a Minister of State, he sits down in the place meant for a duke and peer; precisely then the multitude of people laugh and he alone is serious and doesn't laugh at all. Chase a dog from the armchair of the King, he scrambles onto the pulpit of the preacher; he regards society indifferently, without embarrassment, without bashfulness; he, no more than a fool, notices any reason for him to blush.
(V) Je connais Mopse d'une visite qu'il m'a rendue sans me connaître; il prie des gens qu'il ne connaît point de le mener chez d'autres dont il n'est pas connu; il écrit à des femmes qu'il connaît de vue. Il s'insinue dans un cercle de personnes respectables, et qui ne savent quel il est, et là, sans attendre qu'on l'interroge, ni sans sentir qu'il interrompt, il parle, et souvent, et ridiculement. Il entre une autre fois dans une assemblée, se place où il se trouve, sans nulle attention aux autres, ni à soi-même; on l'ôte d'une place destinée à un ministre, il s'assied à celle du duc et pair; il est là précisément celui dont la multitude rit, et qui seul est grave et ne rit point. Chassez un chien du fauteuil du Roi, il grimpe à la chaire du prédicateur; il regarde le monde indifféremment, sans embarras, sans pudeur; il n'a pas, non plus que le sot, de quoi rougir.
39
(VII) Celse has a mediocre rank, but noblemen suffer him; he is not a savant, he has ties to savants; he has little merit, but he knows people who have very much; he is not clever, but his tongue can make him understood, and his feet can carry him from one place to another. He is a man born for comings and goings, for listening to what people say and relating it to others, for making an office of this, for exceeding the duties of his post and for being disowned, for reconciling people who quarrel at their first sight of each other; for succeeding in every thousandth undertaking, for giving himself all the glory of the success and for redirecting the hatred of the failures onto others. He knows the common scandals, the little stories of the town; he does nothing, he tells or listens to what others do, he is a news-man ['nouvelliste']; he even knows the secrets inside families: he enters into the highest mysteries: he tells you why this person was exiled and why that person was recalled; he knows the foundation and reason of the break between two brothers, and the rupture between two Ministers of State. Didn't he predict to the former the sad consequences of their misunderstanding? Didn't he tell the latter that their union would not last long? Wasn't he present when certain words were said? Didn't he enter into a certain type of negotiation? Did people want to believe him? Was he listened to? To whom do you talk about these things? Who has a greater part than Celse in all of the intrigues at court? And if it weren't thus, if he did not at least dream or imagine it to be so, would he think of making you believe it? Would he have the important and mysterious air of a man who has just come back from an embassy?
(VII) Celse est d'un rang médiocre, mais des grands le souffrent; il n'est pas savant, il a relation avec des savants; il a peu de mérite, mais il connaît des gens qui en ont beaucoup; il n'est pas habile, mais il a une langue qui peut servir de truchement, et des pieds qui peuvent le porter d'un lieu à un autre. C'est un homme né pour les allées et venues, pour écouter des propositions et les rapporter, pour en faire d'office, pour aller plus loin que sa commission et en être désavoué, pour réconciler des gens qui se querellent à leur première entrevue; pour réussir dans une affaire et en manquer mille, pour se donner toute la gloire de la réussite, et pour détourner sur les autres la haine d'un mauvais succès. Il sait les bruits communs, les historiettes de la ville; il ne fait rien, il dit ou il écoute ce que les autres font, il est nouvelliste; il sait même le secret des familles: il entre dans de plus hauts mystères: il vous dit pourquoi celui-ci est exilé, et pourquoi on rappelle cet autre; il connaît le fond et les causes de la brouillerie des deux frères, et de la rupture des deux ministres. N'a-t-il pas prédit aux premiers les tristes suites de leur mésintelligence? N'a-t-il pas dit de ceux-ci que leur union ne serait pas longue? N'était-il pas présent à de certains paroles qui furent dites? N'entra-t-il pas dans une espèce de négociation? Le voulut-on croire? fut-il écouté? A qui parlez-vous de ces choses? Qui a eu plus de part que Celse à toutes ces intrigues de cour? Et si cela n'était ainsi, s'il ne l'avait du moins ou rêvé ou imaginé, songerait-il à vous le faire croire? aurait-il l'air important et mystérieux d'un homme revenu d'une ambassade?
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(VII) Ménippe is a bird decorated with different feathers that don't belong to him. He does not speak, he does not feel; he repeats the feelings and the speech of others, and so naturally takes on their esprit that he is the first one to forget that it is theirs, and he often thinks he is stating his taste or explaining his thought when he is only echoing the person whose company he just left. He is a man who is bearable for fifteen minutes and a moment after that droops, degenerates, loses the little luster that a little memory gave him, and shows he has nothing more left. He is the only one who doesn't see how far he is from sublimity and heroism; and, incapable of imagining how great an esprit men can have, he naively thinks he has as much as is humanly possible: he also has the air and manner of someone who has nothing more to desire of his esprit and who doesn't envy anyone. He talks to himself often and doesn't hide it; the people who pass by see him and he always seems to be taking sides with himself, or deciding that such and such a thing cannot be argued. If you greet him sometimes, you throw him into confusion over whether he should reply to you or not; and while he deliberates, you have already left the room. His vanity made him become something he wasn't. One judges, on seeing him, that he is only occupied with his own person; that he knows that his clothes look good on him, and that his jewels match; that he thinks that everyone's eyes are on him, and that men take turns contemplating him.
(VII) Ménippe est l'oiseau paré de divers plumages qui ne sont pas à lui. Il ne parle pas, il ne sent pas; il répète des sentiments et des discours, se sert même si naturellement de l'esprit des autres qu'il y est le premier trompé, et qu'il croit souvent dire son goût ou expliquer sa pensée, lorsqu'il n'est que l'écho de quelqu'un qu'il vient de quitter. C'est un homme qui est de mise un quart d'heure de suite, qui le moment d'après baisse, dégénère, perd le peu de lustre qu'un peu de mémoire lui donnait, et montre la corde. Lui seul ignore combien il est au-dessous du sublime et de l'héroïque; et, incapable de savoir jusqu'où l'on peut avoir de l'esprit, il croit naïvement que ce qu'il en a est tout ce que les hommes en sauraient avoir: aussi a-t-il l'air et le maintien de celui qui n'a rien à désirer sur ce chapitre, et qui ne porte envie à personne. Il se parle souvent à lui-même, et il ne s'en cache pas, ceux qui passent le voient, et qu'il semble toujours prendre un parti, ou décider qu'une telle chose est sans réplique. Si vous le saluez quelquefois, c'est le jeter dans l'embarras de savoir s'il droit rendre le salut ou non; et pendant qu'il délibère, vous êtes déjà hors de portée. Sa vanité l'a fait devenir ce qu'il n'était pas. L'on juge, en le voyant, qu'il n'est occupé que de sa personne; qu'il sait que tout lui sied bien, et que sa parure est assortie; qu'il croit que tous les yeux sont ouverts sur lui, et que les hommes se relayent pour le contempler.
41
(IV) Someone who owns a palace with apartments for each season and yet sleeps in an entresol in the Louvre does not do so because of modesty; another who, to conserve his slender figure abstains from drinking wine and only eats one meal a day is neither sober nor temperate; and a third who is importuned by a poor friend and finally gives him some help is said to have bought his own peace and not to be generous. It is the motive alone that gives merit to human actions, and disinterestedness perfects them.
[Note concerning 'éntresol in the Louvre': "When the 'Characters' first made their appearance in 1689, Louis XIV no longer resided in the Louvre, but at Versailles. The greatest nobles, in order to pay their court to the king, lodged in some wretched rooms in the palace."]
(IV) Celui qui, logé chez soi dans un palais, avec deux appartements pour les deux saisons, vient coucher au Louvre dans un entre-sol n'en use pas ainsi par modestie; cet autre qui, pour conserver une taille fine, s'abstient du vin et ne fait qu'un seul repas n'est si sobre ni tempérant; et d'un troisième qui, importuné d'un ami pauvre, lui donne enfin quelque secours, l'on dit qu'il achète son repos, et nullement qu'il est libéral. Le motif seul fait le mérite des actions des hommes, et le désintéressement y met la perfection.
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(IV) False grandeur is savage and inaccessible: as though it sensed its weakness, it hides itself, or at least doesn't show itself abreast, and doesn't let itself be seen except when it needs to be imposing or to not seem like what it is, I mean a real smallness. True grandeur is free, sweet, familiar, popular; it let's itself be touched and handled, it doesn't lose anything from being seen close up; the more one knows it, the more one admires it. It curbs itself out of good-will toward it's inferiors, and comes back into it's natural condition without effort; it abandons itself sometimes, neglects itself, gets rid of its advantages, always able to pick them up again when it wants to; it laughs, plays, and chats, but with dignity; one approaches it with freedom and reserve together. Its character is noble and easy, inspires respect and confidence, and makes princes seem great, and very great, without making us feel small.
(IV) La fausse grandeur est farouche et inaccessible: comme elle sent son faible, elle se cache, ou du moins ne se montre pas de front, et ne se fait voir qu'autant qu'il faut pour imposer et ne paraître point ce qu'elle est, je veux dire une vraie petitesse. Le véritable grandeur est libre, douce, familière, populaire; elle se laisse toucher et manier, elle ne perd rien à être vue de près; plus on la connaît, plus on l'admire. Elle se courbe par bonté vers ses inférieurs, et revient sans effort dans son naturel; elle s'abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir; elle rit, joue et badine, mais avec dignité; on l'approche tout ensemble avec liberté et avec retinue. Son caractère est noble et facile, inspire le respect et la confiance, et fait que les princes nous paraissent grands et très grands, sans nous faire sentir que nous sommes petits.
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(IV) A wise man cures his ambition with ambition itself; he reaches for such great things that he cannot limit himself to what people call treasures, positions, fortune and favor; he sees nothing in such weak advantages that is good or solid enough to fulfill his heart, and to merit his cares and desires; he even needs effort not to disdain them too much. The only good capable of tempting him is that sort of glory that only comes from a completely pure and simple virtue; but men seldom grant it to others, and he does without it.
(IV) Le sage guérit de l'ambition par l'ambition même; il tend à de si grandes choses, qu'il ne peut se borner à ce qu'on appelle des trésors, des postes, la fortune et la faveur: il ne voit rien dans de si faibles avantages qui soit assez bon et assez solide pour remplir son coeur, et pour mériter ses soins et ses désirs; il a même besoin d'efforts pour ne les pas trop dédaigner. Le seul bien capable de le tenter est cette sorte de gloire qui devrait naître de la vertu toute pure et toute simple; mais les hommes ne l'accordent guère, et il s'en passe.
44
(IV) That person is good who does good to others; if he endures suffering in order to do it, he is very good; if he endures suffering by the hands of the very people who he is helping, his kindness is so great that it can only be greater in the case where his suffering is so; and if he dies doing it, his virtue can go no farther: it is heroic, it is perfect.
(IV) Celui-là est bon qui fait du bien aux autres; s'il souffre pour le bien qu'il fait, il est très bon; s'il souffre de ceux à qui il a fait ce bien, il a une si grande bonté qu'elle ne peut être augmentée que dans le cas où ses souffrances viendraient à croître; et s'il en meurt, sa vertu ne saurait aller plus loin: elle est héroïque, elle est parfaite.
On women
Des femmes
1
(I) Men and women rarely agree on what merit a woman has: their interests are too different. Women do not please each other with the same charms with which they please men: a thousand manners that light great passions in men give rise to aversion and antipathy in other women.
(I) Les hommes et les femmes conviennent rarement sur le mérite d'une femme: leurs intérêts sont trop différents. Les femmes ne se plaisent point les unes aux autres par les mêmes agréments qu'elles plaisent aux hommes: mille manières qui allument dans ceux-ci les grandes passions, forment entre elles l'aversion et l'antipathie.
2
(I) There is in some women an artificial grandeur, attached to the movement of their eyes, the look of their face, to the way that they walk, and which goes no further; it is like a dazzling and imposing wit who one only esteems because one hasn't seen deeply into it. There is in some others a simple, natural grandeur, independent of their gestures and gait, whose source is in their heart, and which seems like a result of their high birth; a peaceful but solid merit accompanied by a thousand virtues that they cannot cover with all of their modesty, which escape and are seen by anyone who has eyes.
(I) Il y a dans quelques femmes une grandeur artificielle, attachée au mouvement des yeux, à un air de tête, aux façons de marcher, et qui ne va pas plus loin; un esprit éblouissant qui impose, et que l'on n'estime que parce qu'il n'est pas approfondi. Il y a dans quelques autres une grandeur simple, naturelle, indépendante du geste et de la démarche, qui a sa source dans le coeur, et qui est comme une suite de leur haute naissance; un mérite paisible, mais solide, accompagné de mille vertus qu'elles ne peuvent couvrir de toute leur modestie, qui échappent, et qui se montrent à ceux qui ont des yeux.
3
(I) I have heard some people say that they would like to be a girl, and a beautiful girl, from the age of thirteen to that of twenty two, and after that to become a man.
(I) J'ai vu souhaiter d'être fille, et une belle fille, depuis treize ans jusques à vignt-deux, et après cet âge, de devenir un homme.
4
(IV) Some young women do not sufficiently know the advantages of a happy nature, and how useful it would be to them to abandon themselves to it; they weaken these gifts of heaven, which are so rare and fragile, by affected manners and bad imitations: they borrow the tone of their voice and their gait from other people; they compose themselves, make themselves up and look into the mirror to see if they are far enough from their natural self. It isn't without difficulty that they end up pleasing others less.
(IV) Quelques jeunes personnes ne connaissent point assez les avantages d'une heureuse nature, et combien il leur serait utile de s'y abandonner; elles affaiblissent ces dons du ciel, si rares et si fragiles, par des manières affectées et par une mauvaise imitation: leur son de voix et leur démarche sont empruntés; elles se composent, elles se recherchent, regardent dans un miroir si elles s'éloignent assez de leur naturel. Ce n'est pas sans peine qu'elles plaisent moins.
5
(VII) I admit that when women adorn and make up themselves, it is not the same thing as lying; it is closer to it, though, than disguising oneself at a masked ball, where people never present themselves as they are, but still only think about hiding themselves and making their true selves forgotten: it is a desire to impress peoples eyes, and to seem like something on the outside that is different from the truth; it is a type of fib.
It's necessary to judge women from just above their shoes to just below their coiffure exclusively, a little like one measures a fish from below its head to above its tail.
(VII) Chez les femmes, se parer et se farder n'est pas, je l'avoue, parler contre sa pensée; c'est plus aussi que le travestissement et la mascarade, où l'on ne se donne point pour ce que l'on paraît être, mais où l'on pense seulement à se cacher et à se faire ignorer: c'est chercher à imposer aux yeux, et vouloir paraître selon l'extérieur contre la vérité; c'est une espèce de menterie.
Il faut juger des femmes depuis la chaussure jusqu'à la coiffure exclusivement, à peu près comme on mesure le poisson entre queue et tête.
6
(V) If women only want to be beautiful in their own eyes and to please themselves, they can doubtlessly, in their manner of making themselves up and in their choice of dress and ornaments, follow their taste and their caprice; but if it is men that they want to please, if it is for men that they make themselves up or adorn themselves, I have collected opinions and I will pronounce them on behalf of all men or of the majority of them: they are that white paint and rouge make women hideous and distasteful; that rouge alone makes them seem older and disguises them; that men hate as much to see white lead on their faces as to see false teeth in their mouths or as to see wax balls under their cheeks; that men seriously protest against every artifice that women use to make themselves ugly; and that men are not responsible to Heaven for this, but on the contrary it seems that it is the last and infallible way of reclaiming men from their influence.
(IV) If women were naturally what they make of themselves artificially, if they lost in a moment all the freshness of their complexion, if their faces became as bright and leadened as they make it with rouge and the paints that they use, they would be inconsolable.
[ Note: 'white lead' is 'ceruse' in the original: http://en.wikipedia.org/wiki/Venetian_ceruse . Note in book on 'wax balls under their cheeks': 'It was a custom for elegant women, who, however, had become ugly on account of having hollow cheeks, to place little balls of ivory or of wax in their mouth. Dangeau noticed this custom in the princess de Montauban.' ]
(V) Si les femmes veulent seulement être belles à leurs propres yeux et se plaire à elles-mêmes, elles peuvent sans doute, dans la manière de s'embellir, dans le choix des ajustements et de la parure, suivre leur goût et leur caprice; mais si c'est aux hommes qu'elles désirent de plaire, si c'est pour eux qu'elles se fardent ou qu'elles s'enluminent, j'ai recueilli les voix, et je leur prononce, de la part de tous les hommes ou de la plus grande partie, que le blanc et le rouge les rend affreuses et dégoûtantes; que le rouge seul les vieillit et les déguise; qu'ils haïssent autant à les voir avec de la céruse sur le visage, qu'avec de fausses dents en la bouche, et des boules de cire dans les mâchoires; qu'ils protestent sérieusement contre tout l'aritifice dont elles usent pour se rendre laides; et que, bien loin d'en répondre devant Dieu, il semble au contraire qu'il leur ait réservé ce dernier et infaillible moyen de guérir des femmes.
(IV) Si les femmes étaient telles naturellement qu'elles le deviennent par un artifice, qu'elles perdissent en un moment toute la fraîcheur de leur teint, qu'elles eussent le visage aussi allumé et aussi plombé qu'elles se le font par le rouge et par la peinture dont elles se fardent, elles seraient inconsolables.
7
(VII) A coquettish woman never gives up her passion to please men, nor the opinion that she has of her beauty: she regards time and years as things that only wrinkle other women and only make them ugly; she forgets that a persons age is written on his or her face. The same ornament that once embellished her youth finally disfigures her and makes the defects of her age more noticeable. She has a pink color and affectation even in sickness and with fever: she dies covered in make-up and colored ribbons.
(VII) Une femme coquette ne se rend point sur la passion de plaire, et sur l'opinion qu'elle a de sa beauté: elle regarde le temps et les années comme quelque chose seulement qui ride et qui enlaidit les autres femmes; elle oublie du moins que l'âge est écrit sur le visage. La même parure qui a autrefois embelli sa jeunesse, défigure enfin sa personne, éclaire les défauts de sa vieillesse. La mignardise et l'affectation l'accompagnent dans la douleur et dans la fièvre: elle meurt parée et en rubans de couleur.
8
(VII) Lise hears people making fun of another coquette who pretends to be young and who wants to wear dresses that are no longer suitable for a woman who is forty years old. Lise is as old as that; but years have less than twelve months for her and never make her grow older: that's what she thinks, and while she is looking at herself in the mirror, putting rouge on her face and drawing dark spots there, she agrees that after a certain age it is not right to affect youth, and that indeed, Clarice, with her dark spots and her rouge, is ridiculous.
(VII) Lise entend dire d'une autre coquette qu'elle se moque de se piquer de jeunesse, et de vouloir user d'ajustements qui ne conviennent plus à une femme de quarante ans. Lise les a accomplis; mais les années pour elle ont moins de douze mois, et ne la vieillissent point: elle le croit ainsi, et pendant qu'elle se regarde au miroir, qu'elle met du rouge sur son visage et qu'elle place des mouches, elle convient qu'il n'est pas permis à un certain âge de faire la jeune, et que Clarice en effet, avec ses mouches et son rouge, est ridicule.
9
(IV) Women prepare themselves for their lovers, if they expect them; but if they are surprised by them, they forget at once the state that they are in and no longer think of themselves. They have more leisure with people they are indifferent to; they sense the disorder they are in, adjust themselves in their presence, or disappear for a moment and return beautifully made-up.
(IV) Les femmes se préparent pour leurs amants, si elles les attendent; mais si elles en sont surprises, elles oublient à leur arrivée l'état où elles se trouvent; elles ne se voient plus. Elles ont plus de loisir avec les indifférents; elles sentent le désordre où elles sont, s'ajustent en leur présence, ou disparaissent un moment, et reviennent parées.
10
(I) A beautiful face is the most beautiful of all spectacles, and the sweetest harmony is the sound of the voice of the person you love.
(I) Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles; et l'harmonie la plus douce est le son de voix de celle que l'on aime.
11
(IV) Fashionable ornaments are arbitrary: beauty is something more real and more independent of taste and opinion.
(IV) L'agrément est arbitraire: la beauté est quelque chose de plus réel et de plus indépendant du goût et de l'opinion.
12
(I) A man can be moved by certain women who have such perfect beauty and such shining merit, that he is satisfied by merely seeing them and speaking with them.
(I) L'on peut être touché de certaines beautés si parfaites et d'un mérite si éclatant, que l'on se borne à les voir et à leur parler.
13
(I) A beautiful woman who has the qualities of an honest man provides the most delightful and affecting company in the world: a person finds in her all the merit of both sexes.
(I) Une belle femme qui a les qualités d'un honnête homme est ce qu'il y a au monde d'un commerce plus délicieux: l'on trouve en elle tout le mérite des deux sexes.
14
(I) Little things escape from a young woman which convince a person very much of her affection, and which greatly flatter the person to whom they are addressed. Nearly nothing is said accidentally by men; their caresses are premeditated; they speak, they act, they are eager to please, and they convince someone less of their affection.
(I) Il échappe à une jeune personne de petites choses qui persuadent beaucoup, et qui flattent sensiblement celui pour qui elles sont faites. Il n'échappe presque rien aux hommes; leurs caresses sont volontaires; ils parlent, ils agissent, ils sont empressés, et persuadent moins.
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(IV) Caprices very often accompany beauty in women; they serve as its antidote, so that their beauty does less harm to men, who, without such a remedy, would never be cured of their love.
(IV) Le caprice est dans les femmes tout proche de la beauté, pour être son contre-poison, et afin qu'elle nuise moins aux hommes, qui n'en guériraient pas sans remède.
16
(I) Women attach themselves to men with the favor that they show them: men are cured of their love by these same favors.
(I) Les femmes s'attachent aux hommes par les faveurs qu'elles leur accordent: les hommes guérissent par ces mêmes faveurs.
17
(I) A woman forgets a man who she no longer loves even to the point of not remembering that she once showed him favor.
(I) Une femme oublie d'un homme qu'elle n'aime plus jusques aux faveurs qu'il a reçues d'elle.
18
(I) A woman who only has one gallant never thinks she is a coquette; one who has many gallants thinks she is nothing but a coquette.
A certain woman tries not to be a coquette by firmly attaching herself to a single man, but she is considered mad if she persists in a bad choice.
(I) Une femme qui n'a qu'un galant croit n'être point coquette; celle qui a plusieurs galants croit n'être que coquette.
Telle femme évite d'être coquette par un ferme attachement à un seul, qui passe pour folle par son mauvais choix.
19
(IV) An old gallant is so little regarded that he loses his place to a new husband; and the sway of this new husband lasts for so short a time that a new gallant takes his role.
An old gallant fears or scorns a new rival depending on the character of the person he courts.
Often the only thing that an old gallant is missing with regard to the woman he is attached to is the name of husband: this is very much, and he would have lost his position a thousand times if it weren't for this circumstance.
(IV) Un ancien galant tient à si peu de chose, qu'il cède à un nouveau mari; et celui-ci dure si peu, qu'un nouveau galant qui survient lui rend le change.
Un ancien galant craint ou méprise un nouveau rival, selon le caractère de la personne qu'il sert.
Il ne manque souvent à un ancien galant, auprès d'une femme qui l'attache, que le nom de mari: c'est beaucoup, et il serait mille fois perdu sans cette circonstance.
20
(IV) It seems that gallantry in a woman makes her more of a coquette. A male coquette, on the contrary, is something worse than a gallant man. A male coquette and a gallant woman go together.
(IV) Il semble que la galanterie dans une femme ajoute à la coquetterie. Un homme coquet au contraire est quelque chose de pire qu'un homme galant. L'homme coquet et la femme galant vont assez de pair.
21
(I) Few affairs ['galanteries'] are secrets. Many women are as well recognized by the name of their lovers as by the name of their husbands.
(I) Il y a peu de galanteries secrètes. Bien des femmes ne sont pas mieux désignées par le nom de leurs maris que par celui de leurs amants.
22
(V) A gallant woman wants one to love her; it is enough for a coquette to be found lovely and to pass for beautiful. This one looks to bind someone; that one contents herself with pleasing. The first passes successively from one tie to another; the second has many men to amuse her at once. Passion and pleasure are dominant in the one; vanity and fickleness in the other. Gallantry is a weakness of the heart, or perhaps a vice of someone's complexion; coquetry comes from an ungoverned spirit. A gallant woman makes herself feared and a coquette makes herself hated. One can imagine someone who would have both of these characters, and who would be worse than either alone.
(V) Une femme galante veut qu'on l'aime; il suffit à une coquette d'être trouvée aimable et de passer pour belle. Celle-là cherche à engager; celle-ci se contente de plaire. La première passe successivement d'un engagement à un autre; la seconde a plusieurs amusements tout à la fois. Ce qui domine dans l'une, c'est la passion et le plaisir; et dans l'autre, c'est la vanité et la légèreté. La galanterie est un faible du coeur, ou peut-être un vice de la complexion; la coquetterie est un dérèglement de l'esprit. La femme galante se fait craindre et la coquette se fait haïr. L'on peut tirer de ces deux caractères de quoi en faire un troisième, le pire de tous.
23
(V) A weak woman is one whom a person reproaches for a fault which she reproaches herself for; whose heart fights her reason; who wants to become better and who will never become better, or only very late.
(V) Une femme faible est celle à qui l'on reproche une faute, qui se la reproche à elle-même; dont le coeur combat la raison; qui veut guérir, qui ne guérira point, ou bien tard.
24
(V) An inconstant woman is one who no longer loves; a fickle woman is one who already loves someone else; a flighty woman is one who doesn't know if she loves and whom she loves; an indifferent woman is one who loves no one.
(V) Une femme inconstante est celle qui n'aime plus; une légère, celle qui déjà en aime un autre; une volage, celle qui ne sait si elle aime et ce qu'elle aime; une indifférente, celle qui n'aime rien.
25
(V) Treachery, if I dare to say it, is a lie told by the whole body: in a woman it is the art of arranging her words or actions for the purpose of deceiving us, and sometimes of giving speeches or promises that cost her no more to make than to break.
A faithless woman, if she is believed to be so by the person concerned, is only faithless: if he thinks she is faithful, she is treacherous.
A man takes this benefit from the perfidy of women, that it cures him of jealousy.
(V) La perdifie, si je l'ose dire, est un mensonge de toute la personne: c'est dans une femme l'art de placer un mot ou une action qui donne le change, et quelquefois de mettre en oeuvre des serments et des promesses qui ne lui coûtent pas plus à faire qu'à violer.
Une femme infidèle, si elle est connue pour telle de la personne intéressé, n'est qu'infidèle: s'il la croit fidèle, elle est perfide.
On tire ce bien de la perfidie des femmes, qu'elle guérit de la jalousie.
26
(I) Some women have, in the course of their life, two engagements to fulfill, both as difficult to break as to hide; one man is only missing a marriage contract, and the other is only missing her heart.
(I) Quelques femmes ont dans le cours de leur vie un double engagement à soutenir, également difficile à rompre et à dissimuler; il ne manque à l'un que le contrat, et à l'autre que le coeur.
27
(I) To judge by this womans beauty, youth, pride and disdain, no one would doubt that only a hero could win her. Her choice is made: it is a little monster who lacks a spirit.
(I) A juger de cette femme par sa beauté, sa jeunesse, sa fierté et ses dédains, il n'y a personne qui doute que ce ne soit un héros qui doive un jour la charmer. Son choix est fait: c'est un petit monstre qui manque d'esprit.
28
(I) There are women who already have wrinkles, who because of their complexion or their bad character are the natural resource of young men who don't have money. I don't know who is more to be pitied, either a woman advanced in years who needs a cavalier or a cavalier who needs an old woman.
(I) Il y a des femmes déjà flétries, qui par leur complexion ou par leur mauvais caractère sont naturellement la ressource des jeunes gens qui n'ont pas assez de bien. Je ne sais qui est plus à plaindre, ou d'une femme avancée en âge qui a besoin d'un cavalier, ou d'un cavalier qui a besoin d'une vieille.
29
(IV) The refuse of the court is received in a fashionable assembly, where he defeats the magistrate, even when the latter is wearing his cravate and his grey suit, as well as the bourgeois wearing a sword, he sweeps them away and becomes master of the place: he is listened to and loved; one can hardly resist for a moment a gold-embroidered scarf or a white feather, a man who speaks to the King and sees the ministers. He makes men and women jealous: one admires him, he inspires envy: four miles away from the city, at Versailles, he inspires pity.
[Note: 'Only officers in the King's household were allowed to wear gold-embroidered scarfs.']
(IV) Le rebut de la cour est reçu à la ville dans une ruelle, où il défait le magistrat, même en cravate et en habit gris, ainsi que le bourgeois en baudrier, les écarte et devient maître de la place: il est écouté, il est aimé; on ne tient guère plus d'un moment contre une écharpe d'or et une plume blanche, contre un homme qui parle au Roi et voit les ministres. Il fait des jaloux et des jalouses: on l'admire, il fait envie: à quatre lieues de là, il fait pitié.
30
A man from the city is to a woman who has never left her native province what a courtier is to a city woman.
Un homme de la ville est pour une femme de province ce qu'est pour une femme de ville un homme de la cour.
31
(I) A man who is vain, indiscrete, a great talker who makes practical jokes, who speaks about himself with confidence and about others with scorn, who is impetuous, haughty, enterprising, without morals or honesty, with no judgement and a very free imagination, only has need of a handsome face and bearing to be adored by many women.
(I) A un homme vain, indicret, qui est grand parleur et mauvais plaisant, qui parle de soi avec confiance et des autres avec mépris, impétueux, altier, entreprenant, sans moeurs ni probité, de nul jugement et d'une imagination très libre, il ne lui manque plus, pour être adoré de bien des femmes, que de beaux traits et la taille belle.
32
(I) Is it because of the secrecy, or because of a hypochondriac taste, that this woman loves her valet, this other a monk, and Dorine her doctor?
(I) Est-ce en vue du secret, ou par un goût hypocondre, que cette femme aime un valet, cette autre un moine, et Dorine son médecin?
33
(VIII) Roscius enters onto the stage with much grace: it's true, Lélie; I will also agree that his legs are well shaped, that he acts well and major roles, and that to recite perfectly, he only needs to open his mouth, as people say; but is he the only actor who is charming in everything he does? and what he does, is it the noblest and most honest thing a person can do? Moreover, Roscius cannot be yours, he belongs to someone else; and when this engagement ends, he is already claimed by another still: Claudie waits for him to become tired of Messaline so that she can have him. Take Bathylle, Lélie: where will you find, I don't say in the order of knights who you disdain, but among the very actors of farces, a young man who can jump so high when he dances, and who does a better capriole? Would you like the jumper, Cobus, who, throwing his feet before him, turns once in the air before coming back to the ground? Did you know that he is no longer young? As for Bathylle, you will say, the crowd around him is too great, and he refuses more women than he can gratify; but you still have Dracon, the flute player: no one else in his profession swells his cheeks as decently as he does when he plays the oboe or the flageolet, because the number of instruments he can play is endless; moreover, he's amusing and even makes children and young women laugh. Who eats and drinks better than Dracon in a single meal? He gets a whole company drunk, and himself last. You sigh, Lélie: is it because Dracon has already chosen someone, or because someone has been hindering you? Is he finally engaged to Césonie, who has run after him for so long, who has sacrificed a great mob of lovers for him, I would even say the flower of young Romans? to Césonie, who is from a patrician family, who is so young, so beautiful, and so earnest? I am sorry for you, Lélie, if you have been infected with this new taste that roman women have for what people call public men, who expose themselves for work to the sight of others. What will you do, since the best men of this type have already been taken? Bronte is still left, who works torturing people on the rack: people can't stop talking about his strength and skill; he is a young man with broad shoulders and brawny, a negroe moreover, a black man.
(VIII) Roscius entre sur la scène de bonne grâce: oui, Lélie; et j'ajoute encore qu'il a les jambes bien tournées, qu'il joue bien, et de longs rôles, et que pour déclamer parfaitement il ne lui manque, comme on le dit, que de parler avec la bouche; mais est-il le seul qui ait de l'agrément dans ce qu'il fait? et ce qu'il fait, est-ce la chose la plus noble et la plus honnête que l'on puisse faire? Roscius d'ailleurs ne peut être à vous, il est à une autre; et quand cela ne serait pas ainsi, il est retenu: Claudie attend, pour l'avoir, qu'il se soit dégoûté de Messaline. Prenez Bathylle, Lélie: où trouverez-vous, je ne dis pas dans l'ordre des chevaliers, que vous dédaignez, mais même parmi les farceurs un jeune homme qui s'élève si haut en dansant, et qui passe mieux la capriole? Voudriez-vous le sauteur Cobus, qui, jetant ses pieds en avant, tourne une fois en l'air avant que de tomber à terre? Ignorez-vous qu'il n'est plus jeune? Pour Bathylle, dites-vous, la presse y est trop grande, et il refuse plus de femmes qu'il n'en agrée; mais vous avez Dracon, le joueur du flûte: nul autre de son métier n'enfle plus décemment ses joues en soufflant dans le hautbois ou le flageolet, car c'est une chose infinie que le nombre des instruments qu'il fait parler; plaisant d'ailleurs, il fait rire jusqu'aux enfants et aux femmelettes. Qui mange et qui boit mieux que Dracon en un seul repas? Il enivre toute une compagnie, et il se rend le dernier. Vous soupirez, Lélie: est-ce que Dracon aurait fait un choix, ou que malheureusement on vous aurait prévenue? Se serait-il enfin engagé à Césonie, qui l'a tant couru, qui lui a sacrifié une si grande foule d'amants, je dirai même toute la fleur des Romains? à Césonie, qui est d'une famille patricienne, qui est si jeune, si belle, et si sérieuse? Je vous plains, Lélie, si vous avez pris par contagion ce nouveau goût qu'ont tant de femmes romaines pour ce qu'on appelle des hommes publics, et exposés par leur condition à la vue des autres. Que ferez-vous, lorsque le meilleur en ce genre vous est enlevé? Il reste encore Bronte, le questionnaire: le peuple ne parle que de sa force et de son adresse; c'est un jeune homme qui a les épaules larges et la taille ramassée, un nègre d'ailleurs, un homme noir.
34
(I) To women in high society, a gardener is a gardener and a mason is a mason; for some others who live a more secluded life, a mason is a man, and a gardener is a man. Everything is a temptation to a person who is afraid to be faced with it.
[Note: 'some others who live a more secluded life' may refer to some nuns]
(I) Pour les femmes du monde, un jardinier est un jardinier, et un maçon est un maçon; pour quelques autres plus retirées, un maçon est un homme, un jardinier est un homme. Tout est tentation à qui la craint.
35
(I) Some women are generous to the church as well as to their lovers: female gallants and benefactresses, in the very precinct of the altar they have their own galleries and oratories where they read their love notes, and where no one sees that they are not praying to God at all.
(I) Quelques femmes donnent aux couvents et à leurs amants: galantes et bienfactrices, elles ont jusque dans l'enceinte de l'autel des tribunes et des oratoires où elles lisent des billets tendres, et où personne ne voit qu'elles ne prient point Dieu.
36
(VII) What is a woman who is spiritually directed? Is it a woman who is more obliging to her husband, kinder to her servants, more devoted to her family and its affairs, more ardent and sincere with her friends; who is less of a slave to her mood, less attached to her own interests, who has less love of the commodities of life; I don't say who gives much money to her children who are already rich, but who, being opulent herself and overwhelmed with superfluities, furnishes them with everything necessary, and gives them what they justly deserve; who is more exempt of self-love and of estrangement from others; who is more free of all human attachments? "No," you say, "it doesn't mean any of those things." I insist, and ask again: "Then what is a woman who is spiritually directed?" At last I understand you, it is a woman who has a spiritual director.
(VII) Qu'est-ce qu'une femme que l'on dirige? Est-ce une femme plus complaisante pour son mari, plus douce pour ses domestiques, plus appliquée à sa famille et à ses affaires, plus ardente et plus sincère pour ses amis; qui soit moins esclave de son humeur, moins attachée à ses intérêts; qui aime moins les commodités de la vie; je ne dis pas qui fasse des largesses à ses enfants qui sont déjà riches, mais qui, opulente elle-même et accablée du superflu, leur fournisse le nécessaire, et leur rende au moins la justice qu'elle leur droit; qui soit plus exempte d'amour de soi-même et d'éloignement pour les autres; qui soit plus libre de tous attachements humains? « Non, dites-vous, ce n'est rien de toutes ces choses. » J'insiste, et je vous demande: « Qu'est-ce donc qu'une femme que l'on dirige? » Je vous entends, c'est une femme qui a un directeur.
[Note concerning 'spiritual directors' below: "At the time La Bruyère wrote, nearly every fashionable lady had, besides her father-confessor, a spiritual director, who was her 'guide, philosopher and friend.' Boileau, in his tenth satire, says: -
But thanks to pious souls, of all mortels
no one is better pampered than a spiritual director of women. "]
37
(I) If the father-confessor and the spiritual director don't agree at all on a rule of conduct, who will be the third person whom a woman will take as arbitrator?
(I) Si le confesseur et le directeur ne conviennent point sur une règle de conduite, qui sera le tiers qu'une femme prendra pour sur-arbitre?
38
(I) What is most important for a woman is not to have a spiritual director, but to live so harmoniously that she can do without one.
(I) Le capital pour une femme n'est pas d'avoir un directeur, mais de vivre si uniment qu'elle s'en puisse passer.
39
(I) If a woman could say to her confessor, along with her other weaknesses, the ones she has for her spiritual director, and the time she loses in his company, perhaps he would give her the penance of renouncing him.
(I) Si une femme pouvait dire à son confesseur, avec ses autres faiblesses, celles qu'elle a pour son directeur, et le temps qu'elle perd dans son enntretien, peut-être lui serait-il donné pour pénitence d'y renoncer.
40
(V) I wish that I were allowed to cry with all my strength to those holy men who formerly suffered through women: "Flee from women, do not be their spiritual director at all, leave it for others to care for their salvation!"
(V) Je voudrais qu'il me fût permis de crier de toute ma force à ces hommes saints qui ont été autrefois blesse's des femmes: « Fuyez les femmes, ne les dirigez point, laissez à d'autres le soin de leur salut. »
41
(I) It is too much for a husband to have a wife who is a coquette and is devoted to him; a woman must choose between these two.
(I) C'est trop contre un mari d'être coquette et dévote; une femme devrait opter.
42
(VI) I have avoided saying it, and I have suffered doing so; but finally it escapes from me, and I even hope that my frankness will be useful to those women who, not finding a confessor sufficient to guide them, use no discernment in their choice of spiritual directors. I cannot cease marveling and being surprised when I see certain people who I will not name; I open my eyes wide when I see them; I gaze on them: they speak and I lend them my ear; I inform myself, one tells me stories, I collect them; and I don't understand how people who seem to me diametrically opposed to good sense, to straight reasoning, to an experience of the world, to a knowledge of men, to the science of religion and mores, presume that God has renewed the marvel of apostles in our day, and has realized a miracle in their persons, rendering them capable, simple-minded and petty spirits that they are, of directing peoples souls, the most delicate and sublime form of governing; and if they nonetheless believe themselves born for such an elevated task, which is so difficult and belongs to so few people, and persuade themselves that by doing so they only exercise their natural talents and follow an ordinary vocation, I can understand them still less.
I see very well that the taste they have for being the depositary of family secrets, for being necessary for reconciliations, for procuring commissions or for organizing the servants, for finding every door open in the houses of noblemen, for eating often at large tables, for taking carriage rides in a large city, and for making delicious retreats to the countryside, for seeing many renowned and distinguished men be interested in their life and health, and to manage every human interest for others and themselves, I see very well, once again, that this alone has brought about the specious and blameless pretexte of caring for people's souls, and spread among society an inexhaustible nursery of spiritual directors.
42
(VI) J'ai différé à le dire, et j'en ai souffert; mais enfin il m'échappe, et j'espère même que ma franchise sera utile à celles qui n'ayant pas assez d'un confesseur pour leur conduite, n'usent d'aucun discernement dans le choix de leurs directeurs. Je ne sors pas d'admiration et d'étonnement à la vue de certains personnages qui je ne nomme point; j'ouvre de fort grands yeux sur eux; je les contemple: ils parlent, je prête l'oreille; je m'informe, on me dit des faits, je les recueille; et je ne comprends pas comment des gens en qui je crois voir toutes choses diamétralement opposées au bon esprit, au sens droit, à l'expérience des affaires du monde, à la connaissance de l'homme, à la science de la religion et des moeurs, présument que Dieu doive renouveler en nos jours la merveille de l'apostolat, et faire un miracle en leurs personnes, en les rendant capables, tout simples et petits esprits qu'ils sont, du ministère des âmes, celui de tous le plus délicat et le plus sublime; et si au contraire ils se croient nés pour un emploi si relevé, si difficile, et accordé à si peu de personnes, et qu'ils se persuadent de ne faire en cela qu'exercer leurs talents naturels et suivre une vocation ordinaire, je le comprends encore moins.
Je vois bien que le goût qu'il y a à devenir le dépositaire du secret des familles, à se rendre nécessaire pour les réconciliations, à procurer des commissions ou à placer des domestiques, à trouver toutes les portes ouvertes dans les maisons des grands, à manger souvent à de bonnes tables, à se promener en carrosse dans une grande ville, et à faire de délicieuses retraites à la compagne, à voir plusieurs personnes de nom et de distinction s'intéresser à sa vie et à sa santé, et à ménager pour les autres et pour soi-même tous les intérêts humains, je vois bien, encore une fois, que cela seul a fait imaginer le spécieux et irrépréhensible prétexte du soin des âmes, et semé dans le monde cette pépinière intarissable de directeurs.
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(VI) In some people, and especially in women, devotion to God [La Bruyère wrote a note; 'fausse dévotion', devotion to God that is really something else but presents itself as the former] comes as a passion, or as the weakness of a certain age, or as a fashion that must be followed. They used to count up their week by the days that they gambled, went to spectacles, concerts, masked balls, or pretty sermons: on Monday they went to lose their money at Ismène's, on Tuesday their time at Climène's, and on Wednesday their reputation at Célimène's; they knew the night before all the joy they would have the next day and the day after that; they enjoyed at once present pleasures and future ones that could not fail them; they wished they could fit them all into a single day: that was their one
anxiety and the subject of all their distraction; and if they sometimes found themselves at the Opera, they regretted having missed the comedy. Different times, different mores: now they overdo austerity and solitude; they no longer open their eyes, which were given to them so that they may see; they make no use of their senses; and, incredible thing! they don't speak much; yet they think, both well enough of themselves and badly enough of others; they emulate virtue and being reformed out of jealousy; they don't hate being first in this new type of life, just as they didn't in the type that they have recently given up due to politic or disgust. They used to waste themselves gaily in gallantry, luxury and idleness; and now they do so sadly in presumption and envy.
(VI) La dévotion vient à quelques-uns, et surtout aux femmes, comme une passion, ou comme le faible d'un certain âge, ou comme une mode qu'il faut suivre. Elles comptaient autrefois une semaine par les jours de jeu, de spectacle, de concert, de mascarade, ou d'un joli sermon: elles allaient le lundi perdre leur argent chez Ismène, le mardi leur temps chez Climène, et le mercredi leur réputation chez Célimène; elles savaient dès la veille toute la joie qu'elles devaient avoir le jour d'apès et le lendemain; elles jouissaient tout à la fois du plaisir présent et de celui qui ne leur pouvait manquer; elles auraient souhaité de les pouvoir rassembler tous en un seul jour: c'était alors leur unique inquiétude et tous le sujet de leurs distractions; et si elles se trouvaient quelquefois à l'Opéra, elles y regrettaient la comédie. Autres temps, autres moeurs: elles outrent l'austérité et la retraite; elles n'ouvrent plus les yeux qui leur sont donnés pour voir; elles ne mettent plus leurs sens à aucun usage; et chose incroyable! elles parlent peu; elles pensent encore, et assez bien d'elles-mêmes, comme assez mal des autres; il y a chez elles une émulation de vertu et de réforme qui tient quelque chose de la jalousie; elles ne haïssent pas de primer dans ce nouveau genre de vie, comme elles faisaient dans celui qu'elles viennent de quitter par politique ou par dégoût. Elles se perdaient gaiement par la galanterie, par la bonne chère et par l'oisivité; et elles se perdent tristement par la présomption et par l'envie.
44
(VII) Hermas, if I marry a stingy woman, she won't ruin me; if I marry a gambler, she might make me richer; if a learned woman, she might teach me; if a prude, she won't get carried away; if a woman who gets carried away, she will teach me patience; if a coquette, she would want to please me; if a gallant woman, she may be so gallant as to love me; but if I marry a woman falsely pious, Hermas, what can I expect; from a woman who would want to deceive God and who deceives herself?
(VII) Si j'épouse, Hermas, une femme avare, elle ne me ruinera point; si une joueuse, elle pourra s'enrichir; si une savante, elle saura m'instruire; si une prude, elle ne sera point emportée; si une emportée, elle exercera ma patience; si une coquette, elle voudra me plaire; si une galante, elle le sera peut-être jusqu'à m'aimer; si une dévote, répondez, Hermas, que dois-je attendre de celle qui veut tromper Dieu, et qui se trompe elle-même?
45
(IV) A woman is easy to govern, provided that a man takes some trouble to do so. Even a single man can be seen governing many; he cultivates their esprit and their memory, fixes and determines their religion; he even undertakes to rule their heart. They neither approve nor disapprove, neither praise nor condemn, until after they have consulted his eyes and countenance. He is the source of their joys and their chagrins, of their desires, of their jealousies, of their hatreds and of their loves; he makes them break from their gallants; he makes them upset at or reconciled to their husbands, and he profits from the intervals in between. He takes care of their affairs, solicits for them in their lawsuits, and goes to see their judges; he gives them his doctor, merchant and craftsmen; he interferes in finding them a residence, he furnishes it, and he orders their carriages. One sees him with them when they take a ride, throughout the streets of the town, and on walks, as well as in their pew at church and in their box at the theater; he makes their visits with them; he accompanies them to the baths, to the waters, on their travels; he has the most comfortable apartment in their country houses. He grows old without losing his authority: a little esprit and a great deal of time to lose was enough for him to keep it; the children, the heirs, the daughter-in-law, the niece, the servants, everyone depends on him. He began by making himself esteemed; he ends by making himself feared. This friend from so long ago, who is so necessary, dies without anyone crying over him; and ten women he was the tyrant of inherit upon his death their freedom.
(IV) Une femme est aisé à gouverner, pourvu que ce soit un homme qui s'en donne la peine. Un seul même en gouverne plusieurs; il cultive leur esprit et leur mémoire, fixe et détermine leur religion; il entreprend même de régler leur coeur. Elles n'approuvent et ne désapprouvent, ne louent et ne condamnent, qu'après avoir consulté ses yeux et son visage. Il est le dépositaire de leur joies et de leurs chagrins, de leurs désirs, de leurs jalousies, de leurs haines et de leurs amours; il les fait rompre avec leurs galants; il les brouille et les réconcilie avec leurs maris, et il profite des interrègnes. Il prend soin de leurs affaires, sollicite leur procès, et voit leurs juges; il leur donne son médecin, son marchand, ses ouvriers; il s'ingère de les loger, de les meubler, et il ordonne de leur équipage. On le voit avec elles dans leurs carrosses, dans les rues d'une ville et aux promenades, ainsi que dans leur banc à un sermon, et dans leur loge à la comédie; il fait avec elles les mêmes visites; il les accompagne au bain, aux eaux, dans les voyages; il a le plus commode appartement chez elles à la compagne. Il vieillit sans déchoir de son autorité: un peu d'esprit et beaucoup de temps à perdre lui suffit pour la conserver; les enfants, les héritiers, la bru, la nièce, les domestiques, tout en dépend. Il a commencé par se faire estimer; il finit par se faire craindre. Cet ami si ancien, si nécessaire, meurt sans qu'on le pleure; et dix femmes dont il était le tyran héritent par sa mort de la liberté.
46
(V) Some women have tried to hide their conduct under a cover of modesty; and all that any of them have been able to win through this continual affectation, which is never confounded, is to have people say: You would think she was a Vestal virgin.
(V) Quelques femmes ont voulu cacher leur conduite sous les dehors de la modestie; et tout ce que chacune a pu gagner par une continuelle affectation, et qui ne s'est jamais démentie, a été de faire dire de soi: On l'aurait prise pour une vestale.
47
(IV) It is a violent proof of a very unstained and established reputation in a woman, if she is not even sullied by her familiarity with certain women who do not resemble her at all; and if, with all the inclination people have to give malignant explanations, they nonetheless ascribe this intimacy to a completely different reason than a similarity of morals.
(IV) C'est dans les femmes une violente preuve d'une réputation bien nette et bien établie, qu'elle ne soit pas même effleurée par la familiarité de quelque-unes qui ne leur ressemblent point; et qu'avec toute la pente qu'on a aux malignes explications, on ait recours à une tout autre raison de ce commerce qu'à celle de la convenance des moeurs.
48
(VII) An actor overdoes his part when on stage; a poet amplifies his descriptions; a painter who draws from life constrains and exaggerates passions, contrasts, and attitudes; and someone who copies his painting, unless he uses a compass to measure the dimensions and proportions, makes the figures bigger and gives to every part of the tableau more volume than the original had: it is in the same way that prudery imitates wisdom.
There is a false modesty which is vanity, a false glory which is thoughtlessness, a false grandeur which is pettiness, a false virtue which is hypocrisy, and a false wisdom which is prudery.
A prude woman is concerned with her bearing and her words; a wise woman is concerned with her conduct. The first follows her humor and complexion, the second her reason and her heart. The former is serious and austere; the latter acts precisely as is necessary in different situations. The first hides her weaknesses under a plausible exterior; the second covers a rich store of virtue with a free and natural air. Prudery constrains esprit, and neither hides age nor ugliness; often it presupposes them: wisdom, on the contrary, palliates imperfections of the body, ennobles esprit, and makes youth only more piquant and beauty only more perilous.
(VII) Un comique outre sur la scène ses personnages; un poète charge ses déscriptions; un peintre qui fait d'après nature force et exagère une passion, un contraste, des attitudes; et celui qui copie, s'il ne mesure au compas les grandeurs et les proportions, grossit ses figures, donne à toutes les pièces qui entrent dans l'ordonnance de son tableau plus de volume que n'en ont celles de l'original: de même la pruderie est une imitation de sagesse.
Il y a une fausse modestie qui est vanité, une fausse gloire qui est légèreté, une fausse grandeur qui est petitesse, une fausse vertu qui est hypocrisie, une fausse sagesse qui est pruderie.
Une femme prude paye de maintien et de parole; une femme sage paye de conduite. Celle-là suit son humeur et sa complexion, celle-ci sa raison et son coeur. L'une est sérieuse et austère; l'autre est dans les diverses rencontres précisément ce qu'il faut qu'elle soit. La première cache des faibles sous de plausibles dehors; la seconde couvre un riche fonds sous un air libre et naturel. La pruderie contraint l'esprit, ne cache ni l'âge ni la laideur; souvent elle les suppose: la sagesse au contraire pallie les défauts du corps, ennoblit l'esprit, ne rend la jeunesse que plus piquante et la beauté que plus périlleuse.
49
(VII) Why attribute it to men that women are not learned? By what laws, what edicts, what regulations have they forbidden them from opening their eyes and reading, from retaining what they have read, and from giving an account of it in their conversation or in their works? Have they not rather established this custom themselves of not being knowledgeable, either because of the weakness of their constitution, or the indolence of their esprit, or the care of their beauty, or a certain flightiness that prevents them from following a long study through, or a talent and genius only for handiwork, or the distractions that come from domestic avocations, or a natural estrangement from difficult and serious things, or a curiosity very distinct from what satisfies esprit, or a completely different taste than for exercising their memory? But whatever cause men may give for the ignorance of women, they are fortunate that women, who rule them in so many other things, don't have this advantage over them at least.
We regard a learned woman in the same way people regard a beautiful piece of armor: it is artistically chiselled, has an admirable polish, and shows exquisite workmanship; it is kept in the cabinet as part of a collection, which one shows to people who are curious, which is not used, which is not taken when going to war nor when hunting, no more than a horse immediately out of riding-school, though the best instructed in the world.
If knowledge and wisdom are united in a single person, I do not ask about his or her sex, I admire; and if you tell me that a wise woman doesn't think of becoming learned, or that a learned woman is hardly wise, you have already forgotten what you have just read, that women are only discouraged from knowledge by certain faults: therefore, conclude that the less they have these faults, the wiser they would be, and that a wise woman would only be more fit for becoming learned, or that a learned woman, only being such because she has been able to conquer very many weaknesses, is only wiser for it.
(VII) Pourquoi s'en prendre aux hommes de ce que les femmes ne sont pas savante? Par quelles lois, par quels édits, par quels rescrits leur a-t-on défendu d'ouvrir les yeux et de lire, de retenir ce qu'elles ont lu, et d'en rendre compte ou dans leur conversation ou par leurs ouvrages? Ne se sont-elles pas au contraire établie elles-même dans cet usage de ne rien savoir, ou par la faiblesse de leur complexion, ou par la paresse de leur esprit, ou par le soin de leur beauté, ou par une certaine légèreté qui les empêche de suivre une longue étude, ou par le talent et le génie qu'elles ont seulement pour les ouvrages de la main, ou par les distractions que donnent les détails d'un domestique, ou par un éloignement naturel des choses pénibles et sérieuses, ou par une curiosité toute différente de celle qui contente l'esprit, ou par un tout autre goût que celui d'exercer leur mémoire? Mais à quelque cause que les hommes puissent devoir cette ignorance des femmes, ils sont heureux que les femmes, qui les dominent d'ailleurs par tant d'endroits, aient sur eux cet avantage de moins.
On regarde une femme savante comme on fait une belle arme: elle est ciselée artistement, d'une polissure admirable et d'un travail fort recherché; c'est une pièce de cabinet, que l'on montre aux curieux, qui n'est pas d'usage, qui ne sert ni à la guerre ni à la chasse, non plus qu'un cheval de manège, quoique le mieux instruit du monde.
Si la science et la sagesse se trouvent unies en un même sujet, je ne m'informe plus du sexe, j'admire; et si vous me dites qu'une femme sage ne songe guère à être savante, ou qu'une femme savante n'est guère sage, vous avec déjà oublié ce que vous venez de lire, que les femmes ne sont détournées des sciences que par de certains défauts: concluez donc vous-même que moins elles auraient de ces défauts, plus elles seraient sages, et qu'ainsi une femme sage n'en serait que plus propre à devenir savante, ou qu'une femme savante, n'étant telle que parce qu'elle aurait pu vaincre beaucoup de défauts, n'en est que plus sage.
50
(I) Being neutral between two women who are equally our friends, though they have broken with each other over interests that have nothing to do with us, is a difficult point: often one must choose between them, or lose the friendship of both.
(I) La neutralité entre des femmes qui nous sont également amies, quoiqu'elles aient rompu pour des intérêts où nous n'avons nulle part, est un point difficile: il faut choisir souvent entre elles, ou les perdre toutes deux.
51
(I) There are some women who like their money more than their friends, and their lovers more than their money.
(I) Il y a telle femme qui aime mieux son argent que ses amis, et ses amants que son argent.
52
(I) It is surprising to see something stronger and more lively in the heart of certain women than love of men; I mean ambition and a drive to gamble: such women make men chaste; only their clothes belong to their sex.
(I) Il est étonnant de voir dans le coeur de certaines femmes quelque chose de plus vif et de plus fort que l'amour pour les hommes, je veux dire l'ambition et le jeu: de telles femmes rendent les hommes chastes; elles n'ont de leur sexe que les habits.
53
(I) Women are extreme: they are better or worse than men.
(I) Les femmes sont extrêmes: elles sont meilleures or pires que les hommes.
54
(I) Most women have few principles; they act according to their heart, and depend for their mores on the people they love.
(I) La plupart des femmes n'ont guère de principes; elles se conduisent par le coeur, et dépendent pour leurs moeurs de ceux qu'elles aiment.
55
(IV) Women go further in love than most men; but men go further in friendship.
Men are the cause of women not liking each other.
(IV) Les femmes vont plus loin en amour que la plupart des hommes; mais les hommes l'emportent sur elles en amitié.
Les hommes sont cause que les femmes ne s'aiment point.
56
(V) There is danger in mocking someone. Lise, already old, wants to make a young woman seem ridiculous, and herself becomes deformed; she frightens me. She grimaces and contorts her face to imitate her: and when she does so she is sufficiently ugly to make the person she is mocking seem beautiful.
(V) Il y a du péril à contrefaire. Lise, déjà vieille, veut rendre une jeune femme ridicule, et elle-même devient difforme; elle me fait peur. Elle use pour l'imiter de grimaces et de contorsions: la voilà aussi laide qu'il faut pour embellir celle dont elle se moque.
57
(VII) In the city, many idiotic men and women are reputed to have esprit; at court, many people are reputed to lack esprit who have very much; and it is difficult for a beautiful woman of this last type who has esprit to save her reputation among other women.
(VII) On veut à la ville que bien des idiots et des idiotes aient de l'esprit; on veut à la cour que bien des gens manquent d'esprit qui en ont beaucoup; et entre les personnes de ce dernier genre une belle femme ne se sauve qu'à peine avec d'autres femmes.
58
(I) A man keeps another person's secret better than his own; a woman, on the contrary, guards her own secret better than someone else's.
(I) Un homme est plus fidèle au secret d'autrui qu'au sien propre; une femme au contraire garde mieux son secret que celui d'autrui.
59
(I) There is no love so violent in the heart of a young woman that self-interest or ambition do not contribute to it.
(I) Il n'y a point dans le coeur d'une jeune personne un si violent amour auquel l'intérêt ou l'ambition n'ajoute quelque chose.
60
(I) There is a certain time before which the wealthiest girls must marry; they seldom let their first offers escape without preparing themselves for long regret: it seems that the reputation of their wealth lessens with their beauty. Everything, on the contrary, favors a young woman, especially the opinion of men, who love to grant them every advantage that can make them more desirable.
(I) Il y a un temps où les filles les plus riches doivent prendre parti; elles n'en laissent guère échapper les premières occasions sans se préparer un long repentir: il semble que la réputation des biens diminue en elles avec celle de leur beauté. Tout favorise au contraire une jeune personne, jusques à l'opinion des hommes, qui aiment à lui accorder tous les avantages qui peuvent la rendre plus souhaitable.
61
(I) How many girls there are whose great beauty only ever made them hope for a large fortune!
(I) Combien de filles à qui une grande beauté n'a jamais servi qu'à leur faire espérer une grande fortune!
62
(VII) Beautiful women tend to avenge the lovers they treated ill, by marrying either ugly, old, or unworthy husbands.
(VII) Les belles filles sont sujette à venger ceux de leurs amants qu'elles ont maltraités, ou par de laids, ou par de vieux, ou par d'indignes maris.
63
(IV) Most women judge a man's merit and the handsomeness of his face by the impression he makes on them, and seldom grant either the one or the other to a man they have no feelings for.
(IV) La plupart des femmes jugent du mérite et de la bonne mine d'un homme par l'impression qu'ils font sur elles, et n'accordent presque ni l'un ni l'autre à celui pour qui elles ne sentent rien.
64
(IV) A man who is eager to know if he is changing, if he is beginning to grow old, can consult the eyes of a young woman when he approaches her, and the tone that she speaks to him in: he will learn what he is afraid to know. A hard school.
(IV) Un homme qui serait en peine de connaître s'il change, s'il commence à vieillir, peut consulter les yeux d'une jeune femme qu'il aborde, et le ton dont elle lui parle: il apprendra ce qu'il craint de savoir. Rude école.
65
(IV) A woman who only ever has her eyes on a single person, and another who tries never to look at him at all, make people conclude the same thing about them.
(IV) Une femme qui n'a jamais les yeux que sur une même personne, ou qui les en détourne toujours, fait penser d'elle la même chose.
66
(IV) It costs women little to say what they do not feel at all: it costs men still less to say what they do feel.
(IV) Il coûte peu aux femmes de dire ce qu'elles ne sentent point: il coûte encore moins aux hommes de dire ce qu'ils sentent.
67
(I) It sometimes happens that a woman hides all the passion that she feels for a man, while he feigns all the passion that he does not feel.
(I) Il arrive quelquefois qu'une femme cache à un homme toute la passion qu'elle sent pour lui, pendant que de son côté il feint pour elle toute celle qu'il ne sent pas.
68
(I) One finds a man indifferent, but wanting to persuade a woman of a passion he doesn't feel; and one asks if it wouldn't be easier for him to deceive someone who loves him than someone who doesn't love him at all.
(I) L'on suppose un homme indifférent, mais qui voudrait persuader à une femme une passion qu'il ne sent pas; et l'on demande s'il ne lui serait pas plus aisé d'imposer à celle dont il est aimé qu'à celle qui ne l'aime point.
69
(I) A man can deceive a woman with a feigned tie to her, provided he doesn't have a real one elsewhere.
(I) Une homme peut tromper une femme par un feint attachement, pourvu qu'il n'en ait pas ailleurs un véritable.
70
(I) A man storms against a woman who no longer loves him, and consoles himself; a woman makes less noise when someone leaves her, and for a long time remains inconsolable.
(I) Un homme éclate contre une femme qui ne l'aime plus, et se console; une femme fait moins de bruit quand elle est quittée, et demeure longtemps inconsolable.
71
(I) Women are cured of laziness by vanity or by love.
(IV) On the other hand, laziness in lively women is an omen of love.
(I) Les femmes guérissent de leur paresse par la vanité ou par l'amour.
(IV) La paresse au contraire dans les femmes vives est le présage de l'amour.
72
(IV) It is certain that a woman who writes letters full of passion is carried away; it is less clear that she is genuinely moved. It seems that a lively and tender passion is somber and silent; and that the most pressing interest of a woman who is no longer free, the one which stirs her the most, is less to persuade someone that she loves than to be reassured that she is loved.
(IV) Il est fort sûr qu'une femme qui écrit avec emportement est emportée; il est moins clair qu'elle soit touchée. Il semble qu'une passion vive et tendre est morne et silencieuse; et que le plus pressant intérêt d'une femme qui n'est plus libre, celui qui l'agite davantage, est moins de persuader qu'elle aime, qu de s'assurer si elle est aimée.
73
Glycere does not like women, she hates their company and their visits, she gives orders to deny them entrance, and she often does the same to the men who are her friends, whose number is small, to whom she is severe, whom she keeps in their place without allowing anything beyond friendship: she is distracted when she is with them, responds with single syllables and seems to be looking for a way to get rid of them. She is solitary and savage in her house; the gate is better guarded, and her bedroom is more inaccessible than that of Monthoron and d'Hémery. Only Corinne is waited for and received at every hour.
Glycere n'aime pas les femmes, elle hait leur commerce et leurs visites, se fait celer pour elles, et souvent pour ses amis, dont le nombre est petit, à qui elle est sévère, qu'elle resserre dans leur ordre, sans leur permettre rien de ce qui passe l'amitié: elle est distraite avec eux, leur répond par des monosyllabes, et semble chercher à s'en défaire. Elle est solitaire et farouche dans sa maison; sa porte est mieux gardée, et sa chambre plus inaccessible que celles de Monthoron et d'Hémery. Une seule Corinne y est attendue, y est reçue, et à toutes les heures : on l'embrasse à plusieurs reprises, on croit l'aimer, on lui parle à l'oreille dans un cabinet où elles sont seules; on a soi-même plus de deux oreilles pour l'écouter; on se plaint à elle de tout autre que d'elle, on lui dit toutes choses et on ne lui apprend rien, elle a la confiance de tous les deux. L'on voit Glycere en partie carrée au bal, au théâtre, dans les jardins publies, sur le chemin de Venouze où l'on mange les premiers fruits; quelquefois seule en litière sur la route du grand faubourg où elle a un verger délicieux, ou à la porte de Canidie qui a de si beaux secrets, qui promet aux jeunes femmes de secondes noces, qui en dit le temps et les circonstances. Elle paroît ordinairement avec une coiffure plate et négligée, en simple déshabillé, sans corps et avec des mules: elle est belle en cet équipage, il ne lui manque que de la fraîcheur. On remarque néanmoins sur elle une riche attache qu'elle dérobe avec soin aux yeux de son mari: elle le flatte, elle le caresse, elle invente tous les jours pour lui de nouveaux noms, elle n'a pas d'autre lit que celui de ce cher époux, et elle ne veut pas découcher. Le matin elle se partage entre sa toilette et quelques billets qu'il faut écrire. Un affranchi vient lui parler en secret, c'est Parmenon, qui est favori, qu'elle soutient contre l'antipathie du maître et la jalousie des domestiques. Qui à la vérité fait mieux connoître des intentions et rapporte mieux une réponse que Parmenon? Qui parle moins de ce qu'il faut taire? Qui sait ouvrir une porte secrète avec moins de bruit? Qui conduit plus adroitement par le petit escalier? Qui fait mieux sortir par où l'on est entré?.
On society and conversation
De la société et de la conversation
1
(I) A man with an insipid character has no character at all.
(I) Un caractère bien fade est celui de n'en avoir aucun.
2
(I) It is for a fool to be unwelcome: someone who is clever senses if his presence is agreeable or bothersome and knows how to leave before people think he stayed too long.
(I) C'est le rôle d'un sot d'être importun: un homme habile sent s'il convient ou s'il ennuie; il sait disparaître le moment que précède celui où il serait de trop quelque part.
3
(I) People who joke without taste are tripped over, so ubiquitous is this type of insect. A person who jokes appropriately, with good humor and sense is rare and it is hard for a man who was born this way to remain so for a long time; a jester rarely earns our esteem.
(I) L'on marche sur les mauvais plaisants, et il pleut par tout pays de cette sorte d'insectes. Un bon plaisant est une pièce rare; à un homme qui est né tel, il est encore fort délicat d'en soutenir longtemps le personnage; il n'est pas ordinaire que celui qui fait rire se fasse estimer.
4
(I) There are many obscene people, still more slanderous and satirical ones, and few who are tactful. To banter with grace and make the littlest subjects happy ones, a person needs too much courtesy, too much decency and even too much fecundity: it requires creativity to tease people in this way, and the ability to make something out of nothing.
(I) Il y a beaucoup d'esprits obscènes, encore plus de médisants ou de satiriques, peu de délicats. Pour badiner avec grâce, et rencontrer heureusement sur les plus petits sujets, il faut trop de manières, trop de politesse, et même trop de fécondité: c'est creer que de railler ainsi, et faire quelque chose de rien.
5
(IV) If a person gave serious attention to everything cold, vain and puerile that is usually said throughout the day, he would be ashamed to speak and to listen, and would perhaps condemn himself to a perpetual silence, which would be worse between men than useless talking. It is therefore necessary to oblige people and permit as a necessary evil the recital of false news, vague reflections on the government and on the decisions of rulers, and the outpouring of fine sentiments which always amounts to the same thing; it is necessary to let Aronce repeat proverbs and Mélinde talk about herself, her nerves, her headaches and her lack of sleep.
(IV) Si l'on faisait une sérieuse attention à tout ce qui se dit le froid, de vain et de puéril dans les entretiens ordinaires, l'on aurait honte de parler ou d'écouter, et l'on se condamnerait peut-être à un silence perpétuel, qui serait une chose pire dans le commerce que les discours inutiles. Il faut donc s'accommoder à tous les esprits, permettre comme un mal nécessaire le récit des fausses nouvelles, les vagues réflexions sur le gouvernement présent, ou sur l'intérêt des princes, le débit des beaux sentiments, et qui reviennent toujours les mêmes; il faut laisser Aronce parler proverbe, et Mélinde parler de soi, de ses vapeurs, de ses migraines et de ses insomnies.
6
(IV) We sometimes meet people who, in their conversation and the little commerce we have with them, repel us with their ridiculous expressions, with the novelty, and I dare say misplaced words they use, as with words that are only ever put together in their mouths, and to mean something that the words' inventors never intended. Such people follow neither reason nor custom when they speak, and their bizarre nature, which always wants to seem pleasant and perhaps brilliant, gives them their own jargon without noticing, which finally becomes their own dialect; to their extravagant speech they add affected gestures and a fake accent. All such people are satisfied with themselves and their intelligence, and one can't deny that they do have intelligence; but it makes us pity them, and, what is worse, being around it makes us suffer.
(IV) L'on voit des gens qui, dans les conversations ou dans le peu de commerce que l'on a avec eux, vous dégoûtent par leurs ridicules expressions, par la nouveauté, et j'ose dire par l'impropriété des termes dont ils se servent, comme par l'alliance de certains mots qui ne se rencontrent ensemble que dans leur bouche, et à qui ils font signifier des choses que leurs premiers inventeurs n'ont jamais eu intention de leur faire dire. Ils ne suivent en parlant ni la raison ni l'usage, mais leur bizarre génie, que l'envie de toujorus plaisanter, et peut-être de briller, tourne insensiblement à un jargon qui leur est propre, et qui devient enfin leur idiome naturel; ils accompagnent un langage si extravagant d'un geste affecté et d'une prononciation qui est contrefaite. Tous sont contents d'eux-mêmes et de l'agrément de leur esprit, et l'on ne peut pas dire qu'ils en soient entièrement dénués; mais on les plaint de ce peu qu'ils en ont; et, ce qui est pire, on en souffre.
7
(V) What are you saying? What? I don't understand; would you be kind enough to say it again? I understand still less. Oh, I guess your meaning at last: you want to tell me, Acis, that is it cold outside; why didn't you say, 'It is cold outside'? You want to tell me that it is raining or snowing; say: 'It is raining, it is snowing'. You think I am looking well and you want to congratulate me; say: 'I think you are looking well'. - But, you respond, that is so plain and clear, anyone could have said it. - What does it matter, Acis? Is it so terrible to be understood when you speak and to speak like everybody does? You are missing one thing, Acis, you and the people similar to you, who call someone Phoebus when they mean that he is brilliant; you don't have the smallest suspicion of it and I know I am going to surprise you: the one thing you lack is intelligence. That is not all. You have too much of something else, namely, assurance that you have more intelligence than others; that is the source of your pompous nonsense, of your confused phrases, and of your big words that mean nothing. You walk up to someone or you enter a room; I tug your coat and whisper in your ear: 'Don't try to be brilliant, not at all, that is your role; speak, if you can, in simple language, the kind that you think doesn't show you to be intelligent at all; maybe then people will be able to tell that you are.'
(V) Que dites-vous? Comment? Je n'y suis pas; vous plairait-il de recommencer? J'y suis encore moins. Je devine enfin: vous voulez,Acis, me dire qu'il fait froid; que ne disiez-vous: « Il fait froid » ? Vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige; dites: « Il pleut, il neige. » Vous me trouvez bon visage, et vous désirez de m'en féliciter; dites: « Je vous trouve bon visage. » - Mais, répondez-vous, cela est bien uni et bien clair; et d'ailleurs qui ne pourrait pas en dire autant? - Qu'importe, Acis? Est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde? Une chose vous manque, Acis, à vous et à vos semblables les diseurs de phoebus; vous ne vous en défiez point, et je vais vous jeter dans l'étonnement: une chose vous manque, c'est l'esprit. Ce n'est pas tout: il y a en vous une chose de trop, qui est l'opinion d'en avoir plus que les autres; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien. Vous abordez cet homme, ou vous entrez dans cette chambre; je vous tire par votre habit, et vous dis à l'oreille: « Ne songez point à avoir de l'esprit, n'en ayez point, c'est votre rôle; ayez, si vous pouvez, un langage simple, et tel que l'ont ceux en qui vous ne trouvez aucun esprit: peut-être alors croira-t-on que vous en avez. »
On Man
50 (IV) Children are haughty, disdainful, angry, envious, curious, self-interested, lazy, flighty, timid, intemperate, lying and dissimulating; they laugh and cry easily; they have immoderate joys and bitter afflictions over little things; they never want to suffer from pain and they like to make others do so; they are already adults.
51 (IV) Children have niether a past nor a future, and, what nearly never happens to us, they enjoy the present.
59 (IV) A person loses all of children's confidence and becomes useless to them when he punishes them for things they did not do, or punishes them severely for little things. Chilren know precisely, and better than anyone, what they deserve, and they seldom deserve more than they are afraid of. They know if it is wrong or right that they are being punished, and they are spoiled just as much by being given undeserved punishments as by being given no punishments at all.
50 (IV) Children are haughty, disdainful, angry, envious, curious, self-interested, lazy, flighty, timid, intemperate, lying and dissimulating; they laugh and cry easily; they have immoderate joys and bitter afflictions over little things; they never want to suffer from pain and they like to make others do so; they are already adults.
51 (IV) Children have niether a past nor a future, and, what nearly never happens to us, they enjoy the present.
59 (IV) A person loses all of children's confidence and becomes useless to them when he punishes them for things they did not do, or punishes them severely for little things. Chilren know precisely, and better than anyone, what they deserve, and they seldom deserve more than they are afraid of. They know if it is wrong or right that they are being punished, and they are spoiled just as much by being given undeserved punishments as by being given no punishments at all.